Chapitre 35 - Le Paradis... sans fruit


TW : Ce chapitre comporte une scène à caractère sexuel explicite. 

*

Cette scène s'est déjà jouée une fois, mais ce soir, elle a un tout autre goût que la première. Lorsque je me suis enfui avec lui de cette boîte de nuit, j'étais dans l'idée d'étouffer un désir bestial, de conclure une histoire non terminée. Ce soir, les choses ont changé. Je ne sais pas où nous allons tous les deux, je ne sais pas s'il y aura un après, mais ce dont je suis sûr, c'est que je le désire. Il n'y a plus cette gêne de la première fois. Même lorsque je pousse la porte de l'appartement pour la refermer sur Florestan, je n'ai pas l'impression de réaliser un interdit.

Ou alors, c'est le genre d'interdit qui m'attire tout particulièrement, un peu comme lorsqu'Adam a poussé Eve à croquer le fruit défendu.

Florestan retire son manteau et je m'empresse de l'accrocher sur le portant, avant de me retourner vers lui. Attiré comme un aimant par ses lèvres, je résiste pourtant à l'attraction qui me pousse à me jeter sur lui pour le déshabiller. L'instant me paraît trop solennel pour me précipiter. On ne parle pas d'un inconnu rencontré dans un bar, mais de mon ancien amant, de mon premier amour, de ce corps que j'ai déjà connu, de ce corps que j'ai haï et tant de fois désiré retrouver.

Mais alors que je tergiverse avec moi-même, Florestan se rapproche et prend ma main entre la sienne. Doucement, il remonte l'autre le long de mon corps, jusqu'à parvenir à mon visage qu'il caresse. Ses doigts glissent le long de mon nez, sur cette fine cicatrice que je porte depuis qu'Amir m'a frappé, sur cette arcade sourcilière, fendue à plusieurs reprises, sur mon menton qui porte encore des stigmates d'autres blessures. Si lui n'a pas beaucoup changé, mes traits à moi se sont endurcis. Florestan ne prononce aucun mot, il continue son exploration, puis vient doucement déposer ses lèvres sur les miennes. Je lâche un gémissement, mon corps se presse contre lui alors que mes mains glissent le long de ses reins.

— Ma chambre est par-là, chuchoté-je.

— Je sais, mais attends une seconde.

Il se détache, dépose un autre baiser, chaste, sur ma bouche, puis baisse la tête. Ses yeux tombent sur nos doigts liés. Il les remonte jusqu'à sa poitrine, pose ma main sur son cœur que je peux sentir battre avec frénésie.

— Ce que tu entends là, c'est le cœur d'un homme qui n'a jamais cessé de t'aimer.

— Flo...

— Laisse-moi m'exprimer, s'il te plaît. J'ai commis une erreur, une terrible erreur que tu as payée cher, et je le regrette amèrement. Ce que je t'ai dit ce jour-là, dans le hall du lycée, quand je t'ai dit que tu me faisais pitié et que je ne t'avais jamais aimé...

— Flo, arrête s'il te plaît.

— C'était un mensonge. Un terrible mensonge. Je n'ai jamais cessé de t'aimer, jamais. Et cette douleur de t'avoir perdu ainsi, d'être responsable de tout ça, je la porterai en moi toute ma vie. Tu peux te venger, Maël. Tu peux me repousser et briser mon cœur à ton tour, si tu le souhaites, je ne m'y opposerai pas, tu peux...

Je le fais taire d'un baiser. Je capture ses lèvres, étouffe ses mots, les lui vole pour qu'il cesse de les prononcer. J'en ai assez de ses mea culpa, je n'ai pas besoin de ses excuses. J'ai choisi de faire le deuil de mon passé, j'ai choisi de faire de 2025 les prémices de ma nouvelle vie. Peu m'importe qu'il m'ait brisé le cœur, ce que je veux désormais, c'est qu'il le répare.

— Arrête de parler et embrasse-moi ! chuchoté-je entre deux baisers. Répare mon cœur, au lieu de dire n'importe quoi.

À mon tour, je pose sa paume sur ma poitrine. Mon cœur martèle ma peau à grand fracas. Je me rapproche encore plus près de lui, accentue la pression sur ses lèvres, mais pas seulement. Je veux lui faire ressentir mon désir, l'envie de son corps, l'envie de lui. La première fois, nous étions gauches, empressés. Tout n'était que découverte, maladresse. Désormais, les choses ont changé. Je ne vais pas me targuer d'être un expert, bien au contraire, mais je sais comment donner du plaisir à un homme et je sais comment un homme peut m'en procurer. J'accentue la pression de ma cuisse sur son entre-jambes, tout en parsemant sa peau de baisers. Florestan lâche des gémissements, alors que ma bouche descend le long de son cou et que mes doigts commencent à déboutonner son gilet. Quand il tombe à terre, ne laissant entre nous que la barrière de son t-shirt que je m'empresse de lui retirer, je le tire pour rejoindre ma chambre.

Je n'ai rien contre le hall d'entrée, mais nous serons plus à l'aise dans un lit.

Arrivé là, Florestan m'aide à retirer ma chemise. Nous nous retrouvons torse nu, l'un en face de l'autre, à nous dévisager. Ses doigts glissent lentement sur mes pectoraux et je frissonne lorsqu'il effleure mes tétons. Florestan revient prendre mes lèvres entre les siennes, sa langue pénètre la barrière de ma bouche alors que sa main glisse vers mon entrejambe. À travers mon jean, il me caresse, m'arrachant des gémissements. Je sens la fièvre me prendre, l'envie de sentir ses doigts enfler. Le désir est si fort que j'en ai mal.

Nos pantalons tombent à leur tour et nous basculons sur le lit, nos corps seulement séparés par nos deux caleçons. Quand enfin, ces derniers tissus sont retirés, nous laissant en tenue d'Adam, mes yeux ne peuvent s'empêcher de parcourir ce corps, au reflet doré, auquel j'ai rêvé tant de fois. Parce que malgré les épreuves, malgré la haine, chaque fois qu'un rêve érotique me gagnait, c'était toujours son corps qui revenait, toujours ses mains que je revoyais en train de me caresser.

— Maël..., soupire-t-il.

Ma main glisse vers son entrejambe. Quand mes doigts effleurent son gland, il se tend. Ses ongles s'enfoncent dans ma peau alors que je grimpe sur lui.

— Je veux te caresser aussi, me supplie-t-il.

— Pas tout de suite. Je suis trop excité, si tu me touches, je vais jouir.

— Et moi alors ? s'exclame-t-il.

— Toi, retiens-toi.

Je descends sur son torse, le parsème de baisers, puis m'arrête devant son sexe durci et dressé. Du regard, j'attends son assentiment qu'il s'empresse de me donner. Ma langue vient caresser son gland perlé de fluide corporel, avant de l'enrober tout entier. Florestan gémit. Ses doigts trouvent naturellement leur place dans mes cheveux qu'il s'empresse de caresser. Je le suce sur toute la longueur, le plus lentement possible, dans un objectif sadique de faire durer le plaisir. Par moment, quand je le sens au bord de la jouissance, je m'arrête, puis reprends mes va-et-vient, cette torture délicieuse qui lui arrache des sons que je pensais ne jamais réentendre.

À un moment, il tapote mon épaule, me forçant à arrêter pour relever la tête. Ses iris gris sont noyés d'une lueur de désir, d'un pétillement intense. Je reviens embrasser ses lèvres, son sexe effleure le mien quand mon corps rencontre le sien. Florestan me fait basculer sur le dos. À son tour, il se retrouve sur moi et me dévore la bouche. Sa main glisse jusqu'à mon sexe. Je me tends entre ses bras alors qu'il effectue des frottements qui m'arrachent des cris de plaisir. Lorsqu'il se penche à mon oreille pour susurrer :

— Tu as des préservatifs ?

Je suis obligé de me mordre les lèvres et de convoquer une image particulièrement désobligeante – au hasard, Béranger et sa matraque -, pour repousser la vague de plaisir que je sens monter. Je hoche la tête avec frénésie et lui désigne ma table de chevet. J'espère que ma mère n'a pas fouillé dans mes affaires. Je ne suis peut-être plus un adolescent, mais elle a une forte tendance à entrer dans ma chambre pour s'occuper du ménage, malgré le fait que je puisse le faire moi-même. Florestan ouvre le tiroir et récupère les protections. Il déchire l'emballage et m'observe :

— Toi ou moi ?

— Toi.

Ce soir, j'ai envie de le sentir en moi.

Cette étape, nous ne l'avons jamais franchie tous les deux. Nous étions trop jeunes encore, pas suffisamment aguerris, un peu apeurés aussi. Nous nous étions contentés de caresses et de baisers. Je n'ai eu ma première expérience de pénétration qu'il y a quelques mois, et passé les premiers instants douloureux, j'ai particulièrement aimé cette sensation, celle de me sentir rempli. Et là, parce que c'est Florestan, c'est encore différent. Il enfile le préservatif et m'écarte les cuisses, avant de glisser un doigt imprégné de salive. Sur le moment, mon corps se crispe de douleur. La sensation devient rapidement agréable, à mesure qu'il effectue des petits ronds dans mon anus. Il rajoute bientôt un autre doigt, pour me préparer, puis place son sexe devant mon antre. Quand il s'enfonce lentement, je me mords les lèvres et lâche un gémissement, douleur et plaisir mêlés. Florestan prend son temps, il y va progressivement, le temps que je m'habitue à son sexe d'où dépassent quelques poils autour de son pubis. Ses mains sont agrippées aux miennes, plaquées contre le matelas.

— Ça va ?

— Oui...

Je souffle. La sensation douloureuse finit par s'estomper. Florestan est attentif aux moindres crispations sur mon visage et quand je lui donne le feu vert, il commence à effectuer des va-et-vient, d'abord lents, puis de plus en plus rapides. La cadence qu'il y met, la fougue de ses coups de reins, me fait penser à un morceau de Lully. La marche pour la cérémonie des Turques, interprétée par le musicien du roi. Florestan soupire, tout en s'enfonçant plus profondément en moi. Chaque fois que son gland effleure ma prostate, il m'arrache des cris de plaisir qui se mêle au sien. Je me mords la lèvre si fort que je sens du sang perler. Il me lâche une main pour s'emparer de mon sexe et effectue des va-et-vient avec, en même temps que les mouvements de son corps battent en rythme.

Il jouit enfin dans un cri. Son corps se contracte. Je le suis l'instant suivant, répandant ce fluide blanc entre nos deux corps, les yeux révulsés par le plaisir. Florestan se retire doucement. Son absente me tire aussitôt un gémissement de déplaisir, le manque de lui se fait déjà ressentir. Mon amant attrape un mouchoir pour nous essuyer, jette le préservatif dans la corbeille sous mon bureau et vient s'allonger contre moi, en rabattant le drap sur nos corps perlés de sueur.

Je peine à retrouver mes esprits. Le plaisir de la jouissance fait papillonner mes yeux. Il n'est pourtant pas si tard, mais pour la première fois depuis des années, je suis épuisé de fatigue avant trois heures du matin. J'ai envie de dormir, de me perdre dans les bras de Morphée, et dans ceux de Florestan.

— Ne pars pas, le supplié-je.

— Je n'en avais pas l'intention.

Il embrasse mon front, puis mes lèvres et sa tête vient se poser au creux de mon épaule. Je glisse un bras autour de lui et le rapproche plus près. Son souffle chaud me fait du bien. J'ai envie de rester ainsi, en sécurité.

— Dors, mon amour, murmure-t-il.

Le sommeil m'emporte.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top