Chapitre 10-
Point de vue de Sarah Miller.
Je me doutais bien après tant d'années passées séparés que ça n'allait pas repartir comme c'était et que peut-être, Aomine n'accepterait pas mon retour. Pour quels motifs ? Parce qu'il avait changé, ou que sais-je ? Je savais que ce n'était pas aussi simple que ça ; et qu'il allait probablement prendre son temps. En tout cas, je ne voulais absolument pas forcer et laisser libre cours à ses pensées. Ne pas l'influencer, mais simplement de laisser les choses se faire d'elles-mêmes.
À vrai dire, je n'étais pas pressée. Pas dans le sens où je m'étais habituée à être loin de lui, mais ces sentiments comptaient plus que tout au monde. Même s'il n'avait pas envie de reprendre une relation, quelle qu'en soit la nature, alors je ne pouvais pas le forcer. Même si, de mon côté, je ne recherchais rien de particulier. Est-ce que j'avais envie de reprendre là où on en était ? Où en était ? Il était vrai qu'on s'embrassait, qu'on couchait ensemble, qu'on se montrait une affection mutuelle tout en le cachant aux autres et sans mettre de mots dessus... Surtout parce que mon père ne tolérait pas du tout cette union. Et, au final, c'était "à cause" de ça qu'il m'avait fait : m'enlever aux États-Unis. Ce n'était en aucun cas sa faute à Daiki. Loin de là. C'était juste qu'il fallait repartir sur de nouvelles bases, d'autant qu'il pouvait déjà avoir quelqu'un et cette personne pourrait ne pas vouloir me tolérer à cause du passé. Et ce serait naturel.
- Je sais que j'ai les tiens, mais... C'est à toi de décider ce que tu veux faire avec tout ce que je t'ai donné comme informations. Je comprendrai dans tous les cas, Daiki. Donc j'attendrai ton message.
Je souhaitais lui montrer que je lui laissais tout le choix de prendre sa conclusion. Il n'était pas prisonnier d'une quelconque décision à prendre même si j'attendrai son message et que je lui laisserai totalement son libre-arbitre. C'était le mieux que je pouvais faire pour lui sept ans après mon départ. Surtout après avoir vu ses réactions, sa rancune, les blessures que je lui ai fait endurer malgré moi. Daiki avait le droit d'avoir peur que je parte encore.
Je finissais par me pincer les lèvres néanmoins en entendant que l'on devrait peut-être mettre fin à notre rencontre.
"Tu as raison. Bon, et bien... Merci d'avoir pris le temps d'écouter ce que j'avais à te dire, Daiki."
Soudain, ma voix se mit à trembler. Je sentais que c'était sûrement la fin. Et les larmes montent encore. C'était dur de ne pas savoir si on disait "au revoir" ou "adieu" et c'est là que je me rendais compte de ce qu'il avait potentiellement vécu. Et j'avais envie de le toucher, de le prendre dans mes bras... et même de l'embrasser. Sur la joue, évidemment. Sauf que je l'avais déjà plus ou moins forcé à avoir du contact physique avec moi alors, je pense qu'il en avait eu sa dose et qu'il n'en désirait pas plus.
"Prend soin de toi, Daiki."
Je tournais les talons et je disparaissais dans la foule.
(...)
Après être rentrée chez moi, je m'étais allongée dans mon lit et j'avais pleuré toutes les larmes de mon corps. C'était dur de se replonger dans des souvenirs qui concernaient cette époque et encore plus quand ils étaient heureux ainsi. J'avais été follement amoureuse de Daiki, il avait été ma raison de vivre à cette époque et il m'a sauvé de bien des choses. Sans s'en rendre compte, le bleu en avait fait plus pour moi qu'il ne l'imaginait. Notre relation était très spéciale.
Mais le passé était le passé. Je n'étais pas du genre à m'accrocher à elle ni à la nostalgie. Lui non plus, d'ailleurs.
Point de vue de Daiki Aomine.
Vierge ! Aujourd'hui, le ciel risque de vous accorder des surprises que vous n'attendiez plus, mais attention aux retombées ! Pour vous prémunir de cette malchance, n'hésitez pas à emporter avec vous un ourson en...
Conneries. Ce matin, j'ai fait fermer sa gueule à cet horoscope de merde. Comment Midorima arrivait-il à écouter autant de conneries ? Sous prétexte que quelques étoiles se sont mises à un certain endroit, ça conditionnerait la chance ? N'importe quoi. Bullshit, dirait l'autre tigre. Le ciel m'accordera des surprises ? Ah bah ça... Pour une surprise, c'est une surprise. De taille.
Si on m'avait dit qu'au lieu de simplement remporter la victoire dans le match du jour et repartir victorieux, j'allais revoir une ancienne amie — peut-on seulement parler d'amitié entre nous, entre ces deux corps qui se frôlent, ces deux âmes qui se cherchent ? — Je ne l'aurais pas cru. J'aurais sûrement ri au nez du coupable, puis je lui aurai peut-être caressé la joue avec mes phalanges, parce qu'on ne rit pas avec ça.
Je ne sais pas si c'est le destin. L'horoscope, les étoiles, Dieu, appelez ça comme vous voulez. Est-ce que c'est le ciel ? J'en sais rien. Est-ce que j'en ai quelque chose à foutre ? Pas vraiment. Tout ce qui compte, c'est le résultat. Et le résultat, c'est Sarah au creux de mes bras, c'est son parfum qui glisse autour de moi, c'est son numéro dans mon répertoire. Je ne sais rien du tout et je crois que ça m'est égal.
J'aimerais bien que ce moment dure toujours, mais je ne suis pas naïf. Un crétin peut-être, mais naïf ? Certainement pas. Je sais qu'il faut du temps. Pour elle. Pour moi. Qu'est-ce qu'on ressent, quand on retrouve un ami à qui on a donné le sentiment d'être trahi ? Ah oui, je suis con. C'est pas comme si je ne l'avais pas fait avec Tetsu. Bon, il m'a pardonné. Moi aussi, je me suis pardonné. L'eau a coulé sous les ponts depuis, le sentiment s'est étiolé. En fait, je n'ai pas su me mettre à la place de Tetsu, au moment où j'ai perdu. Sauf que maintenant, c'est moi qui suis dans ses baskets. Et Sarah dans les miennes. Qu'est-ce qu'elle peut bien penser, à ce moment-là ? Elle doit être aussi paumée que moi. Impossible de réfléchir convenablement.
Elle m'assure que j'ai le choix. Est-ce que je serai capable de le prendre bientôt, ce choix ? J'en sais foutrement rien. J'aimerais bien. Au moins pour me sentir débarrassé de ce poids qui m'étrangle et me serre les tripes depuis des années. On dit plein de choses sur ce genre de situations, il y a une tripotée d'écrivains qui ont bossé sur ça. Pourtant, aucun n'est capable de me venir en tête pour mon cas. Peut-être que je suis un cas qui ne s'écrit pas.
Quand je vois Sarah se pincer les lèvres comme une de ces collégiennes qui peuplaient Teiko, je comprends que j'ai dû faire une gaffe. Quel bouffon je fais, sauf que je n'amuse personne. Est-ce que je lui proposais de partir avec elle ? Peut-être. Et pourtant, au moment où je comprends qu'elle comprend de travers mon message, qu'elle croît que je veux qu'on se sépare, je me sens lâche et coupable. L'amoncellement de cailloux qui occupait mes entrailles vient de voler en éclats. Est-ce que je suis... soulagé ?
La vraie question, c'est : est-ce si étonnant ?
Sarah me remercie de l'avoir écoutée. Normal, j'ai envie de lui balancer. Je n'ai pas vraiment eu le choix. Le destin est arrivé face à moi, il m'a logé une droite dans l'estomac, une au cœur et il m'a mis chaos. Pas KO comme un boxeur européen. Il a juste foutu le bordel dans mon cerveau.
Sa voix... Elle tremble. Cette meuf me fait vriller. On dirait Tetsu lors de son premier match. Sauf que là, c'est la fin d'une mi-temps calamiteuse et qu'elle a peur de reprendre. Pauvre bichette. Je la comprends. J'essaie de ne pas avoir la trouille. Je suis un grand joueur. Je vais parcourir le terrain, même si je ne le connais pas. Je volerai tous les ballons, j'intercepterai toutes les passes et puissent les dieux me regarder, je marquerai tous les points.
"Salut."
Sans tarder, je me retourne, les mains dans les poches. Je ne l'ai pas vue partir il y a sept ans. Je n'ai pas plus envie de la voir s'éloigner de moi aujourd'hui.
Un salut. Un salut pour commencement, un salut pour crépuscule.
On a connu mieux, Daiki, comme fin de film.
Quand je rentre chez moi — un trajet vite fini, des maisons qui défilent, des quartiers qui passent —, je sens tout le poids de la journée me tomber dessus. J'ai dû envoyer un message au coach pour le prévenir que je rentrerai pas avec eux. Kagami m'a envoyé trois messages, restés sans réponse. Salopard. Connard de diva. Autant de synonymes pour Aomine Daiki. Et je m'en fous. Je pose mon téléphone à côté de moi, j'enfile mon casque et j'allume ma console de jeu. Je penserai à tout ça plus tard.
Le bruit de la partie emplit la pièce. Mon personnage s'affiche à l'écran, mes muscles se dénouent, mes doigts carnassiers se crispent un peu.
Aujourd'hui, j'ai joué mon rôle.
Ce soir, je vais juste me poser un peu et m'accorder le droit de jouer à autre chose qu'à moi-même.
Parce que le seul qui soit plus crevant que moi...
C'est moi.
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