4. La femme encapée
Bloup courait à toute allure dans le couloir, sauta les quelques marches de l'escalier avant de s'arrêter devant la porte de son bureau. Il épousseta son costard, le boutonna, passa une main sur sa mâchoire carrée où aucun poil n'affleurait. Son ventre était comme retourné – sprinter après un repas n'est pas la meilleure chose à faire – mais il devait prendre son mal en patience. Il ouvrit la porte, tout sourire
Une femme, habillée d'une longue cape noire, le visage dissimulé sous une capuche sombre, était assise face au bureau. Bloup entra d'un pas dansant et s'assit, dans une ultime mimique loufoque. De marbre, la visiteuse ne le lâchait pas des yeux.
— Je t'attends depuis une heure, dit-elle froidement.
— Il faut excuser mes employés. Il leur faut descendre les escaliers, traverser le couloir, me trouver... Enfin, tu connais leurs vitesses de pointes.
— Ce ne sont pas mes affaires. Ils sont payés par la reine, qu'ils la servent comme il se doit !
L'expression amicale du patron devint provocatrice. Il se leva et glissa ses mains au niveau des angles opposés de son bureau. Il dominait son interlocutrice de toute sa hauteur.
— Tu es chez moi, ici, Mathilda, prononça-t-il au compte-goutte avec une lenteur menaçante.
Mathilda se leva à son tour, dans un étrange cliquetis. Elle restait plus petite que le colosse.
— Notre bonne reine perd patience.
Sa voix avait perdu de sa froideur. Bloup en sourit.
— Il faut que tu remplisses ta part du march... commença-t-elle.
Le colosse la fit taire en levant son index.
— J'apporterai ce que je dois apporter dans deux nuits. Le temps de m'assurer que les... colis, ne me causent pas de problème une fois qu'ils seront en sa possession. Je ne voudrais pas que leurs proches se doutent qu'ils soient passés par ici.
Sous sa capuche, Mathilda ouvrit de grands yeux menaçants.
— Oui, je sais. J'ai du retard, articula-t-il sèchement dans de grands gestes. Tu transmettras mes excuses à la reine. Mais aujourd'hui, un des colis est apparu... comme par magie.
— Bien.
— Quelque chose ne va pas ? demanda Bloup, soudain inquiet de voir la femme encapée conserver son expression froide.
— Ne t'en fais pas, sourit-elle timidement d'une voix nouvelle, mielleuse. À bientôt.
Et elle quitta la pièce, laissant résonner à chacun de ses pas un tintement métallique.
Quand la porte fut refermée, l'air morose, Bloup se tourna vers son tableau. Représentation d'une forêt obscure, aux végétaux étranges – par leur taille et leur couleur. Grands arbres se dressant majestueusement jusqu'à un plafond rocheux, luisant d'un violet astral d'où scintillaient des points blancs. Les feuillages venaient, littéralement, caresser une nuit étoilée.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top