37. Pris au piège (1/2)
— Encore désolé, souffla Helmut.
Jim soupira, il s'arrêta et scruta les environs. La plaine était déserte, il n'y avait ni gardes, ni riverains, mais il restait à l'affût de la moindre silhouette.
— Ça doit faire la dixième fois que tu t'excuses ! Ça va, je ne t'en veux pas. Tu m'as simplement... bousculé. Si tu avais osé esquinter mon beau visage, là on aurait eu un problème, je t'aurais fait très mal. J'ai fait de la boxe !
Helmut pouffa, plus par politesse que par amusement.
— Je ne sais pas trop ce qui me prend en ce moment... Je te promets de me ressaisir !
— T'as plutôt intérêt, parce que si tu fais un truc comme ça devant Lina, ça va pas aller.
Un nouveau pouffement, cette fois signe d'un accord. Helmut avança jusqu'aux grandes portes closes de l'ascenseur. Il détailla dans une grimace l'aigle brisant une flûte qui y était gravé : le sceau royal. Jim resta en retrait, les yeux plissés, guettant les mouvements dans la plaine.
— Alors, verdict ? s'enquit-il. Béatrice disait vrai ? On ne peut pas remonter ?
La main salie, écorchée et tremblante de Helmut glissa sur le majestueux battant doré. Il y avait un petit boîtier à droite, sur lequel s'élevaient un bouton et une serrure. Il appuya comme un acharné pour appeler l'ascenseur, mais évidemment sans clé, c'était vain. Il finit par reculer, chercha une autre alternative. Sous le regard peiné de Jim, il s'acharna, frappa les portes, ravala un sanglot, tenta d'utiliser le fer d'une flèche pour crocheter la serrure. Rien n'y fit, l'évidence était sous ses yeux. Ils étaient piégés dans ce monde funeste.
Jim n'osa pas s'approcher, il jugea que laisser son acolyte seul quelques minutes était la meilleure chose à faire.
Helmut resta face aux portes, tétanisé. Son espoir de quitter ce cauchemar s'envolait. Il leva les yeux au ciel, contempla les grands nuages, dut passer ses doigts sur ses paupières à plusieurs reprises pour chasser des larmes. Finalement, il se tourna vers son ami. Il aurait voulu lui tendre un grand sourire pour camoufler son désarroi, mais n'y parvint pas.
— Il faut retrouver Bloup ! annonça-t-il d'une voix tremblante, sans grande détermination.
Jim resta incrédule, les sourcils froncés.
— Non ! Non ! Non ! Non ! Depuis qu'on est ici, on le fuit ! Il est complètement malade ce type ! T'as oublié ? Non, c'est hors de question ! On va pas se jeter dans la gueule du loup ! Pas cette fois ! Non !
— On est déjà dans la gueule du loup... Et il va bien falloir qu'on en sorte...
— Primo, pour le moment, c'est pas le plus important. Et secundo, il doit bien y avoir une autre sortie ou une autre clé !
Helmut reposa sa main sur les portes de l'ascenseur, cette proximité avec la surface le rassurait.
— Ce que tu veux c'est sauver Béatrice, je l'ai bien compris. Alors quand on l'aura retrouvée, on partira d'ici. Et pour ça, si on ne trouve pas d'autre sortie, on devra retrouver Bloup, d'accord ?
Jim prit quelques secondes, chercha une alternative plus réjouissante, mais faute de temps et de solutions, il ne put qu'accepter.
— D'ici là, je m'assurerai qu'on trouvera autre chose, concéda-t-il. Mais disons que ça me va.
Les jeunes hommes se serrèrent la main, signe d'une promesse indélébile.
— Bon bah maintenant, on a plus qu'à attendre que la nuit tombe ! s'exclama Jim, ravi de ne plus avoir à prendre de risque, pour un certain temps.
Helmut leva son pouce, encore abattu par la désillusion quant à son retour à la surface. Rapidement, il suivit du regard le récif montagneux dans lequel était taillé l'ascenseur. Il était parsemé d'immenses pics rocailleux d'ocre – voir rougeâtre – qui se répétaient, s'élevant à différentes hauteurs. Ce mur disparaissait au loin, s'étendant de chaque côté des portes dorées, semblait entourer ce monde. C'en était les limites. Un peu plus loin, une tour se dessinait entre deux extensions rocheuses, au-dessus de laquelle tournoyaient de nombreux oiseaux. Jim et Helmut échangèrent un regard.
— Et si on allait voir ? Un bâtiment si près de l'ascenseur... Si quelqu'un s'y trouve, il devrait sûrement avoir une clé pour l'ouvrir.
— Voilà le Helmut que je connais ! s'enjoua une seconde Jim. Mais quelque chose me dit que c'est une mauvaise idée. On devrait plutôt attendre là, tranquillement. Ça changerait un peu...
— Avec ta cape, tu passes inaperçu, ça devrait le faire.
— Oui, moi et ma cape. Mais toi, t'en as pas ! S'il y a quelqu'un dans la tour, qu'est-ce qu'on fait, hein ?
— Ça dépend de s'il est agressif ou pas.
— On ne le tue pas !
— Oui... Enfin... Ce n'est pas ce que je voulais dire, s'il est avec la reine, on l'immobilise et on lui pose des questions à propos de Béatrice, de comment rentrer, ce genre de choses.
— Je t'ai à l'œil, le réprima quand même Jim, en ouvrant la marche.
Helmut repositionna son arc sur son épaule, réajusta l'anse de son carquois pendu à sa ceinture et fit basculer son sac de randonnée dans son dos. Entre deux mouvements, il repensa à la brutalité de la mine.
— Tu sais que si on veut sauver Béatrice, on devra sûrement... tuer des gens, hein ? tâtonna-t-il. On ne pourra pas juste les ligoter et les assommer un par un...
Jim ne se retourna pas. Du bout des doigts, il visa son large chapeau sur sa tête.
— Je le sais bien. N'oublie pas que c'est moi qui ai fait déferler les mimiques à la mine... Je l'ai fait parce qu'il le fallait. Alors, une nouvelle fois, je ferai ce qu'il faudra. Mais je ne vais pas tuer tout le monde sous prétexte que quelques abrutis m'ont fait du mal. Bref. Pour le moment, garde ton arc dans ton dos.
Quand ils arrivèrent au pied de la tour blanche, face à une porte en bois défoncée, à moitié sortie de ses gonds, ils découvrirent une petite pièce sombre et circulaire. Aucune lumière ne chassait l'obscurité. N'y voyant rien ni personne, Helmut posa un pied à l'intérieur. Mais au même moment, imperceptible dans les ténèbres environnantes, au fond de la pièce, un dos avachi sur une table se souleva.
— Qui va là ? demanda une voix vieillie, dont l'apparence était engloutie dans les noirceurs de la tour.
La forme d'un petit homme se leva et avança lentement, hésitant.
Jim recula prestement, cherchant dans les pans de sa cape le poignard que Béatrice lui avait offert. Son regard se posa sur son ami qui était resté devant lui, comme pétrifié.
Helmut avait la bouche grande ouverte, les pupilles tournées vers l'inconnu, mais son esprit était ailleurs, loin. Il se souvenait des gardes de la mine auxquels il s'était rendu. Il ressentait les manches de leurs lances faisant vibrer tout son corps. Il revoyait la montagne s'élever au milieu de la Forêt Géante, ses prisonniers et ses geôliers.
Alors, cette vision encore sur les rétines, dans un mouvement rapide, il saisit son arc, fit glisser une flèche et sans même bander complètement la corde, il tira.
Un cri s'éleva dans la tour, puis le son d'un corps qui chute. Helmut se précipita à l'intérieur. Le désarroi possédait son visage.
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