29. Tous les annihiler

Helmut et Ana marchaient têtes basses à travers la clairière. Deux gardes pointaient leurs lances dans leur dos, pour les faire avancer, pour éviter un nouvel accès de rage du jeune homme, devenu prisonnier, esclave humilié. Devenu un forcené.

Jack rejoignit l'escorte, il avait épongé son nez, cassé par Helmut. La voûte céleste s'était drapée d'un mauve irréel, mais les étoiles semblaient briller plus faiblement que les autres nuits.

— Mon petit gars du haut ! s'exclama le chef des gardes en riant. Tu vas travailler dans la mine jusqu'au petit matin, après quoi, tu iras dire bonjour aux mimiques !

Il se tourna vers Ana et dit d'une voix dédaigneuse :

— Toi, tu m'as l'air en forme, je ne sais pas ce que tu faisais à l'infirmerie. Pas envie de travailler, je suppose ? Tu mineras jusqu'à demain soir. Mais bon, toi, tu resteras là.

Helmut, le regard rivé sur la pelouse bioluminescente, ne l'écoutait pas. Cette fois, il ne se tourna pas vers les bois, il avait définitivement perdu espoir. Ses pensées allèrent à Jim et Lina, ils devaient être morts maintenant, tués par ces abominations. Les mimiques. Il se promit que lorsqu'il aurait quitté cette mine, après s'être restauré, il retrouverait leurs corps et les mettrait en terre. Ensuite... Il n'y a pas d'ensuite, se dit-il.

Dans la mine, encore faiblement éclairée par les lanternes, il ne regarda, ni ne parla à Ana. Il se contenta de marteler la pierre. De marteler et de penser. Ça lui avait fait tant de bien de frapper Jack, encore, encore et encore. Alors pourquoi suis-je plus triste qu'avant ? Il repensa au sourire du médecin. C'était la seule chose sincère ici. Un héro... pensa-t-il simplement. Un héro... mais c'était son héroïsme qui l'avait envoyé là, dans cet enfer. Finalement, l'infirmier et le Helmut de la surface étaient semblables, prêts à se sacrifier pour les autres. Prêt à sacrifier leur bonheur. Mais était-ce sain ? Il doit bien y avoir un juste milieu. Il suffit de le trouver... Helmut regarda une pierre tomber et se ravisa. Le bien n'existe jamais complètement, on a tous une part de mal en nous, souvent bien plus grande qu'on ne le pense, conclut-il.

Et il se revit cogner Jack. Son cœur battait au même rythme que les coups pleuvaient dans son esprit. Il en était tout excité. Il se dégoûtait lui-même.

Helmut était tellement aspiré par ses pensées qu'il ne remarqua pas les gardes et Jack partir. Un homme a-t-il le droit de me priver de ma liberté ? pensa-t-il. Il eut un ricanement, voilà qu'il se faisait philosophe.

Ana se tourna vers lui quelques minutes plus tard.

— C'est le moment, Helmut.

Sans un mot, il abaissa sa pioche et prit le chemin de la sortie aux côtés de sa nouvelle et fidèle compagne. Bien que son pas était boiteux, son corps ne lui soufflait plus aucune douleur. Il n'avait pas peur, pas même la moindre appréhension. Un unique sentiment régnait en maître sur toute sa personne : la haine.

Ana l'arrêta un peu avant la sortie, dans un virage de la mine. Elle se plaça face à lui, plongea ses yeux froids dans les siens. Elle posa sa main sur le torse amaigri de Helmut.

— J'ai besoin de toi... Tu as besoin de moi...

À ces mots et à ce contact, sut comme s'il s'éveillait d'un profond sommeil. Sa haine mua. Il n'avait plus qu'une envie : sortir d'ici pour dévorer le monde. Littéralement. Annihiler tous ceux qui lui avaient fait du mal, à lui et à ses amis. De Jack, à la reine, en passant par les mimiques et sans oublier Bloup.

Ils devront tous y passer ! se promit-il.

Il hocha simplement la tête pour signifier à Ana qu'il était prêt.

Ils avancèrent jusqu'à l'entrée, ensemble, accroupis, encore camouflés dans la pénombre. Alors qu'Helmut scrutait le ciel sous-terrain, Ana avança d'un pas silencieux jusqu'au dos d'un des gardes qui passait devant l'ouverture de la mine. Les yeux du soldat étaient rivés vers la forêt. Peut-être n'était-il pas au courant qu'il restait encore des prisonniers à l'intérieur ? Si c'était le cas, il ne le saura jamais. La jeune femme passa ses bras autour de son cou, couvrit sa bouche d'une main ferme, l'attira vers la mine et lui planta le pic de sa pioche dans la gorge, avant de l'enlever avec la même vivacité. Elle avait visé la carotide avec une précision chirurgicale et une force effrayante. Elle semblait avoir fait ça toute sa vie. Helmut regarda le sang couler, le corps se relever dans des spasmes avant de s'immobiliser complètement, pour toujours.

Il n'eut aucun remord, aucune peine, pas de plaisir non plus.

Après que Ana lui ait fait signe d'avancer, ils s'accroupirent derrière une tente, observèrent la ronde des sept gardes, tentèrent de trouver une faille, un itinéraire sûr.

C'est alors qu'un premier cri déchira le silence nocturne, puis un second. Et enfin, un hurlement monstrueux. Assurément non-humain.

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