27. Le sixième soir

De la cabane émanait une grave tension. Le feu semblait danser plus rapidement, les étincelles s'élevaient plus haut. Jim le regardait, ses pensées tournées vers la mission qu'il devait à tout prix mener à bien. Plus l'heure avançait, plus son corps tremblait.

La cinquième journée était bien avancée, le rayon à l'entrée de la cabane virait au mauve, il était temps.

Béatrice enfila son armure, rangea sa carte et ses notes dans sa bibliothèque. Elle resserra sa ceinture, réajusta sa besace pour ne pas qu'elle la gêne, remplit son carquois de flèches aux plumes noires. Lina la regardait faire, les yeux ronds d'admiration. C'était exactement l'image qu'elle avait d'une héroïne : le visage fermé dans un sérieux extrême et sans peur ; l'air sûr d'elle, mais loin de l'arrogance.

Béatrice prit une tige de bois de son sac et l'embrasa pour allumer sa lanterne. Quand elle passa devant Jim, elle le regarda sans un mot. Il avait besoin d'être seul un moment. Elle soupira un grand coup. Elle était sur le point de faire ce que personne n'avait jamais fait, elle allait s'en prendre à la précieuse mine de la reine.

Quand après de longues minutes Jim s'éloigna du feu, Béatrice se tourna vers Lina.

— Toi, tu restes ici.

— C'est pas toi qui commandes, d'abord ! s'emporta la fillette.

— C'est qui alors ?

L'enfant se tourna vers Jim, qui vérifiait si la lampe torche fonctionnait encore, d'une main mal assurée.

— Jim ? se moqua Béatrice. Pourquoi pas après tout, tu lui demanderas quoi faire, alors.

— Un problème ? s'enquit-il.

— La méchante veut que je reste ici à vous attendre !

— Elle n'a pas tort, dehors c'est dange...

— Trahison ! hurla Lina. Moi aussi je veux sauver Helmut !

— Oui, oui je sais, mais c'est dangereux.

— Et puis tu ne servirais à rien, articula Béatrice, qui s'était assis, les jambes croisées, sur une chaise.

— Tu n'aides pas, là ! répondit sèchement Jim.

Il s'approcha de la fillette qui s'était retournée, boudeuse, vers le brasier crépitant.

— Il faut que tu restes ici, d'accord ? On revient bientôt.

— Pour cette fois, on ferait mieux de la mettre au sous-sol... Là, on serait sûr qu'elle ne sortirait pas.

Lina tira la langue.

— Sérieux ? s'exclama Jim. Je pensais que tu avais laissé tomber cette idée... Non pas la peine, je lui fais confiance. Elle n'est pas sortie les fois précédentes, je vois pas pourquoi elle le ferait maintenant !

— Elle pourrait être tentée d'essayer de nous aider à faire évader Helmut.

— Tu le ferais, Lina ?

La fillette agita vivement la tête en signe de négation, faisant voltiger ses boucles blondes, devenues brillantes devant le feu.

— Alors voilà, je lui fais confiance !

Béatrice se prit la tête entre les mains et souffla.

— Comme tu veux. Mais si elle sort et qu'elle se perd, t'iras la chercher tout seul !

— Deal, fit Jim tout sourire, en tendant sa main.

Béatrice la serra, sans vraiment comprendre ce que signifiait ce « Deal ».

— Gamine, appela-t-elle. Mets-toi aussi de la gomme, si quelqu'un d'autre que nous approche de la cabane, sors et cours aussi vite que tu le peux dans les bois.

Alors, ils s'humectèrent du liquide, sous les soupirs de Lina et quittèrent la cabane.

— Il nous faudra ratisser la forêt avant de passer à l'action pour s'assurer qu'il n'y ait plus de patrouilleurs, dit Béatrice en réajustant son arc sur son épaule. S'ils savent que nous sommes dans ces bois, aussi bien cachés qu'est la cabane, ils risquent de la trouver. Il faut faire vite.

Jim acquiesça d'un hochement de tête.

— Je voulais te dire par apport à hier... quand je vous appelais la bande des ombres, en me moquant de votre nombre... heu.. je voulais m'excuser... sincèrement.

Béatrice l'avisa d'un regard dur. Depuis qu'il avait fait cette blague, elle était froide avec lui.

— Ça va, fit-elle sans même essayer de sourire. Si on sort vivant de cette mission, tu seras pardonné.

Elle monta à un arbre, s'aidant des branches, sur lesquelles elle bondissait avec une agilité surprenante. Jim la regardait faire la bouche grande ouverte, se demandant s'il devait faire pareil. Il n'essaya pas.

— Si on est séparé, tu penses pouvoir retrouver le chemin du lac ? questionna Béatrice depuis sa hauteur.

— Du lac à la cabane, oui. Mais de la mine au lac, non.

— Alors fais des encoches sur les troncs, jusqu'à ce qu'on y arrive.

Et sans attendre sa réponse, elle se mit à sauter d'arbre en arbre. Jim dut courir derrière sa lanterne, seul moyen de la voir dans cette obscurité. Il fit des repères sur le chemin, hurlant à Béatrice de s'arrêter pour lui laisser le temps. Ça lui prit des heures, il craignait de les avoir fait trop petites auquel cas, il ne les verrait pas s'il devait de se déplacer rapidement ; ou trop grosses, ce qui permettrait à de potentiels poursuivants de le retrouver.

Quand ils arrivèrent face à la mine, Béatrice posa pied au sol. Ils observèrent la clairière, vidée de prisonniers mais encore parcourue par des gardes. Les étoiles et la lueur claire du ciel leur permettaient de distinguer les silhouettes porteuses de lances, graviter autour de la grande montagne.

Béatrice sortit un poignard d'un étui à sa ceinture et le tendit à Jim. Il était identique au premier qu'elle lui avait donné, qu'il avait dû jeter.

— Si les choses tournent mal, tu laisses tout tomber. Tu retournes à la cabane, tu prends Lina et vous partez.

Jim ne put que hocher la tête, il avait la gorge nouée.

— S'il le faut... N'hésite pas, ça sera ta vie ou la leur. Je sais que ce n'est pas facile, mais s'il faut le faire, sois prêt à tuer, continua-t-elle.

Elle sortit des flacons de sang de sa besace et les donna à Jim.

— Du sang et des morceaux de chair, nomma-t-elle. Ne t'en fais pas, les flacons sont recouverts de gomme, ça n'attirera pas les mimiques, pour le moment. Quand je donnerai le signal, tu en mettras sur des pierres et tu les jetteras aussi loin que tu peux. Essaie de viser les gardes. Reste ici, fais-toi discret. Que personne ne te voit. Je vais faire un tour dans la forêt, veiller à ce qu'aucun patrouilleur ne traîne par ici. Quand je reviendrai, nous passerons à l'attaque.

Et elle disparut dans l'obscurité. Jim soupira et recula. Il s'assit. Les derniers jours avaient été éprouvants. Il avait déjà dû affronter un mimique, des traqueurs d'être-d'en-hauts. Tout ça, alors que le sauvetage n'avait pas encore commencé.

Malgré ça, un large sourire se traçait sur son visage. Il avait beau se plaindre, il aimait cet endroit.

Cette expression disparut presque aussi vite, quand il vit Helmut boitant au milieu de la clairière, une pioche à la main. Il était soutenu par une jeune femme. Et à quelques mètres d'eux, deux gardes pointaient leurs armes dans leur dos. Ils entrèrent dans la montagne. 

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