25. Mimiques et patrouilleurs (1/2)

Les yeux rivés sur le mimique qui s'était abattu sur le loup, Jim recula lentement, sans un bruit, accroupi. Il laissa son regard glisser jusqu'à la carcasse éviscérée du cerf devant ces deux carnivores. C'était trop de sang. Mais Béatrice lui saisit le bras. L'abomination avait plongé sa gueule dans le cou du canidé, il agitait ce frêle corps dans tous les sens. En un rien de temps, le loup était tué.

— Lui, articula la jeune femme tout doucement. Il faut s'en occuper, maintenant. S'il apparaît à la mine, il tuera tout le monde, sans distinction.

Jim cligna des yeux, incrédule.

— Ce n'est pas la première fois que je le vois. Près du lac, à côté de la cabane, il humait l'air, comme s'il était à la recherche d'une proie et là, il s'attaque à un loup alors qu'il pourrait se contenter de la carcasse du cerf. Il n'a pas du tout un comportement de charognard.

— Pourquoi il fait ça ?

— Aucune idée... Mais il faut l'éliminer... et maintenant ! expliqua Béatrice en se relevant. À cet âge, il est encore faible ! Son sens de l'odorat n'est pas très développé.

Elle posa son arc et son carquois à côté de Jim et dégaina son épée. Elle fit quelques pas de côté, s'avança lentement dans la clairière, se positionna juste en face du mimique. Elle se retourna et fit un signe de tête à son compagnon.

Elle inspira profondément avant de charger dans un hurlement, la lame levée. L'abomination qui griffait le loup fraîchement tué, pour pouvoir séparer les poils de la chair, ne releva la tête que lorsque Béatrice fut à un pas de lui. Il n'eut pas le temps d'éviter sa taillade qui lui fit jaillir un filet de sang jaune. Dans un gémissement, loin d'être attendrissant, le mimique fit un bond en arrière. Béatrice recula elle aussi.

Agacée, elle fit claquer sa langue contre son palais, elle avait mis de la force dans ce coup. La peau de ces créatures étant affreusement épaisse. Même à bout portant, il était compliqué d'en venir à bout.

Le monstre huma l'air, à la recherche de la moindre odeur pouvant lui indiquer la position de son adversaire. Béatrice ne l'attendit pas pour essayer de placer un nouveau coup. Elle s'élança, cette fois l'épée en avant ; à cette distance, un coup d'estoc lui serait forcément fatal. Pourtant, le monstre parvint à l'éviter en se jetant sur le côté.

— Le sang que tu as sur ta lame ! hurla Jim.

Béatrice ouvrit de grands yeux. Il pouvait la sentir ! Dans un réflexe surhumain, elle bondit en arrière et lança son épée sur le côté. Le mimique se jeta sur l'arme, lui asséna un coup de griffe qui l'envoya se ficher dans un tronc. Il accourut vers cet arbre dans un hurlement de rage.

Béatrice apparue dans son dos et avant qu'il ne s'élance en avant, elle le poignarda dans la poitrine. Dans un cri, elle fit rentrer complètement sa lame, positionnant ses deux mains sur le petit manche. Elle envoya le mimique à la renverse. Ce dernier s'agita, lui griffa l'avant-bras, la jeune femme serra les dents. Sans précipitation, dans un nouveau mouvement rapide, elle sortit un nouveau poignard de sa botte et le planta de toutes ses forces entre les yeux du monstre. Il eut un spasme qui lui agita tout le corps.

Le silence retomba sur la clairière, il n'y eut plus le moindre mouvement.

Jim approcha, en veillant à ce qu'aucune autre créature ne tombe des arbres. Il entra dans la clairière, éteignit la lampe torche, les mains tremblantes. La lumière émanant du trou que formaient les feuillages l'éblouit, il payait toutes ces heures passées dans l'obscurité. Le ciel était bleu, formé de quelques nuages. Il crut, l'espace d'un instant être à la surface. Un léger soupir le fit revenir à l'instant présent.

Béatrice se laissa tomber sur le dos, dans un ricanement. Elle n'était qu'à quelques centimètres du mimique qui lui, ne bougeait plus du tout. Il s'approcha du monstre, le contempla, en gardant une certaine distance. Bien que mort, Jim craignait qu'il lui saute dessus. Il plongea son regard dans les grands yeux vitreux de ce terrible ennemi. Des yeux jaunes qui perdaient de plus en plus de leurs teintes, jusqu'à devenir aussi sombres que le reste du corps.

— Jim, il faut qu'on bouge et vite.

Ce dernier balaya du regard les bois alentours, finalement il posa son regard sur Béatrice et comprit. Elle avait l'avant-bras en sang et derrière elle, s'étendaient les cadavres du loup et du cerf éviscéré.

C'était un appel aux mimiques.

— Tu veux que je t'aide à te relever ? demanda-t-il.

— Non. Il faut seulement que tu prennes mon arc et mon carquois pendant que je nettoie la blessure et que je la bande. Les griffures sont légères, je vais m'en remettre.

Jim regarda le sang s'écouler le long du bras de la jeune femme.

— Faut pas rigoler avec ça, si c'est mal désinfecté, tu peux te choper de sale truc. La gangrène par exemple, j'ai pas envie de devoir t'amputer !

— Mes armes, répondit Béatrice avec un brin d'agacement.

Jim acquiesça et accourut derrière le fourré pour récupérer les armes de sa compagne. Cette dernière sortit des flacons de sa besace, en versa sur sa blessure, prit un torchon et essuya rapidement. Elle sortit de la gomme, en imbiba un linge et se fit un bandage de fortune. Elle balança le linge avec lequel elle avait épongé son sang à côté des cadavres.

— Je sais pas m'en servir ! s'écria Jim en levant le carquois.

— Je le reprends après, viens m'aider ici. Enlève le sang du mimique de mon épée pendant que je prélève ce dont on a besoin.

— Je n'aime pas trop le sang, ça me fait tourner la tête, répondit Jim.

— T'as vraiment l'impression qu'on a le temps pour ça, là ? répondit-elle, un ton au-dessus. Tu veux peut-être qu'on change les rôles ? Tu prélèves la chair et moi je m'occupe du nettoyage ?

Jolie, certes... mais un sale caractère, pensa Jim en passant vivement la lame dans l'herbe, pour en enlever le fluide jaune.

Béatrice sortit une gourde de sa besace pour la remplir de sang. Elle jeta un flacon de gomme à Jim qu'il vida sur l'épée. Quand il se retourna vers elle et qu'il la vit, un poignard ensanglanté entre les mains, il crut tourner de l'œil.

Une fois fini, Béatrice retourna auprès du mimique et le regarda de haut.

— Je crois que je vais devoir lui laisser mes poignards...

Elle s'arrêta net, se retourna dans un bond et accouru en entrainant avec elle Jim, qui dut faire des mains et des pieds pour récupérer l'épée, l'arc et le carquois. Dans sa course, elle empoigna sa lanterne et l'éteignit. Ils se camouflèrent dans l'obscurité de la forêt, derrière les mêmes fourrés que plus tôt.

Deux soldats encapuchonnés passèrent de l'autre côté de la clairière, équipés de cuirasses noires, chacun une torche à la main. Ils s'arrêtèrent à la vue du champ de bataille et hurlèrent avoir trouvé quelque chose. Trois patrouilleurs équipés de la même manière accoururent. Ils entrèrent dans l'exutoire. L'un se positionna devant le cadavre du mimique, un second au-dessus du torchon ensanglanté, imbibé du sang de Béatrice.

Un patrouilleur bourru et trapu, jusqu'alors resté en retrait avança. Il balaya les bois du regard. Il avait le visage ciselé, le menton mangé par un large bouc. Ses yeux légèrement plissés lui donnaient un air mauvais. C'était Günther, le commandant des patrouilleurs, l'armée personnelle de Mathilda – en réalité plus au service de la reine. Il posa ses mains sur chacune des épées qu'il portait à la ceinture.

— Ils doivent être dans les parages, fit-il simplement, d'une voix puissante.

Jim et Béatrice s'échangèrent un regard, elle répondit à ses interrogations sans même qu'il ne les expose.

— Ce ne sont pas des gardes de la mine. Cette patrouille est aux ordres de Mathilda, la sœur de la reine. Ils ont été formés pour traquer les être-d'en-hauts... même s'ils n'ont jamais eu rien à faire. Ils sont à vos trousses... murmura-t-elle.

— Il faut qu'on parte alors, qu'on retourne à la cabane, murmura Jim.

— Impossible... Ils remonteront nos traces et nous arrêterons. Et puis, dans ces bois, ils sont une menace à l'exécution de notre plan. S'ils nous tombent dessus pendant l'évasion de Helmut, ça peut vite mal tourner. Là, on a l'effet de surprise, il faut en profiter, au moins pour les affaiblir.

Jim regarda le cadavre du mimique, du loup, du cerf et le sang étalé sur l'herbe. Il leva les yeux vers la patrouille, désormais dans la clairière, au centre de la lumière dégagée par le soleil sous-terrain. Béatrice rangea son épée dans son fourreau, remit son carquois à sa ceinture et son arc à son épaule.

Günther se pencha sur les poignards encore plantés dans le monstre.

— On peut pas rester ici, c'est récent ! Trouvez-les et vite, avant que ces choses ne reviennent !

Sur son ordre, les patrouilleurs sortirent de la clairière et se déployèrent aux quatre coins de cette dernière, à la recherche de traces. À quelques mètres de là, à pas de loup, Jim et Béatrice s'enfonçaient un petit peu plus profondément dans la noirceur des bois. 

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