CHAPITRE VINGT-SIX - la bicoque des souvenirs heureux.
« Je crois que nous sommes prêts.
Toi comme moi.
A franchir cette nouvelle étape.
Je le sais, je le sens, j'en suis certain.
Tant que nous serons ensemble... »
―Je n'aime pas les surprises, marmonna Hermione.
Elle entendit le rire de Fred s'élever dans son dos.
Sa main glisser doucement le long de son bras.
Puis ses doigts se nouèrent aux siens.
―Fais-moi confiance, répéta-t-il.
Hermione assura avoir parfaitement confiance en lui.
Mais elle détestait les surprises.
Surtout celles nécessitant qu'elle avance sans savoir où elle mettait les pieds.
Les yeux bandés par une des anciennes écharpes de Gryffondor du garçon.
―On y est presque, promit-il.
Une bourrasque de vent souleva leurs capes.
Fred sentit son sourire s'accentuer en voyant le ventre bien rebondi d'Hermione.
Dans quelques jours, la jeune femme allait finir son sixième mois de grossesse.
Et désormais, il était bien difficile pour eux de cacher qu'elle était enceinte.
Même ses vêtements les plus amples ne pouvaient dissimuler son ventre proéminent.
A son grand désarroi.
Au plus grand ravissement du jeune homme, qui n'avait de cesse de s'émerveiller de la voir ici.
En train de créer deux nouvelles vies.
―C'est la troisième fois que tu dis ça, bougonna Hermione. Et on est toujours pas arrivés !
―Un peu de patience, rit-il.
Voilà bien longtemps qu'il n'avait pas été dans un tel état d'excitation.
D'euphorie.
D'impatience.
De joie.
De bonheur.
Et de tout un tas d'autres émotions positives qu'il n'avait pas ressenties depuis la mort de George.
Tout un tas d'émotions qu'Hermione était la seule à éveiller en lui.
Même si, depuis qu'il avait enfin eu le courage d'aller voir George au cimetière, les choses allaient mieux.
La vie avait repris de nouvelles saveurs.
Un nouvel éclat.
Renforcé à l'idée que, dans quelques semaines à peine, il deviendrait père.
L'impatience le gagna et il les fit presser le pas.
Du moins autant que le gros ventre d'Hermione le leur permettait.
Bill les avait fait transplaner au plus près de la maison, avant de s'éclipser.
Fred l'avait remercié avant qu'il ne parte.
Pour les avoir amenés.
Mais aussi et surtout pour tout ce qu'il avait fait avant.
Pour l'aide qu'il lui avait fournie pour faire les travaux nécessaires afin de mettre la maison à leur goût.
De l'aménager.
De récupérer des objets un peu partout, aidés secrètement par les Granger, et qui plairaient sans nul doute à Hermione.
Pour faire de ce petit coin de paradis leur cocon.
Leur havre de paix.
Leur foyer.
―Ne bouge plus, souffla Fred.
Ils se trouvaient devant le petit portillon blanc.
L'odeur de jasmin lui chatouilla les narines.
Et il se revit ici-même, deux ou trois semaines auparavant, observant avec fascination la chaumière et la nature qui l'environnait.
―Tu es prête ?
Hermione opina.
Il se plaça dans son dos.
Dénoua le noeud de l'écharpe.
Celle-ci glissa sur les joues de la jeune femme.
Hermione lâcha un hoquet de surprise.
Fred se déplaça pour observer sa réaction.
Et il ne fut pas déçu.
Les yeux de la jeune femme étaient écarquillés.
Il lut la surprise dans son regard.
L'émerveillement.
La joie.
Il ne put retenir son sourire.
Son cœur manqua un battement.
―Tu aimes ? demanda-t-il.
―Si j'aime ? répéta Hermione, en levant les yeux vers lui. Tu me demandes si j'aime ?
Il lâcha un rire.
Et l'enlaça aussitôt, avant de déposer un léger baiser sur ses lèvres.
―Alors bienvenue chez nous, Hermione, chuchota-t-il au creux de son oreille.
Il la sentit se raidir.
Et lever un regard étonné vers lui.
―Chez nous ? répéta-t-elle d'une petite voix, les sourcils froncés. Comment ça, chez nous ?
Fred rit de nouveau.
Avant de l'entraîner vers la maison.
Sans prononcer un mot.
Hermione le suivit en observant le paysage alentour avec ébahissement.
Déjà sous le charme de cette nature verdoyante et fleurie qui évoquait un cocon protecteur.
Une bulle de paix.
Provoquant en elle des dizaines d'émotions qu'elle était incapable d'identifier.
Fred lui offrit un clin d'œil avant d'ouvrir la porte.
Il la laissa passer.
Hermione lâcha un nouvel hoquet de stupeur.
Son cœur se mit à battre plus fort.
Et elle tomba immédiatement sous le charme de cette maison.
Elle fit le tour de la pièce sans rien dire.
Reconnaissant certains objets.
Souriant face aux photos d'elle qui trônaient sur le montant de la cheminée.
D'abord petite fille, puis plus âgée, aux côtés d'Harry et Ron, devant le lac de Poudlard.
Eux, adultes, lors du mariage de Bill et Fleur.
―Tu étais si mignon ! rit-elle devant le portrait de Fred.
Le garçon esquissa un sourire.
Il avait aussi ajouté des photos de chaque membre de la famille Weasley.
Hermione sentit son regard s'embuer lorsque son regard se posa sur le visage souriant de George.
La photo avait été prise le jour du mariage de Bill et Fleur, et le sourire resplendissant qu'il envoyait au photographe indiquait clairement que celui-ci ne pouvait être que Fred.
Une autre montrait les jumeaux accompagnés de Ron et Ginny, au bord d'un petit étang.
Eux devant leur boutique, le jour où ils l'avaient achetée.
Eux tenant le premier gallion qu'ils aient obtenu en vendant une farce.
Eux, si identiques.
Si unis.
Si soudés.
Deux êtres, mais une seule et même âme.
―Il sera toujours avec nous, souffla Fred en enroulant ses bras autour de son ventre.
―Toujours, confirma Hermione en posant la tête sur son torse.
Ils restèrent ainsi enlacés pendant quelques minutes, partageant cet instant de bonheur avec cet être qui manquait si cruellement.
Cet ange qui veillait sur eux.
Ce protecteur qui avait, ils en étaient persuadés l'un comme l'autre, fait en sorte que leurs chemins se croisent pour ne plus jamais se lâcher.
―Allez viens, reprit Fred d'une voix rendue rauque par l'émotion. Allons voir le reste de la maison.
Hermione s'émerveilla devant l'immense bibliothèque qui courait sur tout un pan de mur.
Elle reconnut certains des vieux ouvrages de sa défunte grand-mère que ses parents avaient gardé dans le grenier, sans vraiment savoir quoi en faire.
D'autres grimoires étaient plus récents.
Elle ne put s'empêcher de laisser courir ses doigts sur les reliures, retrouvant avec plaisir des sensations d'apaisement qu'elle pensait disparues à tout jamais.
Une cuisine était attenante, avec des placards déjà bien garnies.
Hermione sourit, certaine que Molly était passée par là.
Un long couloir desservait trois chambres et une salle de bains.
Et au bout, un escalier.
Celui-ci conduisait à une nouvelle chambre.
Hermione sut tout de suite qu'elle serait la leur en apercevant l'immense lit à baldaquin qui trônait au centre de la pièce.
Les larmes lui vinrent.
Et cette fois, elle ne put les retenir.
―C'est si beau, sanglota-t-elle alors que Fred l'étreignait de nouveau. Comment... comment est-ce que tu as fait ? C'est si...
―C'est un cadeau de toute la famille, dit-il en l'aidant à s'asseoir sous le rocking-chair placé sous la fenêtre.
Il s'installa sur le bord du lit et posa délicatement ses deux mains sur son ventre.
Hermione l'imita, plaçant ses mains sur les siennes et il ne put retenir un sourire.
―Un cadeau de toute la famille ? répéta-t-elle.
―Oui, acquiesça-t-il. Quand tu m'as dit que tu aimerais trouver une maison à nous, j'en ai parlé à Bill... Avec ses relations à la banque, j'ai pensé qu'il pourrait connaître du monde et nous aider à trouver une maison... Ce qu'il a fait, mais sans me dire qu'il avait prévenu tout le monde. Ils se sont cotisé pour nous l'offrir.
―Mais c'est beaucoup trop ! fit-elle en ouvrant de grands yeux étonnés.
Ainsi, frappée par la lumière du soleil couchant, il la trouva plus belle que jamais.
Ses grands yeux écarquillés par la surprise, mais aussi et surtout par le bonheur et la joie.
Ses prunelles brillant d'un éclat qu'il n'avait pas vu depuis si longtemps.
―Je sais, répondit-il avec un sourire. Mais tout était déjà réglé quand nous sommes venus visiter, avec Lee. Ginny et maman étaient certaines que cet endroit te plairait.
―Je l'adore, admit Hermione en souriant à son tour.
―Moi aussi.
Ils échangèrent un long regard.
Un regard dans lequel ils dirent plus de choses que les mots ne le leur permettraient jamais.
Fred se pencha pour l'embrasser.
―Merci, fit Hermione lorsqu'il s'éloigna. Merci pour tout ce que tu fais pour moi.
―Pour notre famille, la corrigea-t-il en embrassant son ventre.
Il y a encore quelques mois, ni l'un ni l'autre n'auraient cru vivre un tel moment.
Prisonniers de leur souffrance, ils pensaient que le bonheur, la joie, la paix étaient des sentiments qu'ils ne pourraient jamais plus ressentir.
Des âmes perdues.
Des êtres déchirés.
Voilà ce qu'ils croyaient être.
Ayant perdus foi en la vie.
En l'univers.
En toutes ces petites choses qui rendaient chaque instant si précieux.
Ni l'un ni l'autre n'avait de l'espoir.
Alors, ils avaient franchi cette limite à ne jamais dépasser.
Ils avaient failli commettre des actes irréparables.
Car cela paraissait être la seule solution à leur malheur.
Pour fuir.
Pour échapper à cette peine.
A ce fardeau qu'était la vie.
Sans savoir pourtant que tout allait changer.
Et qu'ils allaient trouver la personne qui allait leur prouver que la vie valait encore la peine d'être vécue.
En dépit de la peur.
De la terreur.
De la souffrance.
Des ténèbres qui les retenaient.
Et aujourd'hui, ils en étaient là.
Fred réalisait le chemin parcouru.
Il comprenait que tous ces terribles instants n'avaient fait que le conduire à ce moment précis.
Auprès de cette femme.
Auprès de leurs enfants à venir.
Dans cette maison.
George avait toujours cru que les chemins étaient déjà tout tracés.
Que, quoi qu'il advienne, chacun arrivait au point final qui lui était destiné.
Malgré les obstacles.
Malgré les difficultés.
Malgré les aléas de la vie.
Pendant longtemps, Fred avait rejeté cette idée.
Car pour lui, il était inconcevable que quelqu'un, quelque part dans l'univers, ait prévu de faire mourir sa moitié si jeune.
Alors qu'une vie belle et bien remplie l'attendait.
Les attendait.
Mais à présent, il comprenait.
Il acceptait cette idée.
Cela n'enlevait en rien la douleur qu'il ressentirait pour le restant de son existence face à la mort de son jumeau, mais cela lui donnait néanmoins le courage nécessaire pour continuer son chemin.
Pour se relever.
Pour aller de l'avant.
Pour se battre.
Et honorer le sacrifice de George.
Car c'est ce que son frère aurait voulu.
Qu'il vive.
Pleinement.
Sereinement.
Intensément.
Pour lui.
Pour eux.
Pour leur famille.
Pour tous les moments de joie qu'ils avaient partagé.
Pour faire vivre sa mémoire par-delà la mort.
Pour qu'il continue de répandre la bonne humeur même dans les moments les plus difficiles.
Ce ne serait pas facile tous les jours, c'est vrai.
Il y aurait encore des moments de doute.
Des moments difficiles.
Des instants d'incertitude.
Mais il saurait les affronter.
Parce que George veillait sur lui.
Parce qu'Hermione serait là pour l'aider à les surmonter.
Alors, en cet instant précis, dans cette maison qui allait accueillir des milliers de moments emplis d'amour et de joie, il se fit la promesse de continuer à aller de l'avant.
Pour lui.
Pour elle.
Pour leurs enfants.
―Pour notre famille, répéta Hermione.
Elle se pencha et déposa un baiser sur ses lèvres.
Fred sentit son cœur manquer un battement.
Une douce chaleur inonder son être.
Aussi puissante que le vent.
Aussi réconfortante qu'un brasier.
Un regard vers les prunelles de la jeune femme lui confirmèrent qu'elle éprouvait la même chose.
Alors, sans la moindre hésitation, il fit courir sa main le long de son cou et dénoua le nœud qui retenait sa cape.
Leurs lèvres entrèrent de nouveau en collision...
―J'ai réfléchi, lança Hermione, un long moment plus tard, alors qu'ils étaient enlacés sous l'édredon. A des prénoms.
―Moi aussi, sourit-il, sa main caressant délicatement les cheveux de la jeune femme, alors qu'elle avait la tête posée sur son torse.
―Dis-moi.
―Surtout des prénoms de garçons, en fait, reconnut-il en lâchant un petit rire.
―Et si ce sont des filles ? répliqua-t-elle.
Il rit de bon cœur avant de répondre.
―J'en ai quelques uns en tête.
―Allez, dis-moi ! supplia Hermione.
Elle se redressa, et leurs regards se croisèrent.
Fred sentit ses lèvres s'étirer.
De bonheur.
―Toi d'abord, répondit-il.
―Très bien, souffla-t-elle en levant les yeux au ciel. Pour des garçons, j'ai pensé à Hugo. Et...
―Et ?
―Et bien... George.
Il sentit l'émotion l'envahir.
Sa poitrine se comprima.
Et alors même qu'il sentait la reconnaissance et la joie l'envahir, en songeant qu'Hermione avait pensé cela pour lui faire plaisir, il s'entendit répondre :
―Non.
―Non ?
―Je sais que... je sais que ça peut paraître surprenant, développa-t-il en dessinant des cercles sur la peau nue de son bras, mais je ne veux pas obliger un enfant à porter le nom d'un mort sans lui laisser la possibilité d'être qui il a envie d'être. Je ne veux pas le forcer à être assimilé toute sa vie à une personne qui n'est plus. Même si c'est le plus bel hommage et que ça me touche que tu le fasses pour moi.
Le sourire d'Hermione se fit plus doux.
Elle caressa ses lèvres du bout des doigts.
―Je comprends, dit-elle. Je comprends ce que tu veux dire. En deuxième prénom alors.
―Merci.
Elle l'embrassa doucement.
―Et toi ? demanda-t-elle.
―J'aime bien Hugo, admit-il. Sinon, j'avais pensé à Milo. Ou Eliott.
Il sut tout de suite que le deuxième choix ne serait pas retenu.
Un rire lui échappa.
Hermione émit une moue dubitative.
―Hugo et Milo, fit-elle. Milo et Hugo... j'aime bien.
―Moi aussi, sourit-il.
―Et pour les filles ?
Il rit de nouveau.
Ils n'avaient jamais émis de pronostic sur le sexe des bébés, mais il en mettrait sa main à couper qu'Hermione espérait avoir des filles.
Lui s'en fichait.
Tant qu'ils étaient en bonne santé.
Le reste n'avait pas d'importance.
―Léonie, fit Hermione.
―Agathe, répondit-il.
Ils échangèrent un regard amusé.
―Et bien voilà, c'est choisi, dit-il avec une moue amusée.
Hermione sourit, avant de se rallonger.
―C'est choisi, répéta-t-elle.
Fred perçut la joie dans sa voix.
Il repensa à la Hermione qui l'avait trouvé, cette nuit-là.
Et réalisa qu'elle aussi, en avait parcouru du chemin, depuis cet instant.
Certes, elle n'était pas encore sortie de son problème, mais il était certain que ce rendez-vous avec le médecin de Ste Mangouste allait l'aider.
Qu'après cet instant, plus rien ne serait comme avant.
Et que bientôt, dans quelques années, ils y repenseraient en se disant que tout n'avait fait que les mener ici.
Dans cette maison.
Dans leur foyer.
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