CHAPITRE VINGT-HUIT - se relever.


Les jours s'écoulèrent inexorablement.
Ponctués de moments de joie, de doute.
D'incertitude.

A mesure que les semaines se réduisaient avant son terme, Hermione sentit de nouveau l'angoisse l'envahir.
Mais Fred était toujours là pour la rassurer.
Pour la consoler.
Lui promettre qu'elle serait une bonne mère.
Qu'ils s'en sortiraient ensemble.

Lui-même se sentait impatient à l'idée de rencontrer leurs enfants.
Ses propres angoisses sur le fait d'être un bon père s'étaient peu à peu dissipées, pour ne laisser place qu'à un bonheur sans nom.
Un amour infini pour ces deux petits êtres qui avaient bouleversé sa vie de la meilleure des façons.
Car il était persuadé qu'ils seraient capables d'affronter les épreuves qui les attendaient.

Les bonnes comme les mauvaises.
Après tout, n'avaient-ils pas affronté le pire ?
Après tout, n'avaient-ils pas sombré si bas et avaient réussi à s'en sortir ?

Hermione guérissait de jour en jour.
Elle redevenait celle qu'elle avait toujours été.
Et il ne l'en aimait que plus fort encore.

Peu à peu, il réalisa que son deuil se poursuivait de jour en jour.
Qu'il avait franchi de nouvelles étapes sans s'en rendre compte.
George lui manquait encore terriblement, mais il avait fini par apprendre à vivre avec son absence.
Trouvant du réconfort dans l'idée qu'il veillait sur lui, depuis le paradis.
Où quel que soit l'endroit où il se trouvait.

Il reprit goût à de nombreuses choses qu'ils avaient chéries autrefois et qu'il avait fuies après la mort de son frère.
Il retrouva le sourire.
Certes, un sourire moins joyeux, moins éblouissant, mais un sourire que chacun avait pris à aimer.
Il lançait aussi parfois quelques blagues, lorsqu'ils se retrouvaient tous, à la table de Molly et Arthur, le dimanche midi.
Bill et Fleur.
Percy. 
Harry et Ron quand leur formation le leur permettait.
Ginny, quand elle n'avait pas un entraînement.

Charlie leur fit la surprise de débarquer, vers la fin du mois de novembre, pour passer les fêtes de fin d'année avec eux.
Au grand ravissement de ses parents.

Et un matin, il l'éprouva de nouveau.
Alors qu'il observait Hermione coucher ses pensées dans son petit carnet violet, comme le lui avait conseillé son psychologue.
Cette envie, ce besoin irrépressible de diffuser la joie dans le monde.

Ce ne fut qu'une brève impression.
Mais qui s'imprima intensément dans chaque cellule de son être.
Il se revit, petit, caché sous les escaliers, avec George, mettant au point leur première invention.
Se promettant un jour d'ouvrir une boutique de farces et attrapes.
De rire dans les couloirs de Poudlard, échappant à Peeves.
De voir leurs sucreries passer de main en main dans la salle commune de Gryffondor.

Leur départ précipité et enflammé de l'école.
Le jour où ils avaient acheté la boutique.
Les jours qu'ils avaient passé à la nettoyer, l'aménager.
La joie de voir les premiers clients franchirent son seuil.

Cette joie d'y passer leurs journées.
D'inventer de nouvelles choses.
De mettre aux points de nouvelles inventions, plus farfelues les unes que les autres.

Ce ne fut qu'une brève impression, mais il sut.
Il comprit.
Qu'il était temps.
Qu'il était prêt.

Qu'il devait reprendre ce qu'ils avaient commencé.
De poursuivre leur rêve.

Hermione se montra aussi enthousiaste qu'il l'espérait lorsqu'il lui annonça vouloir rouvrir la boutique.
Elle se mit à pleurer à chaudes larmes, entre deux éclats de rire, secouée par ses hormones.

―C'est une merveilleuse idée, sanglota-t-elle.

Il la consola avec un sourire.
Avec ce même sourire dont elle était tombée amoureuse.

Le reste de sa famille fut aussi ravi qu'elle et de nouveau, Bill proposa de lui donner un coup de main.
Charlie aussi.
Et c'est ainsi qu'ils se retrouvèrent un matin, sous une fine pluie, à observer la devanture de la boutique.

L'immense marionnette à leur effigie était toujours là.
Son chapeau légèrement égratigné par les aléas de la vie.
Mais son sourire amusé d'une lueur étincelante.

―Tu es prêt ? demanda Charlie.

Fred observa une longue seconde la poignée de la porte.
Des planches de bois avaient été clouées pour remplacer les fenêtres brisées.
Les bouquets de fleurs déplacés sur le côté pour leur permettre de monter sur le petit perron.

Il perçut la présence rassurante de sa moitié.
Il imagina son sourire.
Le vit hocher la tête.

―Oui, répondit-il.

L'assurance de sa voix ravit ses deux aînés.

Il tourna la clé dans la serrure.
La porte s'ouvrit doucement, dégageant une désagréable odeur de renfermé.

Il fut le premier à franchir le passage.
Aussitôt, des souvenirs par centaine l'assaillirent mais il eut la force de les repousser.
Il fit quelques pas dans la pièce, laissant son regard dériver sur les étagères à moitié pleines qu'ils avaient précipitamment abandonnées.
Une épaisse couche de poussière recouvrait les divers objets qui l'entouraient.

Pourtant, il éprouva de nouveau cette joie qu'il avait ressenti chaque journée qu'il avait passé ici.
Ce bonheur que George lui apportait.

Il déambula silencieusement entre les allées. 
Certaines s'étaient écroulées sous le choc des explosions qui avaient secoués l'allée. 
D'autres étaient restées intactes.

Il monta à l'étage, se glissant derrière la petite ouverture secrète qui cachait leur atelier.
Une odeur de brûlé lui chatouilla les narines.
Et il se revit, des années auparavant, observant George mettre la touche finale à leur toute nouvelle invention.
Son regard glissa sur chaque objet, qu'il reconnut immédiatement.
Et qui, malgré le temps passé, n'avait pas bougé.

―Il va y avoir du travail, commenta Bill.

Fred approuva, sans pouvoir retenir une grimace de dépit.
Il savait que la boutique avait subi les effets de la guerre, mais il ne s'était pas attendu à un tel chantier.

Il reprit sa route, grimpant par le petit escalier en colimaçon vers l'appartement qu'ils avaient aménagé.
Une partie du toit s'était effondrée.
Des morceaux de tuile recouvraient ce qui avait autrefois été leur salon, bloquant l'accès au reste des lieux.

―Beaucoup de travail, confirma-t-il lorsque ses frères le rejoignirent.

Ils convinrent de faire une liste de tâches à effectuer pour débarrasser la boutique de tout ce qui ne pouvait être récupéré. 
Entassant dans un coin ce qui pouvait encore être utile.
Nettoyant, recoin après recoin, pour faire disparaître les blessures de la guerre.

Hermione le convainquit d'apporter un coup de jeune et de reprendre quelques murs.
Il songea aussi qu'il lui faudrait réorganiser la boutique pour la rendre plus fonctionnelle.
Pour donner envie aux clients de revenir.
De retrouver de la joie.
Pour animer cette rue qui se reconstruisait jour après jour.

Chacun apporta sa pierre à l'édifice.
Chaque membre de la famille, accompagnée de Lee, s'investit dans cette reconstruction.
Cette reconstruction qui marquait le désir évident de Fred d'aller de l'avant.
De passer à autre chose.
De vivre, tout simplement.

Il fut décidé d'ouvrir la boutique vers la fin du mois de janvier, laissant ainsi l'opportunité au jeune père de profiter de ses enfants lorsque ceux-ci viendraient au monde.

Et à mesure que la boutique reprenait vie, Fred se sentait revivre à son tour.
Il sentait la douleur s'alléger.
Le manque s'effacer doucement.
Sans réellement disparaître.
Mais suffisamment pour qu'il envisage la suite des événements avec une sérénité qu'il n'avait pas connu depuis longtemps.

Ce n'était pas un adieu.
Ni un au revoir.
C'était un renouveau.
Comme un phénix renaît de ses cendres, il revenait à la vie.
Soutenu par le soutien indéfectible de la femme qu'il aimait.
Et de leur famille.

L'appréhension de continuer sans George s'estompa.
Car il ne continuait pas sans lui.
George était là.
Son souvenir vivait dans chaque recoin de ce lieu qu'ils avaient construit ensemble.
Qui avaient marqué la concrétisation de leur rêve absolu.
Il l'accompagnait à chaque instant.

Et lorsque la boutique fut complètement nettoyée, les murs peints et les étagères reconstruites, il éprouva de nouveau cette envie irrépressible d'apporter de la joie dans la vie des gens.
Il fouilla dans leurs anciennes réserves pour réfléchir à de nouveaux produits qu'il pourrait inventer.
S'attelant à la tâche chaque soir, lorsqu'il retrouvait Hermione chez eux.
Elle lisant au coin du feu, lui gribouillant sur des dizaines de parchemin.
Réfléchissant à des formules, dessinant, calculant.
Retrouvant des sensations perdues.
Mais qui avaient attendu le bon moment pour refaire surface.

Hermione le soutenait à chaque instant.
Le rassurait quand il sentait le doute l'envahir.
Quand il craignait d'entreprendre un acte bien trop lourd à gérer pour une seule personne.
Lui promettant qu'il s'en sortirait à merveille.

Elle était là.
A chaque instant.
Et auprès d'elle, il goûtait à la vie comme il ne l'avait jamais fait.
Comme il n'aurait jamais cru cela possible, il y a plus d'un an.
Il pensait souvent à ce qu'il avait failli faire, cette nuit-là et remerciait l'univers d'avoir mis Hermione sur sa route.

Elle n'avait pas fait que le sauver.
Non.
Elle l'avait aider à se retrouver.
A se souvenir.
A se rappeler qu'il y avait encore des expériences à vivre.
Des bons moments à voir.
Que le bonheur était là, à porter de main.
Qu'il était capable de s'en saisir.
D'y goûter à nouveau.

Elle avait été sa lumière dans les ténèbres.
Son roc.
Son pilier.
Son point de repère.
Son tout.

En l'espace de quelques mois, elle était devenue tout ce pour quoi il était prêt à se battre désormais.
Elle était devenue toute sa vie.
Son univers.
Et jamais il ne pourrait vivre sans elle.

Parfois, il se demandait comment il avait pu tomber amoureux d'elle alors même qu'il se croyait perdu à tout jamais.
Mais Hermione avait fait preuve d'une patience à toute épreuve.
Elle lui avait donné tout ce dont il avait besoin.
Parfois même sans le savoir.
Une épaule sur laquelle pleurer.
Une main à laquelle se raccrocher.

Elle l'avait écouté sans jamais juger.
Elle l'avait écouté soutenu sans chercher à faire revenir celui qu'il avait été quand George était encore là.
Elle l'avait accompagné sur le long et difficile chemin de la guérison.
Elle lui avait pris la main et ne l'avait pas lâchée depuis.

Et il ne l'aimait que davantage, chaque jour.
Chaque heure.
Chaque minute.
Chaque seconde.

Plusieurs fois, il chercha les bons mots pour lui exprimer sa reconnaissance.
Pour la remercier pour tout ce qu'elle avait fait pour lui.
Pour lui dire combien il l'aimait.
Combien elle le comblait de joie.
Que sa vie, maintenant, c'était elle.

Mais les mots lui manquaient chaque fois que l'occasion se présentait.
Alors, il lui témoignait son amour par les plus simples gestes du quotidien.
Un baiser.
Un sourire.
Une caresse.
Un bouquet de fleurs.
Un petit mot.

Ce n'était pas suffisant, il aurait souhaité pouvoir faire plus.
Mais la joie qui faisait briller ses prunelles à chaque fois lui disait clairement qu'elle s'en contentait.
Ils s'aimaient.
Fred aimait Hermione.
Hermione aimait Fred.
Ils le savaient, sans avoir besoin de se le dire.

Et leur famille se réjouissait de les voir se reconstruire ensemble.
De s'aimer sans détour, sans mensonge, se promettant de toujours veiller l'un sur l'autre.
Molly et Arthur étaient comblés de voir que leur fils avait su trouver la femme qui l'acceptait pour celui qu'il était aujourd'hui et qui l'aimait avec ses plaies et ses bosses.
Ses frères étaient heureux de le voir sourire de nouveau.
Mr et Mrs Granger étaient ravis de voir que leur fille avait su trouver une personne qui la soutenait continuellement et qui l'aimait plus que tout.

Et ils s'efforçaient d'honorer la vie à chaque instant.
Pour toujours.

Car, Fred en était persuadé, c'est ce que George avait toujours voulu pour lui.
Qu'il vive.

Et alors qu'il observait Hermione riant aux éclats, alors que Ginny et elle s'étaient mises à décorer le sapin que Charlie avait été chercher en forêt, il réalisait que désormais, rien d'autre n'avait de l'importance.
Sauf elle.
Sauf cette famille qu'il avait su se construire malgré la douleur.

―Tu n'aurais pu trouver plus merveilleuse qu'elle, souffla Molly.

Fred tourna la tête vers sa mère qui, assise à ses côtés en train de tricoter, observait également les deux jeunes femmes qui se trouvaient devant eux.

―Je sais, sourit-il.

Comme si elle sentait qu'ils parlaient d'elle, Hermione tourna la tête vers lui.
Lui offrit un sourire resplendissant.
Fred sentit son cœur manquer un battement face à tant de beauté.

―C'est grâce à George, ajouta-t-il, alors qu'Hermione se détournait, les joues rouges. 
―Ton frère veillera toujours sur toi, mon chéri, assura Molly en posant une main sur son bras.

Fred attrapa ses doigts et y noua les siens.

―Je sais, maman, je sais, souffla-t-il. Tout comme il veillera toujours sur cette famille.
―Notre ange gardien, sourit tristement Molly. Mon petit ange gardien.

Il pressa doucement sa main, en signe de soutien.

―Il t'aimait tellement, tu sais. On ne le disait pas souvent, mais nous t'aimons.
―Et moi je vous aime encore plus, renifla sa mère. Je vous aimerai tant que les étoiles brilleront dans le ciel.

Fred sentit les larmes lui monter.

―Tu sais, je n'ai jamais eu l'occasion de te remercier, dit-il. Pour tout ce que tu as fait pour moi.

Il la vit ouvrir la bouche, sûrement prête à riposter, mais il enchaîna sans lui laisser l'occasion de le faire.

―Je sais que quand George est mort, je n'ai pas su être aussi présent que tu en avais besoin et je suis désolé, souffla-t-il. Je suis désolé pour toute la souffrance que je vous ai causés, à papa et toi, mais... Vivre sans lui me paraissait impossible, à l'époque et je ne savais pas comment y faire face. Je pensais que je ne serais jamais  capable de m'en remettre, jusqu'à ce que... jusqu'à Hermione. 

' Elle m'a aidé plus qu'elle ne le croira jamais. Elle m'a rappelé que la vie valait la peine d'être vécue, qu'il y avait encore de l'espoir pour moi et je me suis accroché à ça de toutes mes forces... Si fort que je n'ai pu que tomber amoureux d'elle... et je ne l'aime que davantage chaque jour.

Il s'interrompit, à bout de souffle.
Sa mère essuya ses yeux avant de poser son autre main sur leurs doigts enlacés.

―Ton père et moi n'avons jamais perdu espoir, tu sais, murmura-t-elle. Nous savions, qu'un jour ou l'autre, tu saurais faire face au départ de ton frère. J'ai prié chaque jour pour que tu trouves la force de t'en sortir, par quelque moyen que ce soit. Et je suis plus qu'heureuse que tu t'en sois sorti grâce à Hermione... tu t'illumines quand tu es avec elle. Tu souris, tu ris, tu vis et tu aimes de nouveau. C'est tout ce que ton père et moi avons toujours souhaité pour toi. Pour chacun d'entre vous.

Il déposa un léger baiser sur sa joue.

―Je t'aime, maman, dit-il.
―Moi aussi, je t'aime, Fred, répondit-elle. Pour toujours et à jamais.

Il ne pourrait jamais comprendre la douleur de perdre un enfant.
Il ne pourrait jamais vraiment savoir combien ses parents avaient souffert de la mort de George.
Il ne pourrait qu'imaginer, sans réellement le mesurer.
Savoir ce que cela faisait d'enterrer un être issu de sa chair, de son sang.
Savoir ce que cela faisait de ne plus voir un sourire qu'on avait chéri dès l'instant où le bébé était venu au monde.
Savoir ce que cela faisait de perdre une partie de soi que l'on avait passé neuf mois à protéger et toute une vie à aimer.

Mais il se fit la promesse de toujours s'assurer que ses parents sachent combien George les avait aimés.
Mais il se fit la promesse de toujours leur dire combien il avait été fier qu'ils soient ses parents.
De porter le nom des Weasley.
D'appartenir à cette famille.
Qui, bien que brisée, parvenait à se reconstruire.

Il manquerait toujours une étincelle.
Un sourire sur les photos.
Mais George vivrait éternellement auprès d'eux.

Chacun vivrait pour lui.
Pour honorer son sacrifice.
Faire vivre sa mémoire.

Il serait présent à chaque instant.
A chaque naissance.
A chaque mariage.
A chaque Noël.

Son nom serait évoqué aux générations futures.
Il ferait parti de leurs vies.
Il ne serait oublié par personne.

Malgré la mort, malgré la distance, il serait là.
Avec lui.
Avec eux.

Son souvenir vivrait à tout jamais.



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