CHAPITRE VINGT-CINQ - qui nous sommes.
La douleur survint dans la seconde, et elle revit avec une netteté effrayante l'immense salon du manoir des Malefoy.
Elle percevait la présence silencieuse de Drago et de sa mère.
Elle ne pouvait les voir, mais elle savait qu'ils étaient là.
Son regard était rivé sur la femme qui avançait lentement, tel un prédateur prêt à sauter sur sa proie, un sourire carnassier aux lèvres.
Les lèvres de Lestrange remuèrent, mais Hermione n'entendait pas le moindre son.
Son corps était figé par la peur, la terreur.
Cette violente envie de mourir pour ne pas avoir à endurer de nouveau cette souffrance, cette douleur.
La Mangemorte leva la main qui tenait sa baguette magique.
Elle ne formula qu'un mot qu'Hermione n'eut pas besoin d'entendre.
Endoloris.
Le venin s'insinua dans ses veines en moins d'une fraction de secondes.
Son corps s'écroula.
Ses membres furent agités de spasmes incontrôlables.
Mais le plus difficile étaient ses cris.
Ses hurlements, qui faisaient vibrer chaque diamant du lustre qui tombait du plafond, juste au-dessus d'elle.
Ses hurlements qui résonnaient avec force dans les os des Malefoy, qui, tétanisés, n'osaient intervenir.
Lui venir en aide.
Ses hurlements qui portaient jusqu'à la geôle de ses amis, bien des étages plus bas.
Ses hurlements.
Encore et encore.
Pour, vainement, évacuer la douleur.
Endoloris.
Endoloris.
Endoloris.
Ces mots s'élevaient, telle une mélodie macabre, à travers ses cris.
Lestrange s'acharnait sur elle avec violence, avec force, avec folie.
Hermione ne pouvait voir l'éclat de démence dans son regard.
L'éclat inhumain, rougeoyant qui faisait luire les prunelles de la femme.
Le temps n'avait plus aucune prise.
Elle ne savait depuis combien de temps sa torture avait commencé.
Quelques secondes ? Quelques minutes ? Quelques heures ?
Des jours ?
Son cerveau ne parvenait plus à se focaliser sur autre chose que sur la brûlure du sortilège qui la détruisait de l'intérieur.
Une pensée se frayait néanmoins un chemin, de temps en temps.
Une sombre, bien sombre pensée.
Je veux mourir.
Puis, brusquement tout cessa.
Le venin se retira aussi vite qu'il était venu.
Son cœur se comprima face à ce retrait soudain.
La bile lui brûla l'œsophage, et elle eut à peine la force de tourner la tête avant de vomir.
Un rire glaçant s'éleva.
Était-ce fini ?
Était-elle morte ?
La réponse lui vint lorsque le poids du corps de Lestrange tomba sur le sien.
Elle essaya d'échapper à sa prise, mais la douleur avait fait de son être une poupée de chiffon.
Incapable de se défendre, de résister.
Cela recommença.
La brûlure.
Le venin.
Sur son bras. Sur son avant-bras.
Un cri.
Un autre.
Un hurlement.
Douleur.
Malheur.
Mort.
En un instant, Hermione fut marquée.
Comme un animal.
Le rire de Lestrange s'éleva de nouveau.
Encore.
Encore.
Encore...
Hermione se redressa brusquement.
Le sanglot qui lui comprimait la poitrine lui échappa.
Réveillant le jeune homme qui dormait paisiblement à ses côtés.
―Hermione ? souffla-t-il, d'une voix hésitante.
Terrorisée, la jeune femme ne parvint pas à répondre.
Fred se redressa aussitôt et sa main se posa immédiatement contre sa joue brûlante.
Une vague d'inquiétude l'envahit.
―Hermione ? répéta-t-il, parfaitement réveillé. Qu'est-ce qu'il se passe ? Réponds-moi, chérie, s'il-te-plaît.
Mais la peur était si forte.
La douleur était si tenace qu'Hermione ne put émettre le moindre son.
Un hoquet de souffrance lui échappa.
Suivit par un sanglot.
Puis un autre lorsque les bras de Fred l'attirèrent contre lui.
Ses pleurs s'intensifièrent.
La peur s'imprima douloureusement dans chacune de ses cellules.
Ses mains se mirent à trembler, de façon compulsive.
Un film de sueur dégoulina le long de ses tempes.
Fred murmurait des paroles apaisantes à son oreille, mais Hermione ne percevait qu'un bourdonnement incessant..
Entrecoupé par le bruit assourdissant de ses battements du cœur.
A chaque inspiration, Hermione avait l'impression d'entendre son cœur éclater en morceaux un peu plus à chaque seconde.
La peur devenait plus forte à chaque instant.
Elle crut distinguer le rire démoniaque de Lestrange s'élever dans la pièce.
Elle revit son visage, l'éclat de folie dans son regard.
Elle sentit son haleine empestant l'alcool.
Elle sentit le poids de son corps alourdir le sien.
Et cette douleur.
Cette brûlure sur son bras.
Un gémissement lui échappa.
Elle crut sentir le sang s'écouler de la plaie.
Fred raffermit sa prise autour d'elle.
Hermione s'efforça de se concentrer sur sa présence.
Sur son souffle chaud contre sa joue glacée.
Repoussant au loin les derniers vestiges de son cauchemar qui persistaient, tenaces.
Elle ne sut au bout de combien de temps ses larmes se tarirent, mais la lune était encore haut dans le ciel lorsqu'elle parvint à se concentrer sur ce qui l'entourait.
Fred ne la lâcha pas une seconde, même lorsqu'elle retrouva ses esprits.
Ses yeux, hagards, observèrent la pièce, avant de se poser sur le visage inquiet du garçon qui l'enlaçait.
Fred poussa un léger soupir en croisant son regard.
Hermione sentit son estomac se nouer en apercevant l'inquiétude qui faisait luire ses prunelles azures.
Une nouvelle larme glissa le long de sa joue.
―Je suis désolée, souffla-t-elle d'une voix rauque. Je suis désolée... Je suis désolée, je...
―Hé, l'interrompit doucement Fred. Tout va bien. Hermione, ça va.
La jeune femme allait une nouvelle répéter qu'elle était désolée lorsque la main du rouquin remonta sur sa joue.
Son contact lui semblait glacé sur sa peau brûlante.
―Fred...
Il lui offrit un faible sourire.
Ses lèvres effleurèrent les siennes avec douceur.
―Tu as encore fait ce cauchemar, n'est-ce pas ? demanda-t-il en caressant sa joue du bout des doigts.
Hermione ne put qu'acquiescer, les mots refusant de sortir.
Une seconde, elle revit le visage illuminé par la folie de son bourreau, mais le contact de Fred l'empêcha de sombrer de nouveau.
―Tout va bien, dit-il. Elle est morte. Tu ne risques rien. Elle ne reviendra jamais te faire de mal, Hermione. Je te le promets.
―Je sais, renifla-t-elle. Je sais, mais...
Elle se tut, à court de mots.
Fred attendit patiemment qu'elle reprenne son souffle, avant de l'encourager à poursuivre.
Elle plongea son regard dans le sien, puisant dans l'amour et la douceur qu'elle y décela pour trouver la force de lui parler.
―J'ai peur, avoua-t-elle. Constamment. Chaque seconde de chaque jour. Et j'essaie vraiment de me défaire de cette peur, mais je n'y arrive pas. Je... je... tout me fait peur.
' Depuis que... depuis que nous avons appris que j'étais enceinte, j'ai peur de ne pas y arriver. De ne pas être une bonne mère, de ne pas avoir ce qu'il faut pour être une bonne mère. De ne pas savoir les aimer comme ta mère vous aime tous, comme ma mère m'aime... De ne pas avoir ce qu'il faut en moi, de l'avoir perdu le jour où... le jour où... Et j'ai cette terrible peur qu'on me les prenne... Que quelqu'un vienne et prenne les bébés... Qu'on me prive de ce bonheur dont j'ai tant rêvé, comme si... comme si je n'y avais pas droit...
' J'essaie de faire comme toi, d'affronter chaque jour avec du courage. J'essaie d'être forte, mais c'est si difficile... Vivre avec cette peur constante, c'est... J'ai l'impression d'être revenue des mois en arrière, quand... après... après la bataille... Et je ne veux pas que tu t'inquiètes pour moi, je ne veux pas que tu penses que je suis faible... J'essaie d'être forte, mais...
Un sanglot l'empêcha de poursuivre.
Fred l'étreignit de nouveau, avec douceur.
―J'ai peur, Fred... tellement peur, si tu savais...
―Je sais, chérie, je sais...
Il sentit sa poitrine se comprimer.
Il sentit son estomac se nouer face à son désespoir.
Il sentit chaque cellule de son être se liquéfier, alors qu'Hermione se mettait de nouveau à pleurer dans ses bras.
Il sentit son angoisse se décupler.
Il perçut toutes les émotions négatives qui l'habitaient et qui n'avaient fait que croître, depuis quelques jours.
Il s'en voulut de ne pas avoir remarqué plus tôt.
Mais ce n'était pas le moment de s'en vouloir.
Hermione avait besoin de lui.
Hermione avait besoin de sa présence, de son soutien.
Hermione avait besoin de son amour.
Et ça, il pouvait le lui donner.
Il pouvait lui rappeler qu'elle n'était pas seule.
Qu'ils affronteraient l'avenir ensemble, comme ils l'avaient promis.
Il avait juré qu'il serait auprès d'elle à chaque instant, et il tiendrait parole.
Il pouvait lui rappeler combien elle était aimée et combien cette famille tenait à elle.
Il pouvait lui rappeler que tous étaient là pour l'aider à aller de l'avant, à s'en sortir.
A remonter la pente.
Il pouvait lui rappeler que jamais personne ne viendrait lui enlever leurs enfants.
La priver de ce bonheur auquel elle avait cru de nouveau, ces derniers mois.
Il se promit de la faire sourire jusqu'à la fin de sa vie.
Chaque jour.
Chaque heure.
Chaque minute de chaque journée.
Il n'y avait qu'une chose qu'il ne pouvait pas faire.
Du moins, n'était-il pas le mieux placé pour le faire.
Une seule.
Il se rappela l'avoir vu ranger le morceau de parchemin donné par le docteur Mendez dans un des tiroirs de son bureau et se jura d'aller le récupérer aux premières lueurs de l'aube.
Car, il était temps.
Hermione avait repoussé cette tâche pendant trop longtemps, et de nouveau submergée par ses peurs, son cauchemar revenait la hanter.
La replongeant inexorablement dans cette abîme de douleur dont Fred avait réussi à l'extraire.
Du moins, suffisamment pour qu'elle aille de l'avant.
Mais pas assez pour qu'elle soit pleinement épanouie, heureuse et confiante en l'avenir qui se profilait.
La seule personne qui pouvait l'aider était celle dont le nom était écrit sur ce petit morceau de parchemin.
Fred prendrait rendez-vous lui-même si elle refusait de le faire.
Car il était hors de question qu'il continue de la voir s'enfoncer dans sa peur une nouvelle fois.
C'était au-dessus de ses forces.
A quelques mois de son accouchement, il ne pouvait pas la perdre.
Pas elle aussi.
Il ne s'en remettrait pas.
Il la laissa pleurer sans rien dire, frictionnant doucement son dos.
Se contentant de lui offrir son épaule.
Son soutien. Sa présence.
Son amour.
Et ne pouvant qu'espérer qu'elle parviendrait à affronter cette épreuve comme elle l'avait toujours.
Avec courage.
Il s'éloigna un peu en la sentant remuer contre lui.
Ses mains restèrent posées sur son ventre proéminent.
Un faible sourire éclaira son visage lorsqu'ils sentirent le coup donné par l'un des bébés.
―Tu seras une mère formidable, Hermione, assura-t-il en la voyant caresser son ventre avec une douceur toute maternelle.
―Tu crois ? souffla-t-elle difficilement.
―J'en suis sûr et certain, promit-il en déposant un baiser sur son front brûlant.
Ses lèvres s'étirèrent légèrement.
―Hermione, reprit-il, après une brève seconde d'hésitation.
La jeune femme leva un regard larmoyant vers son visage.
Il sentit son cœur manquer un battement en apercevant le désarroi dans son regard.
―Hermione, chérie, je veux que tu saches que je serai toujours là pour t'aider, pour te soutenir et t'écouter, je te le promets. Mais...
―Je sais, l'interrompit-elle. Je sais.
Bien sûr.
Cela ne pouvait être autrement.
―Je le ferai, dit-elle.
Et Hermione tint parole.
Aux premières lueurs de l'aube, la chouette hulotte de Ginny s'envola à travers la fenêtre de la cuisine, en direction de Ste Mangouste, dont ils reçurent une réponse peu avant midi, le médecin proposant de recevoir Hermione le mardi de la semaine suivante.
Hermione passa le reste de l'après-midi confinée dans sa chambre, essayant tant bien que mal de se reposer après la nuit agitée qu'elle avait passé.
Incapable de trouver le sommeil après son cauchemar.
Se contentant d'observer Fred qui s'était laissé emporté dans les bras de morphée.
Ecoutant sa respiration, douce et régulière.
Apaisante.
Molly lui proposa de lui donner une potion de sommeil sans rêves, mais Hermione refusa.
Après avoir découvert de quoi cette potion était capable, il lui était tout bonnement impensable d'en faire usage.
Même pour quelques gouttes.
Fred s'éclipsa.
Bill vint le chercher.
Il promit d'être de retour avant le dîner.
Molly vint la voir quelques fois, mais la laissa relativement tranquille.
Hermione en fut soulagée.
Elle n'était pas certaine d'avoir le courage d'affronter Molly et de supporter sa douceur maternelle.
Pas aujourd'hui du moins.
Harry et Ron rentrèrent du ministère pour la soirée.
Elle ne sut si ce fut Molly qui les informa de son état, ou bien Fred, mais à peine arrivés qu'ils toquèrent à la porte de sa chambre.
Harry fut le premier à entrer.
Ses sourcils se froncèrent lorsqu'il remarqua son teint blafard.
Les cernes sombres sous ses yeux.
Et le bol de soupe à peine entamé sur la table de chevet.
Ron le suivit comme son ombre.
Une lueur d'inquiétude fit luire ses prunelles, si identiques à celles de son frère.
Hermione s'efforça de les rassurer d'un sourire, mais à en juger par la grimace que fit le deuxième, elle ne fut guère convaincante.
Ils prirent place près d'elle, sur le lit.
Elle poussa un soupir de contentement.
Heureuse de les avoir près d'elle.
Comme autrefois.
Comme à cette époque où il n'y avait qu'eux contre le reste du monde.
Comme à cette époque où ils ne pouvaient que compter les uns sur les autres pour affronter les ténèbres.
Pour affronter Voldemort.
Hermione et Ron n'avait pas hésité une seule seconde à tout sacrifier pour suivre Harry à travers tout le pays et chercher les Horcruxes pour mettre fin au règne de Voldemort.
Ils avaient fait passer leur amitié avant tout le reste, prenant tous les risques possibles pour protéger leurs familles.
Car, ce problème, ils avaient choisi de l'affronter ensemble.
Comme tous les autres auparavant.
Et après toutes ces années, Hermione était rassurée de savoir qu'ils allaient affronté celui qu'elle ne pouvait combattre seule, avec elle.
Certes, elle avait craint pendant longtemps qu'ils ne réagiraient que par la pitié face à sa souffrance, mais toutes les épreuves qu'ils avaient affronté tous les trois auparavant auraient du la rassurer.
Jamais Harry et Ron n'auraient pitié d'elle.
Non.
―Comment tu te sens ? demanda Harry.
―J'ai connu mieux, admit-elle.
―Je me doute.
Elle prit une profonde inspiration avant de poursuivre.
―J'ai... j'ai contacté le psychologue que m'a conseillé le docteur Mendez, leur apprit-elle. J'ai rendez-vous la semaine prochaine.
―C'est bien, fit Ron. Enfin, ça l'est, non ?
―Oui, approuva Harry. C'est même très bien.
Hermione perçut le soulagement sur son visage.
―Je l'espère, souffla-t-elle.
Harry attrapa sa main.
Un faible sourire éclaira le visage de la jeune femme.
Les larmes lui montèrent lorsque Ron lui attrapa l'autre main.
Elle se revit, debout à leurs côtés, contre la rambarde la Tour d'Astronomie, alors qu'ils se faisaient la promesse de rester unis face à l'inconnu.
―C'est très bien, répéta Harry avec une conviction qui la rassura.
Elle se laissa aller contre l'épaule de Ron.
Un sourire ravi au bord des lèvres.
Sans un mot, ils contemplèrent le soleil qui entamait sa lente descente à l'horizon.
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