CHAPITRE HUIT - se battre, toujours.


« Un pas après l'autre.
Une étape à la fois.
Se lever, retrouver les autres, discuter un peu avec eux.

Tu vois, George.
J'essaie.
Je fais des efforts.
Même si vivre sans toi est une épreuve de chaque instant, j'essaie. »


Les jours s'écoulèrent, puis les semaines. L'autonome reprit ses droits et les premières vagues de froid de l'hiver se déversèrent sur l'Angleterre. Peu à peu, la vie reprenait son cours. Les boutiques rouvraient, les familles venaient de nouveau prendre possession de leurs habitations, brusquement désertées durant la guerre, à cause de la peur, des traques. De la sentence d'être envoyés et tués à Azkaban pour une idéologie parfaitement ridicule.

Fred sortait lui aussi peu à peu de sa léthargie. Le changement se faisait un peu plus chaque jour. Un pas après l'autre. Une chose à la fois. Au plus grand bonheur de sa famille, qui n'avait jamais perdu espoir. Arthur et Molly, bien qu'accablés par le chagrin d'avoir perdu un fils, n'avaient pas douté un seul instant que leur garçon finirait par retrouver son éclat. Une lueur certes moins vive sans sa moitié, mais une lumière suffisamment étincelante pour lui redonner de la joie.

Du bonheur.
Et qui sait, un jour, de l'amour.

Il ne craignait plus de discuter avec ses frères et sœur. Il lui arrivait parfois de déambuler dans le jardin, sous le coucher de soleil, et d'apprécier la quiétude qui l'entourait. Il redécouvrait peu à peu le sens de la joie, du bonheur. Du plaisir aussi, quand il songeait au rire qui lui avait échappé après une énième maladresse de Ron. 

Il se réveillait d'un long cauchemar et il se rendait compte un peu plus chaque jour que, même sans George, il fallait continuer.
Pour honorer sa mémoire, son sacrifice.
Pour qu'il ne soit pas mort en vain.

Le chemin était encore long, évidemment. Il y avait également de très nombreux bas. 
Combien de matins s'était-il réveillé sans la moindre énergie ?
Combien de fois avait-il cru étouffer, seul dans sa chambre, hanté par le souvenir de son défunt jumeau ?
Les jours sans restaient présents.
Les jours sans s'amenuisaient, mais il ne pouvait y échapper.
La douleur était encore omniprésente.
Peut-être même ne le quitterait elle jamais.

Et dans ces moments là, une seule chose l'aidait à ne pas sombrer.
Rien qu'une.
Une personne en réalité. 
Une personne qu'il retrouvait chaque nuit, dans la pénombre du salon.
Une personne qui jouait un rôle indéniable dans sa reconstruction.
Une personne qui ne se rendait pas complètement compte du bien qu'elle prodiguait à son cœur et son âme meurtrie.
Personne ne le savait en réalité.
Pas même elle.

Non, lui seul en avait conscience.
Il l'avait réalisé un soir, alors qu'il se tenait silencieusement assis auprès d'Hermione.
La jeune femme pleurait, la main crispée sur sa blessure.
Elle venait de lui raconter ce qu'il s'était passé cette fatidique journée.

Pour la première fois depuis des mois, Fred avait senti la colère l'envahir.
Inonder son âme.
Et il n'avait pu penser qu'à une chose en écoutant le terrifiant récit d'Hermione : il aurait tué Lestrange de ses propres mains s'il l'avait pu.
Pour venger Hermione.
Pour faire payer la Mangemorte pour les souffrances qu'elle avait causées à la jeune femme.

Plus le temps passait, plus Fred en était convaincu : Hermione ne méritait pas de subir un tel fardeau, d'avoir à porter le poids de son cauchemar sur les épaules.
Et il s'était promis une chose, ce soir-là, après l'avoir consolée du mieux qu'il put : un jour viendrait où le sourire reviendrait sur les lèvres d'Hermione Granger.

Il ferait tout pour en tout cas. 

Un soupir lui échappa. 

Assis sur le rebord de la fenêtre de sa chambre, Fred observait le ciel anthracite, dans lequel des nuages bien plus sombres encore annonçaient une pluie imminente, parfait reflet de son âme et de son esprit en cet instant précis. 

Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale. 
Il songea une seconde qu'il n'avait qu'à tendre le bras pour attraper la couverture qui reposait sur son lit, parfaitement pliée. 
Mais il n'en eut pas la force.

Son cœur meurtri le faisait souffrir.
Une douleur indescriptible lui comprimait la poitrine. 
En s'éveillant le matin même, il avait su que cette journée ne serait pas aussi plaisante que la précédente. 
La honte et la colère l'avaient envahi.
Le remord et la culpabilité aussi.
Pourquoi ne parvenait-il donc pas à vivre l'instant présent sans cette souffrance omniprésente ?
Pourquoi ne pouvait-il pas profiter lui aussi ? 
Pourquoi ne pouvait-il donc pas vivre comme tous les autres ?

Parce qu'une partie de lui n'était plus.
La meilleure.
Celle qui parvenait à éprouver de la joie, du bonheur. 
Celle capable de croquer la vie à pleines dents.

Et dans ces moments-là, il ne désirait qu'une seule chose : que la douleur cesse, disparaisse à tout jamais.
Hors, il n'y avait qu'un seul moyen pour y parvenir.
Un seul.
C'était lâche, c'était indigne de toutes les croyances de George.
Mais cela lui était nécessaire.

Il se surprit à regretter qu'Hermione soit intervenue, cette nuit-là.
A l'heure d'aujourd'hui, il aurait enfin été en paix si elle avait poursuivi son chemin. 
Son cœur meurtri aurait été réparé.
Son âme aurait cessé de pleurer sa moitié.
Et il aurait été avec George.
Quoi qu'il advienne.
Petits, ils se l'étaient promis.
Ce serait eux contre le monde.
Jusqu'à la fin.

Mais George était parti.
Lui était resté.
Une force l'avait retenu dans cette vie désormais plongée dans le noir.
Le soleil ne parvenait guère plus à illuminer ses journées.
Que faire ?
Il songea, une seconde, à retenter l'expérience.

Et alors qu'il sentait presque la saveur de la délivrance l'envahir, le visage défiguré par la tristesse d'Hermione s'imposa derrière ses paupières closes.
Une pointe de douleur lui comprima la poitrine.

Non. Non !
Il n'avait pas le droit.
Il ne pouvait pas faire ça.

Qui allait aider Hermione à guérir s'il n'était plus là pour le faire ?
Peut-être pourrait-il mettre Ginny et Ron au courant avant de partir ?
Non, la jeune femme refuserait qu'ils l'accablent de leur pitié.
Si elle ne leur avait jamais révélé son secret jusque-là, c'était justement pour ne pas voir cette lueur dans leurs regards.
Fred y avait fait si souvent face les jours après la mort de George, notamment lors de son enterrement, qu'il avait fini par en devenir hermétique. 
Mais Hermione ?

Elle essayait de se battre seule depuis de longs mois, et maintenant que quelqu'un avait enfin saisi l'ampleur de son mal, Fred allait l'abandonner à son tour.
La laisser tomber alors qu'elle avait encore besoin de lui.
Mais lui... lui, il avait besoin de George.

Un nouveau soupir lui échappa et sa main s'abattit brutalement sur la fenêtre. Il sentit le verre trembler sous ses doigts. 

Si Hermione n'était pas intervenue, la décision aurait été facile à prendre.
Bien sûr, cela provoquerait de la peine à sa famille.
Molly ne se remettrait probablement jamais de la perte de ses deux fils, mais son père serait là pour la soutenir. Et les autres aussi.
Il aurait expliqué, laissé une lettre.
Certes, cela ne soulagerait par leur peine.
Mais...

Seulement voilà, il y avait Hermione maintenant.
Hermione qui avait pris une place importante dans sa vie.
Hermione qu'il appréciait de retrouver la nuit, dans le secret, alors que la maisonnée était plongée dans le silence.
Hermione qui l'écoutait.
Hermione qui se confiait aussi.
Hermione qui, par sa seule présence, lui rappelait qu'il y avait encore des raisons de se battre.
Hermione.
Hermione.

Elle était la seule avec laquelle il discutait.
La seule avec laquelle il avait une vraie conversation.
Il se contentait souvent de quelques mots échangés avec sa famille, et il voyait que ça leur suffisait. Parce qu'il ne parvenait pas à leur en donner plus.
Mais pas avec Hermione.

Il était assez à l'aise avec elle pour lui parler de sa souffrance, de tout ce qu'il avait perdu.
Elle seule comprenait combien il souffrait de la mort de George.
Elle seule comprenait qu'une partie de lui était morte aussi, ce jour-là.
Elle seule comprenait qu'il ne serait plus jamais le même et elle ne cherchait pas à faire revenir l'ancien Fred.
Au contraire.
Elle accueillait celui qu'il était désormais avec sa bienveillance naturelle.

Sans critiques, sans remarques.
Elle se contentait de lui offrir l'épaule réconfortante dont il avait besoin.
Elle accueillait ses larmes sans la moindre once de moquerie ni de pitié.
Elle avait souvent le mot juste.
Celui qu'il avait besoin d'entendre pour ne pas se laisser sombrer.
Celui qu'il avait besoin d'entendre pour se souvenir qu'il y avait aussi de l'espoir pour lui.

A bien des égards, elle lui rappelait George.
A bien des égards, elle le comprenait bien mieux que n'importe qui d'autre dans cette maison.
A bien des égards, il comprenait qu'il ne pourrait plus jamais se passer d'elle.
Et il réalisait un peu plus chaque jour que c'était George qui avait placé la jeune femme sur son chemin.

Quoi d'autre sinon ?

Sa vue se brouilla et il essuya rageusement les larmes qui coulèrent le long de ses joues creuses.

―Pourquoi, George ? lâcha-t-il dans un murmure. Putain, pourquoi tu m'as fait ça ?

Seul le silence lui répondit.

Un sanglot lui comprima la poitrine.
Il replia ses jambes contre sa poitrine et laissa libre cours à sa tristesse.
Des larmes par dizaines lui échappèrent et cette fois, il ne tenta pas de les retenir.

Il ne sut combien de temps s'écoula avant qu'Hermione ne le retrouve.
De quelle manière elle sut qu'il n'allait pas bien restait un mystère.

Pourtant, elle n'hésita pas à l'enlacer de toutes de ses forces pour lui dire qu'elle était là.
Et qu'il pouvait compter sur elle, maintenant.

Alors Fred sut.
Non, il ne pourrait pas.
Il ne pourrait pas essayer de nouveau.

Il en était tout bonnement incapable.
Parce que sa famille ne serait plus la seule à souffrir.

Non.
Il y avait Hermione.
Et alors qu'elle le serrait contre elle, il sut qu'elle ne s'en remettrait jamais s'il passait à l'acte.


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Bonjour,

Petit mot d'excuse concernant l'absence de chapitre mercredi dernier, mais j'étais en plein concours à ce moment-là et j'avais besoin de rester concentrée dessus pour essayer de m'en sortir. Je vous poste donc ce chapitre 8 avec quelques jours de retard, mais j'espère que vous l'apprécierez d'autant plus ! 

D'ailleurs, merci pour les 400 vues, ça me fait vraiment plaisir ! N'hésitez pas à partager cette histoire autour de vous et à commenter, j'aime lire vos petits messages, ça me touche tellement ! <3

Bon week-end ! 

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