CHAPITRE DIX-HUIT - affronter l'imprévu.

Comment ?
Comment faire ?
Comment le lui dire ?
Comment lui avouer la vérité ?
Comment lui apprendre une telle vérité ?

Comment ?
Que faire ?
Comment balancer une telle bombe dans la vie de quelqu'un au risque de bouleverser tout son univers ?
Fred avait déjà eu à faire face à une nouvelle destructrice.
Fred avait déjà vu son monde entier s'écrouler, morceau après morceau.
Fred avait déjà perdu tout repère, perdu foi en l'avenir.
Qui était-elle donc pour le mener de nouveau au bord du précipice ?

Pourquoi ?
Pourquoi elle ?
Pourquoi eux ?
Le destin avait la fâcheuse tendance à s'acharner sur elle, depuis quelques années.
Qu'avait-elle donc fait pour mériter une telle vie ?

Bien sûr, il existait des solutions pour que tout se termine en une fraction de secondes.
Il suffisait d'une simple potion.
Une seule fiole.
Le docteur Mendez lui avait expliqué la procédure en détails et chacun de ses mots s'était imprimé au fer rouge dans l'esprit de la jeune femme.
En un claquement de doigts, sa vie reprendrait son...

Quoi ? 
Son cours normal ?
Alors que plus rien n'était normal dans sa vie depuis un an ?

L'idée même d'avorter lui donna la nausée.
Un frisson de dégoût remonta le long de son échine et Hermione ne fut plus capable de supporter son reflet.

Sa main se posa sur son ventre et pour la première fois, elle remarqua la petite boursoufflure.
Une bosse à peine perceptible, mais pourtant bien présente.
Un signe qu'elle ne vivait pas un énième cauchemar.
Un signe qui prouvait qu'un petit être était bien en train de se développer en elle.

Son enfant.
Et celui de Fred.

Un être encore innocent, qui était arrivé par surprise.
Qui n'avait pas demandé à subir un tel sort si Hermione acceptait la procédure d'avortement.
Un être qui, malgré tout, représentait un espoir.

Et l'espoir était ce pour quoi elle s'efforçait de se battre jour après jour après ses démons.
Après ses peurs.
Ses hantises.
Contre elle-même et son incapacité à aller de l'avant.
A garder un pied dans le passé.

Mais comment lui annoncer ?
Comment le lui dire ?

Les doutes l'assaillirent.
Sa main se fit plus tendre sur son ventre.

Qu'allait dire Fred ?
Allait-il assumer ?
Allait-il accepter les responsabilités qui leur tombaient dessus, à l'un comme à l'autre ?
Ou au contraire allait-il lui demander d'effacer ça ?
De mettre un terme à la grossesse ?
Fuir ?
La fuir ?

A cette idée, son estomac se noua.
La bile lui brûla l'œsophage.
Les larmes picotèrent.

Une petite voix lui souffla que Fred n'agirait pas ainsi.
Mais elle ne parvenait pas à la croire.

Et puis, que dire aux autres ?
Comment allaient réagir Molly et Arthur ?
Ils n'auraient sûrement plus confiance en elle après ça.
Peut-être même voudraient-ils qu'elle parte.
Et les autres ?
Harry, Ron ?
Ginny ?

Qu'allait-on penser d'elle ?
Hermione n'avait jamais réussi à affronter les commérages et les moqueries avec dignité.
A Poudlard, elle avait montré un visage fermé et insensible, mais la nuit...
C'était une autre histoire.

Elle avait versé bien trop de larmes pour ça.
Et il était hors de question de revivre ça.
Non, elle ne permettrait pas que quiconque s'en prenne à ce petit bébé encore fragile.

Elle sut.
Elle comprit.
Que, quoi qu'il en coûte, quelle que soit la décision de Fred et les réactions des Weasley, elle protégerait cet enfant.

Elle le protégerait de la cupidité humaine.
De la monstruosité.
Des ténèbres.
Au péril de sa vie, s'il le fallait.

Car, au fond, elle l'aimait déjà.
Et même si l'idée de devenir mère à dix-neuf ans l'effrayait plus que tout au monde, elle n'aurait jamais la force d'interrompre sa grossesse.

Jamais. 

Un soupir lui échappa.
De résignation et de peur aussi.

Ferait-elle une bonne mère ?
Serait-elle à la hauteur ?
Serait-elle capable de donner autant d'amour qu'il en avait besoin à cet enfant ?
Comme sa propre mère avec elle et Molly avec ses fils ?

Elle songea aussitôt qu'elle ne pourrait pas rester ici.
Surtout si Fred ne souhaitait pas assumer.

Avait-elle seulement assez d'économie pour se trouver un petit appartement ?
Au mieux, une maison avec un jardin ?
Resterait-elle dans le monde magique si ses proches lui tournaient le dos ?
Ou bien irait-elle se réfugier dans le monde moldu ?
En Ecosse, comme elle en avait toujours rêvé.

Tant de questions qui se bousculaient dans sa tête et dont elle ne pouvait avoir de réponses dans l'immédiat.
Pas tant qu'elle n'aurait pas averti Fred.
Même si l'idée de s'enfuir pour ne pas avoir à affronter les autres paraissait alléchante, elle ne pouvait pas se taire.
Non, il méritait de savoir.
Même si cette vérité allait changer sa vie à tout jamais.

Son reflet lui renvoya une figure pâle, des yeux cernés.
Ses joues paraissaient encore plus creuses qu'auparavant.
Ses cheveux ternes et ses yeux éteints.

Le manque d'appétit de ces derniers jours était-il uniquement du à sa grossesse ou bien à son état psychologique ?
Il lui faudrait sûrement se forcer à manger, maintenant qu'elle devait prendre soin d'un petit être.

Elle ne pouvait plus penser qu'à elle.
Mais à eux.
A lui.
A son enfant. 

Car telle était la réalité.
Elle était enceinte.

Elle murmura ses paroles, telle une litanie, pendant de longues secondes, les yeux rivés aux prunelles renvoyées par le miroir de la salle de bains.
Jusqu'à que l'idée se fraie un chemin dans son esprit.
Jusqu'à que vivre sans son enfant lui noue l'estomac, forme une boule de granite dans sa gorge.
Jusqu'à que chacun de ses muscles se détendent.
Jusqu'à qu'elle trouve enfin la force.

Après une semaine de mutisme, elle allait enfin le lui dire.
Quoi qu'il advienne.

Quelques coups contre la porte la firent sursauter.
Son cœur se lança dans une course endiablée lorsque la voix de Fred s'éleva à travers le bois.

―Tu as fini ?

Hermione serra la main, espérant faire disparaître les tremblements compulsifs de ses doigts et abaissa le poignée de la porte.
Elle ne sut si Fred remarqua son changement d'humeur, mais ses sourcils se froncèrent lorsqu'il posa les yeux sur elle.
Elle le vit ouvrir la bouche, mais l'empêcha de parler.

―J'ai besoin de te parler, souffla-t-elle d'une voix tremblante. Tu pourrais me rejoindre près du tronc déraciné ?
―Tout va bien ? s'inquiéta-t-il aussitôt.

Hermione le vit faire un pas en avant, mais elle glissa sous son bras pour esquiver sa main.
Elle fit mine de ne pas voir la peine sur son visage.

―S'il-te-plaît ? reprit-elle en baissant la tête.
―Oui, d'accord, dit Fred. Mais...

Elle le planta sur ses mots, dévalant les escaliers aussi vite que possible, sans pour autant attirer l'attention de Molly qui tricotait dans le salon, sifflotant sur la musique qui s'échappait de la radio moldue que Mr Weasley avait enchantée.

―Tout va bien, ma chérie ? fit Molly en l'apercevant.
―Oui, oui, mentit Hermione. Je vais simplement me balader.
―Oui, c'est une bonne idée, opina la matriarche. 

Hermione lui offrit un sourire, bien qu'elle eut l'impression qu'il s'agissait plus d'une grimace, et s'éclipsa avant que la mère de Ron ne se mette à lui poser d'autres questions.

Fred devait être le premier à savoir, et elle savait que, enveloppée par la bienveillance et l'amour de Molly, elle serait incapable de lui mentir encore plus.

Les rayons du soleil frappèrent sa peau nue. 
Elle observa une seconde le jardin laissé à l'abandon mais baigné de lumière et son regard se posa sur le portail qui se trouvait à une dizaine de mètres.

Tout aurait sûrement été plus simple si elle était vraiment partie comme elle l'avait prévue de le faire un an auparavant.

Mais qui sait ? songea-t-elle.

Son estomac se contracta et retenant la nausée qui menaçait, elle remonta le sentier qui menait vers l'arbre déraciné auprès duquel elle aimait bien se réfugier dans les moments de doute.

Combien de moments y avait-elle passés avec Fred ?
Combien de fois le garçon s'était-il assoupi, la tête sur ses genoux, alors qu'elle lisait ? Réconfortée par sa présence et la chaleur du soleil.
Combien de secrets lui avait-elle confiés à cet endroit ?
Combien de discussions avaient-ils eu ?
Combien de fois l'avait-elle écouté s'épancher sur sa peine et sa souffrance ?

Cet endroit était le symbole même du lien qui les unissait.
Et elle espérait de tout son être que ce qu'elle s'apprêtait à lui dire n'allait pas tout détruire.

Elle s'adossa contre le tronc, le cœur battant la chamade, et attendit.
Fred la rejoignit quelques minutes plus tard, ayant troqué son pyjama contre une tenue plus légère.
Hermione remarqua que c'était la première fois qu'il portait des couleurs clairs, chaudes.
Si loin des t-shirts sombres qu'il portait jusqu'à présent.

Fred prit place sur l'herbe à côté d'elle, et son corps entier se figea.
Au loin, le soleil poursuivait sa lente montée derrière la cyme des arbres.

Harry et Ron n'allaient pas tarder à rentrer de leur nuit de garde au ministère.
Mr Weasley y resterait encore jusque tard le soir, pour soutenir Kingsley dans ses nouvelles fonctions. Il y avait encore tant à faire avant sa prise effective du post.
Molly allait continuer de tricoter encore un long moment.

Personne ne viendrait donc troubler leur rendez-vous et cette idée la soulagea autant qu'elle la terrorisa.

―Tu voulais me voir ? souffla-t-il.

Sa voix s'éleva dans la quiétude qui régnait dans la plaine.
Un nouveau battement de cœur précipité.
Hermione se força à observer droit devant elle.

―Oui, fut-elle à peine capable de répondre.

Fred dut sentir que quelque chose n'allait pas.
Sa main se posa doucement sur son bras nu.
Un frisson remonta le long de son échine.
Son cœur se serra.

―Je t'écoute.

Comment ?
Comment faire ?
Comment le lui dire ?
Comment lui avouer la vérité ?
Comment lui apprendre une telle vérité ?

Les doutes l'assaillirent de nouveau.
Qu'allait-il donc dire ?
Qu'allait-il penser d'elle ?
Qu'allait-il faire ?

Et les autres, que leur dire ?
Comment leur expliquer ?
Fallait-il dire toute la vérité ?
Expliquer ce qu'il s'était passé ces derniers mois ?
Comment leur faire comprendre que sa relation avec Fred avait évolué ? D'une façon qu'elle-même ne pouvait comprendre.

L'appréhension et la panique s'emparèrent de chaque pore de sa peau.
Son cœur se mit à battre si fort dans sa poitrine qu'elle crut qu'il allait imploser d'une seconde à l'autre.

Sa vue se troubla.
Ses mains se mirent à trembler.
Les larmes coulèrent le long de ses joues, arrachant un froncement de sourcils au rouquin.
Et elle fut tout bonnement incapable de le regarder dans les yeux lorsqu'elle lui révéla le secret qu'elle gardait enfoui depuis quelques jours.

―Je... je suis... je suis... Je suis...enceinte... bafouilla-t-elle, la voix tremblante des sanglots qui menaçaient de lui échapper. Je suis... Je suis enceinte Fred...

Elle ne put aller plus loin.
Mais ce ne fut pas utile.

Fred comprit.

Il comprit le sens de ses paroles et son monde tout entier se désagrégea.


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