C H A P I T R E 3
Un revenant
Cher journal,
Cela fait plus d'une semaine que j'abrite Fred à l'étable, que je lui donne mes restants de repas et que je vole les vêtements sur la corde à linge de la voisine. Je passe beaucoup plus de temps à l'étable qu'à la maison. Fred est vachement plus divertissant que la télévision. Mes parents ne soupçonnent rien et ils ne voient que du feu. Papa est heureux de voir que je m'intéresse enfin aux chevaux. Sil savait que ce ne sont pas eux qui m'intéressent, mais plutôt un garçon tombé du firmament nu et qui me rend complètement folle avec ses défis et ses sourires désinvoltes.
JE ME RETROUVE ME RETROUVE à quelques centimètres de Drasio Sanchez et de ses célèbres yeux bruns comme le chocolat. Drasio est un garçon de mon ancien lycée. Il était arrivé à Dunstan Hill il y a deux ans et Drasio y est resté seulement une année avant d'être porté disparu. Je me souviens, car j'étais celle qui devait l'accueillir avec un panier rempli de garnitures et lui montrer l'emplacement de ses classes. Il s'était présenté à moi avec un air un peu trop confiant. Il n'était pas vraiment mon ami, mais je ne le considérais pas non plus comme un ennemi. Il était probablement le seul qui se montrait gentil avec moi et le seul garçon qui, parfois, venait manger avec moi à la cafétéria. Drasio était un trouble maker. Depuis l'âge de huit ans, Drasio était traîné de famille d'accueil en famille d'accueil. Ce n'était un secret pour personne. Il adorait se mettre dans le pétrin et s'attirer des ennuis. J'imagine qu'il n'a pas changé depuis le temps et qu'il est resté le même.
Un soir, ses copains et lui traînaient sur le chemin de fer. Un train passait à cette heure tardive. Ils ont joué à celui qui restait le plus longtemps sur les rails. Le train s'approchait dangereusement et tout le monde avait décampé de frousse. Il ne restait plus que Drasio. Il attendit quelques secondes avant de détaler lui aussi, mais son jean était coincé dans les rails. Il tirait sur son pantalon pour se libérer, sans y parvenir. Puis, le train le frappa de plein fouet. Ses copains étaient de l'autre côté et attendaient que le train passe avant de rejoindre le corps de Drasio. Ils s'attendaient tous à voir un amas de chair et d'os broyés étalés sur le sol, mais il s'avérait que Drasio était toujours vivant et qu'il n'avait aucune égratignure. C'est ce que ses copains ont raconté. Ils ont juré avoir vu Drasio mourir devant leurs yeux, mais tout le monde savait que, cette nuit-là, ils avaient tous consommé de la marijuana et des champignons magiques. Rien ne prouvait ce qu'ils avaient vu et le fait que Drasio était toujours en vie contredisait leur parole. Personne ne les croyait au lycée. Personne ne l'a revu. Tout le monde, y compris moi, pensait qu'il avait disparu. Son corps était introuvable... Et pourtant, le lendemain de l'événement, lorsque je me suis réveillée dans mon lit et il y avait près de moi une lettre, écrite par lui-même. Elle disait :
Ne me cherche pas. Ne tente pas de me contacter. Ne parle pas de moi ni de cette lettre. Je reviendrai, je te le promets. Alors, attends-moi.
J'ai attendu, j'ai espéré, mais il n'est jamais revenu. Je le croyais mort. Alors, le voir ici devant moi, en chair et en os, me déstabilise. Je suis bouche bée de le voir réapparaître, comme un vieux fantôme qui surgi du passé.
- Éden Ollivier! s'exclame-t-il joyeusement en me reluquant. Pas de doute, tu es toujours aussi mignonne.
Je souris faiblement, ne sachant pas s'il me fait un compliment ou s'il se moque de moi. C'est clair qu'il est toujours le même avec son teint basané, sa tignasse de mèches brunes qui semble avoir été coiffée exprès pour lui donner un air ébouriffé et son éternel blouson en cuir qu'il porte toutes les saisons de l'année. À mon avis, il possède toujours sa moto...
- Qu'est-ce que tu fais ici? je lui demande, ne dissimulant pas mon air ahuri. À Vancouver, on racontait que tu avais disparu...
- On raconte pas mal de choses sur moi, ricane Drasio d'une voix sombre.
Il n'a pas tort. J'ai entendu mille et une histoires sur lui. Des réelles comme des rumeurs.
- Mais bon, c'est encore la même affaire... J'ai changé de famille d'accueil et maintenant je vis sous le toit d'un vieux couple avec d'autres pensionnaires insupportables. Et toi, ma jolie? (Drasio me sourit dévoilant une parfaite dentition.) Que fais-tu dans l'Oregon? me questionne-t-il, en arquant un sourcil.
- Oh, tu sais... Ma mère avait envie de changer de paysage et j'ai été contrainte de la suivre, je réponds vaguement.
Je hausse nonchalamment les épaules. Drasio plisse les yeux, visiblement il ne me croit pas. Il ouvre la bouche pour parler, mais la sonnerie retendit pour annoncer le début des cours. Je me sauve avant qu'il se remette à me poser d'autres questions auxquelles je ne veux pas répondre.
- Tu ne peux pas toujours te sauver, Éden, cri-t-il à mon intention. J'adore les secrets! Je finirai par découvrir les tiens!
Lorsque je franchis la porte de la salle de classe, je m'arrête sur le seuil. Voilà ce qu'on appelle une entrée remarquée. J'inspire un grand coup et me force à sourire au professeur qui semble à peine sortir de la fac. L'agacement jaillit de sa poitrine. Gris clair. Sans me jeter un regard, il lance d'un ton rempli de sarcasmes :
- Merci de faire part de votre présence mademoiselle... (Il se retourne vers moi pour me dévisager et hausse les sourcils.) Oh, navré, s'excuse-t-il, sincèrement. J'avais oublié qu'on allait recevoir une nouvelle élève, mademoiselle... (La couleur brune émane de son sternum. Embarras.) Votre nom?
Je sens les regards de mes nouveaux camarades me bombarder.
- Corner, je réponds. Éden Ollivier.
Sans perdre de temps, il m'indique un pupitre vide au fond de la classe et ne prend pas même la peine de me présenter aux autres. Je le suis reconnaissante.
Deux filles assises devant moi se retournent pour me détailler, l'air hautain et méprisant. L'une des deux a les cheveux d'un rouge flamboyant et me fixe avec ses yeux verts de félin. À la pointe de la mode et mince, elle pourrait très bien faire la couverture de Vogue. L'autre est la copie conforme de Barbie. Tout chez elle est faux : ses cheveux d'un blond artificiel, sa poitrine bombée, ses lèvres gonflées et même son nez aquilin est trop droit et trop parfait pour qu'il ne soit naturel. Je parie que c'est avec l'argent de son père qu'elle a pu payer toutes ces chirurgies pour paraître plus belle qu'elle ne l'était... ou peut-être pour dépasser la beauté de son amie. Ces artifices cachent une assurance feinte.
La jolie rousse, sûrement la meneuse, chuchote à l'intention de sa copine, qui éclate d'un rire moqueur. Qu'est-ce qu'elle a bien pu lui raconter de si drôle ça? Est-ce ma façon de m'habiller qui les rend hilares ça? Super! À peine arrivée et j'ai déjà des ennemies. Je connais bien ce genre de filles qui font tout pour se faire remarquer. Keren était comme elles.
Pendant toute la durée du cours, je garde les yeux baissés sur mon cahier et essaie d'ignorer les rires des deux bêcheuses. Quand monsieur Brayman pose une question à la classe, je ne lève pas la main pour ne pas attirer l'attention sur moi. Je rédige mes réponses dans mon cahier. Rares sont ceux qui participent en classe, sauf les filles qui veulent impressionner le professeur.
- Pour quelle raison les états du Nord ont-ils déclenché la Guerre de Sécession? demande monsieur Brayman à la classe somnolente.
Abolir l'esclavage dans les états du Sud.
Du coin de l'œil, je perçois que le garçon à côté de moi lève sa main.
- Stuart?
- Il est difficile de résumer les causes extrêmement complexes de la guerre civile, les racines du mal qui engendrèrent la terrible guerre de Sécession sont l'esclavage et son abolition.
Je détecte un léger accent. Curieuse, je lève un instant les yeux sur mon voisin et je le reconnais. C'est le rouquin qui conduisait la décapotable rouge. Je lâche bêtement mon crayon qui roule sur mon bureau, je tente de l'attraper, mais il finit par tomber au sol. Merde.
- Très bien, Stuart.
Stuart se penche depuis la rangée de la table voisine pour ramasser mon crayon et le pose sur mon bureau, près de ma main. Bien sûr, je rougis comme une pivoine et me presse de détourner le regard, en me remémorant la scène humiliante de ce matin. Je marmonne des remerciements inaudibles.
- Pas de quoi, me souffle-t-il. (Monsieur Brayman se tient dos à nous.) Je m'appelle Marty.
Tous ceux qui sont assis dans un rayon de trois chaises se retournent pour nous épier. Je me sens comme une bête de foire. Marty m'offre sa main. J'hésite avant de la serrer.
- Éden.
- Quel est ton prochain cours? s'enquiert-il.
Il semble réellement s'intéresser à moi, mais peut-être joue-t-il à un jeu. J'essaie de lire ses émotions, mais je n'y vois rien. Il a seulement un halo blanc à la poitrine comme le blondinet au secrétariat. Je réalise soudain que je n'ai toujours pas répondu à sa question et que je le fixe depuis un certain temps.
- Euh... maths avec Harris, je débite rapidement. Bâtiment 7, je crois.
- Je vais au 8, je peux t'accompagner.
- Merci, fis-je en espérant savoir plus sur lui.
Le cours d'histoire s'achève plus vite que je ne l'aurais cru. Marty et moi sortons ensemble dehors sous un soleil aveuglant. Pendant que nous marchons, Marty m'indique où se trouvent tous mes cours et me demande mes impressions sur Portland. Je mens en disant que tout est mieux ici qu'à Vancouver avant de lui demander d'où vient son accent. Marty me raconte qu'il est arrivé ici, il y a un an. Ses parents étaient propriétaires d'une ferme à Dallas où ils élevèrent des longhorns sauvages.
C'est drôle. Avec son allure, je pensais qu'il collait plus au prototype du président de l'école que d'un cow-boy farouche. Tout en lui est chaleureux – son sourire, sa façon de me regarder, sa main qui frôle la mienne lorsque nous marchons côte à côte.
Une nuit, des délinquants ont débarqué et ont mis feu à la ferme. Ses parents ont tenté de sauver les animaux, mais le toit de la ferme s'est effondré sur eux avant qu'ils ne puissent sans sortir. Tous les longhorns qui se trouvaient à l'intérieur n'ont pas survécu à l'incendie ainsi que ses parents. Après l'incident, un couple d'ici l'a accueilli dans leur maison, le temps qu'il termine ses études.
Quand il termine son récit, l'humeur de Marty s'assombrie. Je n'aurais pas dû lui invoquer son passé. Je me sens mal pour lui, alors je tente de le faire rire pour lui changer les idées. C'est ce que j'ai l'habitude de faire quand Ambrose, Ulysse ou maman déprime.
- Tu n'es pas très bronzé pour quelqu'un qui vient du Texas, lui fis-je remarquer. Désolée, mais t'es aussi blanc qu'un lavabo.
Il éclate de rire et c'est alors que je découvre que ses joues sont recouvertes de taches de rousseur.
- Je m'excuse de déballer d'un coup mon histoire morbide. D'ordinaire, je ne m'ouvre pas facilement aux autres. Je ne sais pas ce qui m'a pris... J'ai l'impression qu'avec toi je peux te faire confiance et te raconter chaque détail de ma vie. C'est bizarre, non?
- Je suis quelqu'un de bizarre.
- Je te crois.
Marty me sonde avec ses yeux vert olive. Que cherche-t-il au juste dans mon regard? Une once de facétie? Me fait-il réellement confiance? Sa montre sonne indiquant qu'il nous reste deux minutes pour aller à notre cours respectif.
- Bon, bah... c'est ici qu'on se sépare. Je te souhaite bonne chance avec Harris! lance-t-il soudainement pressé de partir.
La chance a tendance à me fuir.
Le reste de la journée se déroule sans encombre. Seuls mon prof de maths, M. Harris, et ma prof d'espagnol, Madame Ortiz, m'ont obligé à me planter devant la classe pour me présenter. Je croyais que ça allait être pire, mais finalement ça n'a pas été trop terrible. Je n'ai pas trébuché une seule fois sur mes propres chaussures lorsque j'allais m'asseoir. Et dans ces deux cours, une fille prénommée Shana s'est assise à côté de moi. Elle possède une silhouette magnifique qui fait douter toutes les filles de leur propre beauté. Ses cheveux ébène sont coupés très court. Son bras gauche est recouvert d'un tattoo en couleur de Blanche-Neige version punk. Son aura est constamment noire, mais elle affiche toujours un sourire. Ça veut dire qu'elle est soit dépressive ou soit que quelqu'un dans son entourage est décédé et qu'elle est en deuil. Quoi qu'il en soit, elle n'est pas heureuse même si de l'extérieur elle semble l'être.
J'apprends qu'elle fume, qu'elle traîne avec des garçons qu'elle connaît à peine et qu'elle a été jugée pour absentéisme. Moi, je ne suis pas allée jusqu'au tribunal.
Fouineuse et obsédée par les hommes, Shana a eu l'audace de me demander mes impressions sur les fesses du professeur Brayman lorsque M. Harris avait le dos tourné. Ce fut notre premier sujet de conversation. Dès qu'elle a ouvert la bouche en maths, j'ai su que Shana était une grande bavarde. Elle alimentait l'essentiel des conversations, ce qui m'arrange beaucoup. C'est l'un des traits que j'apprécie chez elle. À l'heure du dîner, elle vient s'asseoir à ma table avec Ambrose.
- Salut les filles! T'es Coralie, c'est ça?
- Ambrose, rectifie ma sœur.
- Oh, désolée. Moi, c'est Shana. Dure d'être nouvelle?
- Tu peux le dire! soupire-t-elle.
- Est-ce que je peux te poser une question indiscrète, Ambrose?
Avant même que celle-ci ne réponde, Shana enchaîne.
- Ton truc, là, dans le nez... est-ce que ça te chatouille les narines? Genre en permanence?
Ma sœur bidonne. Au même moment, la jolie rousse du cours d'histoire fait son apparition. Elle marche en roulant exagérément des hanches jusqu'à la table de ses amies. Suivant mon regard, Shana se retourne.
- Je vois que t'as repéré ma cousine...
Je manque de m'étouffer.
- Quoi? C'est ta cousine?
- Oui, on est cousines du côté de nos pères, explique-t-elle. On ne s'est jamais entendue.
- Vous vous ne ressemblez pas, remarque Ambrose. Elle est gentille?
- Megara Pettigrew est une vraie garce de première, rigole Shana en s'appuyant sur le dossier de sa chaise. C'est le démon incarné et la star du lycée. Ne te fais pas avoir par son air de salope, d'hypocrite et d'égocentrique, car elle est beaucoup plus que ça. T'as remarqué que sa tête est enflée? En fait, elle est pleine d'égo surdimensionné.
Sa remarque me fait rire.
Et tu vois la petite blonde qui la suit comme un toutou? Elle, c'est Isis, la fille la plus riche et la plus bête que tu ne pourras jamais rencontrer. Elle est insipide. En toute franchise, je doute qu'elle sache ce que veut dire ce mot.
Shana se penche vers Ambrose et moi pour dire sur un ton de confidence :
- Elle est si fortunée qu'on raconte que ses cheveux sont assurés pour dix mille dollars.
Je jette un coup d'œil à la dérobée en direction de la table bondée de Megara composée de filles uniquement. Elles bavardent avec trop d'entrain en gesticulant des mains. Aucune d'entre elles ne touche à leur repas devant elles. Les couleurs jaune et orange gravitent autour d'elles. Megara tourne la tête vers la porte et son aura s'agite en changeant de nuance, passant du jaune au rouge.
Désir.
C'est à ce moment que je le vois. Le garçon aux cheveux sombres. Il arrive dans la cafétéria, comme par magie. Il est tellement beau qu'il mériterait une musique générique. Plusieurs élèves se retournent sur son passage et le saluent.
- Éden? m'interpelle Shana. Allô, ici la Terre! La Terre appelle la Lune. Tu m'écoutes?
- Oh, oh! Je crois qu'un garçon lui a tapé dans l'œil, susurre malicieusement Ambrose.
- Qui est-ce? je demande.
Shana suit mon regard.
- Lui, c'est Gabe Martin, une légende, le meilleur joueur de la ligue de base-ball que notre ville n'a jamais connu, récite-t-elle. Et c'est également l'ex-copain et la chasse gardée de Megara. Ils ont été ensemble pendant un an. Un mois avant que les cours ne reprennent, Megara a rompu avec Gabe. Elle l'a largué comme une vieille chaussette devant tous ses amis après un match. Apparemment, elle a rencontré un mec de la fac à son job d'été. Je suis sûre qu'elle a allégrement trompé Gabe. Mais ça ne change à rien. Leur couple est une véritable institution. Megara considère Gabe comme sa propriété. Alors, je te conseille de tenir loin de son mec si tu veux rester dans les bons sentiments de Megara. Oublie-le, ça vaut mieux.
Je remue le contenu de mon assiette avec ma fourchette.
- T'inquiètes, il ne m'intéresse pas.
Je parcours la cafétéria du regard. Je remarque le gars blond du secrétariat. Il est assis dans un coin, seul à sa table. Son plateau est composé seulement de desserts, de crème au chocolat et de bagatelles. Il lit un gros livre, dévore un flan au coco comme un rustre et lèche la crème qui recouvre ses cinq doigts.
Charmant.
- Et lui? je demande à Shana en inclinant la tête en direction du garçon blond.
- Lui, c'est Charly, mais tout le monde le surnomme par son nom de famille : Macaulay. Il n'est pas rejeté ni rien. C'est juste qu'il préfère être seul dans son coin. Il paraît toujours fâché. Pas très bavard, difficile d'approche. C'est une tête brûlée. Il a toujours été comme ça. Super sexy, mais il craint à mort! Il s'est fait jeter de ses deux derniers bahuts et on dit qu'il est en liberté conditionnelle.
Il paraît plus âgé que la majorité des étudiants dans la cafétaria.
- Quel âge a-t-il?
- Dix-huit ans.
Deux secondes plus tard, Shana plonge ses yeux dans les miens, l'air sérieux. Son aura est rehaussée de plusieurs tons de bleu foncé. Peur. Inquiétude.
- Je sais à quoi tu penses, mais ne va pas te faire des idées, petite vicieuse. Il a assez d'ennuis comme ça et tu ignores de quoi il est capable de faire...
- Des ennuis? Quel genre?
- Ceux qu'on évite, dit-elle sur un ton qui indique qu'elle n'en dirait pas plus, même si j'insistais.
Pas de problème. Je sais être patiente. Visiblement, elle n'a pas compris qu'en refusant de m'en raconter davantage, elle attise ma curiosité.
Macaulay lève brusquement la tête et braque ses yeux d'un bleu translucide dans ma direction. Il me fixe d'un air méfiant, voire hostile. Son attitude est quelque peu déconcertante. Même si je ne peux voir ses couleurs, je sens qu'il dégage quelque chose de mystérieux, peut-être même de dangereux... C'est indéfinissable. Je me dérobe vivement sous son regard, mais pas avant d'avoir décelé en lui une sorte d'intérêt.
J'ai attiré son attention sur moi. Je n'aurais jamais dû l'examiner de cette façon.
Un frisson d'effroi me parcourt.
ஐ
Quand la dernière cloche sonne annonçant la fin des cours, je suis la première à sortir de la classe de philosophie, pressée de rentrer à la maison. Je cours pratiquement pour aller me réfugier dans ma Jeep. Une fois à l'intérieur, j'attends avec une impatience démesurée l'arrivée de Ambrose.
Les portes s'ouvrent sur un essaim d'élèves. Parmi eux, je repère Macaulay. Il est vêtu d'un T-shirt et d'une casquette noire. Des mèches de cheveux blonds comme le blé ressortent de sa casquette. Comme s'il avait senti mon regard sur lui, il lève brusquement la tête et plonge les yeux dans les miens. Ses traits sont empreints d'une sorte de frustration que je ne comprends pas, mais ça ne m'empêche pas non plus de continuer à le dévisager sans vergogne.
Il s'immobilise sur place, les mains formant des poings où se dessinent les tendons sous sa peau bronzée. Quelque chose de profondément enfoui en moi se met à remuer. L'agitation s'enroule autour de mon cœur, le comprimant jusqu'à ce que ma respiration ralentisse.
Je sursaute quand Ambrose monte dans la voiture, toute jubilée. Je lui jette à peine un coup d'œil avant de lever de nouveau les yeux. J'espère jeter un dernier regard à Macaulay, mais il a disparu.
Je démarre en trombe.
- Attention! crie Ambrose quand j'emboutis presque un vieux pick-up bleu très rouillé.
Je tente de m'excuser en faisant un signe de la main au conducteur, mais il essuie mes excuses en me gratifiant un majeur et détale de l'air du stationnement en faisant crisser ses pneus sur l'asphalte.
- T'es sûre de savoir conduire? me demande Ambrose après un moment.
- Désolée.
Derrière moi, quelqu'un klaxonne comme s'il avait le feu pris aux fesses. Je reprends mes esprits et cette fois, je roule en dessous de la vitesse permise. Je passe prendre Ulysse, toujours aussi furax que ce matin.
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