Cassiopée Beck


Cassiopée Beck était une jeune fille de dix-sept ans.

Elle se tenait debout au milieu de sa chambre, droite dans son corset, ses yeux fixant le vide.

Dès son plus jeune âge Cassiopée avait été une fillette très belle et très gentille. Elle appartenait à une famille importante qui en raison de cette importance se considérait au-dessus du reste du monde. Ils regardaient toujours les gens du commun avec un regard emprunt de dédain, au point que l'on se demandait comment un visage pouvait être aussi méprisant. 

Cassiopée avait été élevée d'une manière dure, et avait souvent été punie pour ses actions pleines de bonté.

Enfermée dans sa chambre sans dîner pour avoir aidé un marchand à ramasser des fruits tombés de l'étalage, grondée pour avoir appelé "maman" sa mère, giflée pour s'être plainte de la douleur... Sa sœur et son frère s'étaient eux-aussi ligués pour faire de sa vie un enfer, n'hésitant pas un instant à rapporter à leur parents les actions de leur cadette. 

Déçu par leur troisième enfant, c'est cela que les parents pensais de Cassiopée. Une déception inutile, indigne, sans la moindre fierté. Ils avaient une fille, un garçon et une déception.

Puis après tous les cours particuliers qu'elle avait eu depuis l'enfance, elle rentra dans un internat pour la première fois à l'âge de treize ans. L'école était très grande, et bien que les garçons et les filles soient séparés par classes, tout les enfants étaient dans le même bâtiment.

Cassiopée avait de très mauvais souvenir dans cette école. Elle se souvenait de sont frère la giflant à la maison parce que ses résultats étaient meilleures que les siens. Elle se souvenait de tout les élèves la détestant, se moquant d'elle, les amis de ses frère et soeur pour ne pas ressembler à ses aînés, les autres à cause de sa détestable famille. Elle se souvenait des élèves essayant de la coincer dans les couloirs pour mieux la torturer.

Elle se souvenait de bandes d'élèves l'appelant par son nom de famille, courant derrière elle pour la projeter contre un mur, si fort qu'elle s'effondrait immanquablement par terre. Elle se rappelait de leur bras la soulevant par la taille puis la plaquant contre le mur, parfois un bras contre sa gorge l'empêchant de respirer. Elle se rappelait des rires moqueurs et des insultes qui perforaient un peu plus le creux dans sa poitrine. Mais au contraire renforçaient son masque d'indifférence plate. Elle se souvenait d'entendre ces élèves comme un bruit de fond, entendre pas écouter. Elle n'écoutait plus, elle avait arrêté d'écouter, avait arrêté d'essayer de comprendre.

Elle se souvenait de sa concentration alors qu'elle forçait son visage à garder un visage impassible, froid et des yeux secs. En général les élèves partaient, lassés de son inaction, la lâchant et partant en marchant tranquillement. Comme si ils n'avaient rien fait. Et toujours Cassiopée se levait, habituée. Et toujours elle voyait les professeurs la fixer, le regard en coin, comme si ils savaient mais ne faisaient rien. Pourtant pour elle s'était une fierté, elle ne pleurait plus. 

Puis comme si grandir avait rendu les choses plus simples, sa vie était devenue plus douce. Elle était presque heureuse. Les autres élèves la laissaient tranquille apparemment grâce à sa sœur, et son frère ne criait plus sur elle à cause de ses notes. Bien sûr, il arrivait fréquemment qu'elle se retrouve coincée dans un placard. Ou que comme par hasard elle soit en retard en cours. 

Parfois elle retrouvait des choses étranges, dans son sac, sa trousse ou même sur sa chaise ou son pupitre. Mais elle ne se prenait plus des gifles au détour d'un couloir, elle ne recevais plus de lettres de menaces, elle était ignorée et non plus haïe. À croire que ceux qui la persécutait s'étaient lassés. Naturellement avec la légère paranoïa qu'elle avait développé au fil des années, elle restait constamment sur ses gardes. Mais les choses s'amélioraient. Elle avait de l'espoir.

Elle avait quinze ans lorsqu'elle tomba amoureuse pour la première fois, lorsqu'elle fut véritablement heureuse pour la première fois.

"Cassiopée !

- Chut !"

La jeune fille s'avança dans le couloir jetant des regards à droite à gauche afin de s'assurer d'être seule. Finalement elle se mit à courir en entraînant un jeune garçon derrière elle. Le jeune homme avait un an de plus et il s'appelait Eden.

Ils sortirent de l'internat et allèrent jusqu'à un lac se trouvant près de l'école. Là ils s'écrasèrent au sol en riant. Il posa sa tête délicatement sur les cuisses de Cassiopée. Il fixait les étoiles tandis qu'elle laissait son regard divaguer tout en souriant et en lui caressant les cheveux. Soudain, il se releva en position assise et la regarda dans les yeux. Alors qu'elle ouvrait la bouche pour parler il posa sa main dessus pour lui intimer le silence. Il s'approcha doucement d'elle puis déposa un baiser sur sa paupière droite, puis sur la commissure de sa lèvre à gauche et enfin dans son cou à droite.

Elle sourit doucement tandis qu'il se rallongeait sur ses jambes en fermant les yeux, soufflant

"Je t'aime.

- Moi aussi."

Seuls le lac, l'herbe, la lune et le vent furent témoins de ces preuves d'amour et de ce bonheur.

Puis Cassiopée eut dix-sept ans et la mascarade cessa. 

Cassiopée pleura, elle versa toutes les larmes de son corps, chacune lui arrachant des lamelles de son cœur. Eden se fichait d'elle. Depuis le début c'était une blague, oh si drôle, de son frère. Eden avait fait semblant d'un bout à l'autre. 

Elle l'avait appris le soir même de Noël. Elle marchais dans le couloir à la recherche d'Eden lorsqu'elle avait entendu des pas et qu'on l'avait attrapé par la manche pour la tirer dans une salle de classe. C'était son frère, Eden et quatre autres garçons du même âge. Ils l'avaient jetée à terre, puis l'avaient frappée de toutes leurs forces. Ils lui criait des insultes, son frère ressortant de vieilles histoires de leurs enfance. Ce qui lui avait fait le plus mal n'était pas les coups des jeunes garçons, ni les injures de son frère. C'était les visages marqués de haine, et d'une jubilation malsaine alors qu'ils lui donnaient des coups de pieds. Puis son frère sorti et elle cru que tout s'arrêterait, mais ce fut pire lorsqu'ils retroussèrent sa robe, puis ses jupons. Elle ferma les yeux et oublia. Ils la laissèrent plus morte que vive dans son corps et dans son cœur. Elle avait mal. 

Chacune des améliorations des derniers mois étaient les effets de son frère.

Alors qu'elle était dans cette salle de classe elle senti le bonheur s'écouler de ses doigts, comme son cœur en lambeaux. 

Enfin elle eut dix-huit ans. Elle devait se marier. Un mariage arrangé. Un mariage dont elle ne voulait pas.

Elle était dans sa chambre.

Elle ne sortirai pas.

Elle ne ferai pas de scandale.

Elle se sentait si mal.

Elle voyait tout en noir.

Elle ne sentait plus rien.

Elle n'entendait plus rien.

Sa vie était un enfer.

Ses doigts tremblaient un peu.

Elle prit un poignard.

Une relique familiale.

L'arme la plus aiguisée de la maison.

Elle connaissait bien cette lame.

C'était avec elle qu'elle s'était mutilée.

Chaque jour, chaque heure, chaque minutes.

De la souffrance.

Sa vie était douleur.

Sa vie était souffrance.

Elle s'approcha de sa fenêtre.

Elle tint la lame au-dessus de son bras.

Abaissa son poignet.

Une fois.

Le sang gicla.

Elle changea de main.

Serra les dents.

Une seconde fois.

Elle lâcha le poignard.

Il roula sur le sol.

Elle s'aggripa à la table.

Elle tomba.

Son corps tressauta.

 Plusieurs minutes.

Le sang coula.

Il s'arrêta.

Son cœur aussi.

Et son souffle.


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