❄ Chapitre 2 ❄
— Tu as fait quoi ?
Je ferme les yeux, agacée, et continue de touiller mon cappuccino chaud avec cette immonde cuillère en plastique offerte avec générosité par la cafétéria. Depuis tout à l'heure, Kas louche dessus avec horreur. Elle déteste le plastique. Elle déteste tout ce qui peut faire du mal à la planète. Si elle pouvait réduire en miettes ce gobelet polluant et le remplacer par une matière plus écologique, elle le ferait sans hésiter !
Mais maintenant, c'est moi qu'elle fixe, les yeux écarquillés, prête à me jeter tous les orages du monde à la figure. Son exclamation a même attiré les regards d'un curieux que je défie silencieusement. Le malheureux finit par détourner la tête.
— Tu as vraiment largué Timmy ?
Je n'aime pas sa façon de l'appeler par son surnom, comme si c'était un... un bébé. Ou un genre de pierre précieuse et fragile. Comme si c'était un enfant malade. Sa bouche me dit : Tu as vraiment largué ce petit ange ? Mais ses yeux, eux, m'assènent : Tu as vraiment laissé ce petit ange tout seul, dans ce monde cruel, livré à lui-même ? Mais à quoi tu penses, ma pauvre fille ?
Et ça m'énerve... Que ça m'énerve !
— Oui, dis-je d'une voix blanche.
— Mais t'es pas bien ?
— Kas...
Elle me regarde, un peu désespérée, comme elle le fait chaque fois que je la supplie d'arrêter d'être impitoyable envers mes choix.
Kassandra et moi, on se connaît depuis notre entrée au collège. Ce n'était pas la période la plus drôle de notre existence. La pression des cours, celle des parents, des garçons, des clans, des clubs... Tout un monde à découvrir, à apprivoiser, à dompter. Tout n'a pas toujours été rose. Ni bleu, ni vert, ni jaune. Certains jours, il n'y avait que le gris du ciel, le blanc des cahiers et le noir de l'encre de nos cours. Mais on a toujours été solidaires. Rien n'a su nous arrêter. Dans notre duo, Kas n'a pas toujours été la plus raisonnable, mais elle est clairement la plus lucide. Aujourd'hui, elle s'est beaucoup assagie. En surface, dirons-nous.
J'ai mal au crâne. Après ma discussion avec Tim, j'ai erré dans les rues de la ville, cherchant désespérément une occupation, une distraction, une excuse pour me vider la tête. Mais aucune n'est venue, alors j'ai dû attendre comme une conne dans mon appartement trop grand pour moi. L'excitation d'être seule s'est mêlée à une sorte d'impatience, qui m'a vite refilé une migraine. J'ai observé la ville par-delà la fenêtre, comme un genre de maître jedi qui observe le monde et l'horizon. Comme ça m'a rapidement ennuyé, je me suis allongée devant la télévision, mais j'avais toujours mal à la tête.
Mais Tim n'était plus là pour sortir son aspirine magique, me masser mes épaules nouées, m'embrasser sur le front. Envahir mon espace personnel de sa bienveillance. J'essaie de me concentrer sur cette pensée négative ; c'est la raison principale pour laquelle j'ai pris cette décision à la fois douloureuse et libératrice.
— Pourquoi ? me demande Kas. Pourquoi t'as largué Tim ? Vous alliez fêter vos six mois dans pas longtemps, c'est con. Je croyais que tu voulais l'emmener chez tes parents à Noël ?
Ah, oui, Noël... C'est vrai qu'on avait prévu ça, avec Timmy. Plus lui que moi d'ailleurs. Il adore Noël. Moi... Disons que c'est une fête que j'apprécie. Je préférais, justement, partir dans un endroit calme, chaleureux, là où nous aurions tous deux été dépaysés. Lui préférait rester dans un cercle familial. Comme toujours, j'ai cédé et, comme la famille de Tim partait en vacances, on avait prévu d'aller dans ma famille.
Au début, pour être tout à fait honnête, je n'en avais pas envie. Mais sa façon de me rassurer m'a fait croire que c'était ce que je voulais.
— Pas vraiment, mais... Je te l'ai dit, non ? Je trouvais qu'on n'était plus sur la même longueur d'onde. Il est prêt à faire beaucoup de choses que moi, non. Il n'insistait pas, il a toujours respecté mes choix, mais... je le sentais. Je sentais que, quelque part, ça lui faisait mal.
— Tu l'as vraiment largué par altruisme ? grommelle Kas tout en cherchant un chouchou dans son sac.
D'un geste ample et large, le temps que j'avale la moitié de mon cappuccino, elle attache ses cheveux en un chignon soigné. J'adore les cheveux de Kassandra. Crépus. Libres. Beaux. Soignés. J'en suis presque jalouse !
Je ne prends pas le temps de réfléchir à sa question. Je sais que, de toute façon, il n'y a qu'une seule réponse.
— Pas vraiment...
— Pas vraiment ou pas du tout ?
Cette fois-ci, je reste silencieuse. Kassandra détourne son attention, elle répond à un texto en quatrième vitesse. Ses doigts fins s'agitent sur l'écran de son portable. Même si elle a la nuque baissée, je sens son aura. Je sens qu'elle observe mes réactions. Elle aussi est un peu trop attentive.
— Comme je suis ta meilleure amie, reprend-elle finalement, je me dois de te soutenir dans ton choix. Mais je te l'avais dit, je ne l'approuve pas particulièrement. Je ne pensais même pas que tu le ferais vraiment.
— Il s'en remettra, dis-je bêtement, comme si ça excusait tout.
— Lui ? Oui. Bien sûr, qu'il s'en remettra. Comme toujours. Dans l'amphi, on l'appelle Positive-Man, après tout. Le truc, c'est que ça ne touche pas que lui...
Pas besoin d'aller au bout de ta pensée, Kas. J'ai saisi le message.
— Tu penses que je suis touchée par cette fin de relation ? Alors que c'est moi qui l'ai décidée ?
— Si tu ne l'étais pas, tu ne tripoterais pas ton écharpe toutes les cinq secondes.
— Il fait froid, même ici, et elle n'arrête pas de glisser !
Règle n°une : toujours nier l'évidence.
— Elle ne glisserait pas si tu ne la touchais pas.
— Je ne peux pas m'en empêcher...
— Je sais, je sais.
Pour me changer les idées, je regarde mes cours étendus devant moi. Un fatras de notes, de références, de livres au style insipide et dont il faut retenir les citations pour mieux garnir sa dissertation. Une dissertation, chef ! Plan, références, citations ! Et tu n'oublies pas le supplément belle présentation, s'il te plaît !
Je frissonne quand je sens les doigts chauds de Kassandra se poser sur les miens. Elle a toujours les mains à bonne température. Même alors que l'automne glacé vient nous annoncer la venue de l'hiver. Même après avoir lu pendant des heures, alors que le sang peine à venir jusqu'au bout des phalanges. C'est la chaleur de son amitié.
— Tu as commencé à réviser ?
Je vois très bien ce qu'elle est en train de faire. Elle essaie de me changer les idées. Elle veut me faire penser à autre chose. Kas a toujours été comme ça. Elle sait s'arrêter.
— Un peu.
— Un peu ?
— L'examen est dans un mois, ça va...
— Laureen, l'examen est dans un mois, justement !
Je lève les yeux au ciel. Depuis les examens pré-universitaires, chaque contrôle, devoir, dossier, est source d'angoisse chez ma meilleure amie. Elle a l'âme d'une soldate qui part en guerre, d'un général qui commande ses troupes du mieux qu'elle peut.
Moi aussi, j'ai ce genre d'angoisse, mais mes préoccupations sont un peu plus... Je ne sais même pas comment les qualifier. Disons que je fais confiance au cours des choses.
— Je sais...
— Et tu ne comptes pas réviser ?
— Je révise déjà un peu, je te signale.
— Un peu ! se scandalise-t-elle.
— Arrête, on dirait ma mère.
Je plaisante, évidemment. Elle le sait et s'excuse en riant. D'un trait, elle avale le reste de sa boisson et commence à ranger ses affaires. Je comprends que l'heure de notre pause va bientôt s'achever. Réglée comme un métronome, Kassandra se prépare toujours cinq minutes avant d'aller en cours. Pourtant, une fois son sac sur les genoux et la table vide, elle ne bouge pas.
— Au fait, je ne t'ai pas dit ? Il y a un concours de chant qui passe dans la ville dans trois semaines !
— Sérieux ?
Des étoiles brillent dans les yeux de Kas. Elle adore le chant. La musique. Toutes les ambiances sonores harmonieuses. Et elle est douée. Très douée. Sa voix a la douceur de la soie. Quand je l'écoute, je suis entourée d'un nuage de sucre. Plongée dans un chamallow souriant. Au lycée déjà, elle faisait partie de la chorale scolaire, mais ce qu'elle aime le plus, c'est chanter selon ses désirs.
Inutile de lui demander si elle compte participer.
— C'est où ?
— Au studio, dans les locaux de la radio.
— Attends, tu veux dire que tu vas rencontrer Jim ? Jim King ? LE Jim ?
— Oui ! s'exclame-t-elle.
— Mais c'est trop cool !
J'adore cet animateur. Il n'est pas conventionnel, mais je l'adore. Et évidemment, Kas est sa première fan. Aucun doute là-dessus.
— Il paraît que la récompense est un mini-rôle dans une série !
Elle continue, encore et encore. Elle me récite l'article du journal, détaillant la moindre de mes réactions. Ses envolées lyriques, à propos de son concours, m'envoûtent. Même la sonnerie de son portable est incapable de l'arrêter, elle ne jète qu'un regard en biais au message et l'ignore complètement.
Quand il s'agit de chant, d'art, personne ne peut arrêter Kassandra.
— Dans le jury, il y aura même Max.
— Max ? Notre Max ?
Finalement, Kas se tait un moment face à la pointe aiguë de ma voix. Elle acquiesce, puis reprend son discours. Je ne l'écoute que d'une oreille à présent. Maximilian est un gentil garçon. Talentueux. Musicien, aussi. Un chouette guitariste dont la popularité ne cesse de croître.
Mais c'est aussi et surtout le grand cousin de Tim et son plus proche confident. Autant dire que cette information ne m'enchante guère. Tout simplement parce que cela signifie que, si j'accompagne Kassandra à ce concours, je vais probablement revoir Timothy. Malgré ses vingt-deux ans, il reste un grand enfant et son admiration sans bornes pour Maximilian va le mener sur les traces de ce fichu événement. Autant dire que ça va être un moment gênant. D'autant plus que Maximilian doit, à l'heure qu'il est, m'en vouloir à mort d'avoir fait souffrir son petit cousin, son protégé, son oisillon. J'imagine bien la première réaction de Timothy : appeler son cousin, parler longtemps, sans s'arrêter, de tout et de rien, jusqu'à ce que Max pose la question qu'il ne fallait pas poser, et alors là Timmy fondrait en larmes et lui expliquerait ce qui venait de se passer. Sans jamais m'accuser. Mais ça ne changerait pas grand-chose, parce que Max ne supporte pas de voir son cousin pleurer. Être triste. Et comme la coupable est très vite désignée...
Heureusement, le concours n'est que dans trois semaines, ce qui me laisse le temps d'arranger les choses, de faire en sorte que Timothy ait oublié cette séparation.
Après mille éloges sur ce concours et les attentes qu'elle nourrissait à son propos, Kassandra se tait. Je lance un regard discret à ma montre.
— Oh, merde ! je m'exclame en me levant brusquement. On va être en retard !
Son juron fait écho au mien. Je rassemble mes affaires en quatrième vitesse. Elle enfile son manteau en quelques mouvements. J'ouvre la marche. Elle m'emboîte le pas. Nous nous dirigeons vers la salle de classe sous un ciel chargé de nuages de fer. Des gouttes tombent doucement et un vent glacial me gifle la peau. Heureusement, notre salle de cours se trouve assez proche de la cafétéria, et nous arrivons en cours, les cheveux bouclés, l'air un peu bête. Le prof nous lance un regard mauvais, mais c'est surtout à moi que les éclairs sont destinés. L'année scolaire a commencé depuis plus d'un mois déjà. Il est habitué à mes retards. Ceux de Kas sont infiniment plus rares.
Assise à ma place, je détaille la pièce. Globalement, tout le monde est à sa place, les yeux rivés sur leur ordinateur ou sur leurs feuilles. Ils écoutent le prof, observent parfois la classe, s'échangent des sourires complices, espérant partager un bout de leur ennui ou de leur pensée à leur voisin. Au troisième rang, Jacob me salue d'un hochement de tête peu discret. Parmi la rangée de têtes, je distingue des bruns, des blonds, des roux, même des verts et des bleus, tout un kaléidoscope de gens variés. Mais aucune trace de Timmy.
Et il ne loupe pourtant jamais les cours, à moins d'avoir une très bonne raison. Le fond d'écran de mon portable me le hurle.
Cette raison, c'est moi.
* *
*
Lorsque je passe la porte de mon appartement, je ne peux réprimer un soupir lessivé. Cette journée, plus éreintante que d'habitude, m'a complètement laissée sur les rotules, et c'est d'un pas de condamnée à mort que je me dirige vers la cuisine.
Comme d'habitude, je prépare mon café que je savoure en lisant mes cours pour le lendemain, je prends une bonne douche, je mange, et selon mon courage, je retourne réviser ou je m'installe pour lire. Pour le plaisir. Ce n'est pas mon activité préférée, mais ça me détend. Enfin, ça, c'est quand je suis seule.
Ce soir, je décide de balancer mes cours. Je n'ai pas la tête à relire mes fiches. Elles pourront très bien attendre. Je me vautre sur mon canapé, un paquet de bonbons sous le coude, mais je ne lis pas non plus. J'erre un peu sur mon téléphone. Bien évidemment, même parmi la masse de notifications, je n'ai pas de nouvelles de Timothy. Une pointe de déception me prend à la gorge... Je ne sais pas à quoi je m'attendais, mais visiblement, je m'attendais à quelque chose. Kassandra n'avait peut-être pas tort.
Mais je repense à ces derniers jours, et ça me suffit à ignorer ma petite voix. Merde, après tout ! Ce n'est plus mon problème. Je n'aurai qu'à rechercher de nouveau l'amour. Il retrouvera quelqu'un. Et moi, j'ai gagné une solitude tranquille. Une quiétude absolue.
Lorsque j'étais encore avec Timmy — bon sang, il n'y a pas plus étrange que de conjuguer notre amour au passé —, il n'était pas rare qu'il organise des soirées. Des soirées qui me demandaient parfois un peu trop d'énergie. Non pas que des fêtes géantes se déroulaient ici, avec alcool, danses ridicules, étudiants qui s'envoient en l'air et autres trucs de série. Ce genre de soirée, on les laissait volontiers à des gens comme Jacob ou Alizey (avec un y, oui, mon cerveau s'est débranché deux minutes quand elle m'a envoyé une invitation sur les réseaux sociaux).
Avec Tim, on passait nos soirées à deux, parfois à trois ou quatre quand Kas et Max nous rejoignaient. Mais Timothy débordait d'énergie. Tout le temps. Il ne s'arrêtait jamais. Se caler sur son rythme devenait difficile, surtout quand on enchaînait les sorties, les cours, les révisions et la soirée. Souvent, je finissais par m'endormir avant lui avoir souhaité de passer une bonne nuit. Souvent, je m'endormais même avant que Kas et Max ne partent. Toujours, je me réveillais, un plaid tout chaud sur les épaules et la sensation fantôme d'un baiser sur le front. Même quand on était seuls, Timmy faisait preuve d'un enthousiasme surnaturel, me complimentait, me chouchoutait, sautait (comme un mini-kangourou blond), dansait (de façon ridicule mais tellement charmante), partait dans des fous rires, réveillait même parfois le voisinage (ce qui ne plaisait pas beaucoup à Josiane, ma voisine française expatriée, peu habituée à ce que de sales gamins la réveillent).
Aujourd'hui, Josiane peut se réjouir et dormir sur ses deux oreilles. Le bourdonnement de la télévision fait écho au rire de Timothy. Un rire qui n'est plus là et qui ne passera plus le seuil de la porte. Avant un long moment, au moins. L'espace d'un instant, j'hésite à l'appeler. Mais mon doigt glisse sur un autre contact.
— Allô, Maman ?
— Ma chérie ! s'exclame ma mère. Ça fait longtemps ! Tu devais m'appeler, hier...
— Je sais, désolée, je n'ai pas eu le temps. Comment vas-tu ?
— C'est plutôt à moi de te poser cette question. Alors, les cours ? Les amours ? Timimi est là ?
Je retiens un gloussement. Ce surnom ridicule... Je l'ai trouvé peu esthétique dès la première fois. J'ai l'impression que pour ma mère, mon couple avec Timothy se résume à une amourette de primaire. Le genre d'amour qui dure une récré, et que l'on construit sur la base de petits mots volés.
Timimi...
Je répète ce surnom dans ma tête trois ou quatre fois. Timothy, au contraire de moi, l'a adopté de suite. Il adore tout ce qui est mignon. Moi aussi ! Mais là, je trouve que ça fait un peu trop. Je note dans un coin de mon esprit de rajouter cette raison à la liste des bonnes raisons pour lesquelles je suis satisfaite d'avoir rompu. La maturité émotionnelle n'est pas du tout son point fort...
— Non, il n'est pas là.
— Oh, c'est dommage ! J'aurais bien aimé le voir. J'ai acheté un mug tout à l'heure, avec dessus Belle-mère, beau-fils... Avec plein de cœurs autour des mots, des nounours...
— C'est bon, j'ai compris, Maman ! Non, Tim n'est pas là. En fait...
Je m'arrête. Est-ce que je lui dis la vérité ? Je sais à quel point ça va la toucher. Elle l'adore. Tant pis. Elle va s'en remettre aussi. Après tout, il n'est pas mort.
— Je ne suis plus avec.
— Quoi ? Comment ça ? Il n'est plus à la fac ?
— Non, je...
— Il est parti dans une autre ville ?
— Non ! S'il te plaît... On a rompu, Maman.
Silence à l'autre bout du fil.
— Quoi ? Mais pourquoi ?
— Parce que c'est comme ça, Maman.
— Mais vous formiez un si beau couple, tous les deux ! Vous ne vous êtes pas trompés, hein ?
— Non, maman... Tim ne m'a pas trompée...
— Alors...
— Je ne l'ai pas trompé non plus. Je trouvais juste qu'on ne formait plus un beau couple, c'est tout.
Elle acquiesce, mais je sens bien que ma mère est contrariée. Un peu.
— Vous allez au moins rester amis ?
— S'il le veut bien, je n'y vois aucun inconvénient.
— Et toi, comment tu te sens ?
— Bien... Je pense. Et toi, comment ça va ?
— Tout va bien de notre côté.
— C'est quiiiiii ? demande une voix lointaine.
— C'est ta sœur ! répond ma mère en éloignant le téléphone, avant de revenir à notre discussion. Même si l'entrée au collège de ton frère n'a pas été de tout repos... Oui, je lui dis ! Eli te passe le bonjour.
— Fais-lui un bisou de ma part.
— Je n'y manquerai pas. Il me fatigue, en ce moment... Il ne veut pas faire ses devoirs et n'arrête pas de répondre.
Je rigole. Eli n'aime pas beaucoup l'école. Il préfère de loin courir dans la forêt et étudier les insectes.
— Le collège n'est une période facile pour personne. Souviens-toi, moi...
— Ne m'en parle pas ! ricane-t-elle.
Quelques souvenirs, sous la forme de photos aux bords un peu flous, apparaissent subitement dans mon esprit. Pas tous glorieux. Je préfère les chasser rapidement d'un soupir désabusé.
— Il va vite s'habituer. Il s'est fait de nouveaux amis ?
— Je crois... Il m'a parlé d'un de ses camarades de classe, au détour d'une conversation... Caleb, je crois... Un petiot qui a l'air sympathique...
Nous continuons de parler une bonne vingtaine de minutes encore. Ma mère me raconte ses aventures au boulot, ses petits tracas à la maison ; j'apprends que le chat de notre voisin est mort paisiblement de vieillesse, que son père était à l'hôpital pour une infection urinaire, que les prix des macarons de la boutique à deux pas de sa maison ont augmenté et qu'ils ont enchaîné trois jours de pluie. Je lui raconte pour Tim, pour les cours, un peu pour Kas aussi.
— Au fait, pour Noël... commence-t-elle.
Elle va certainement me parler de la fête qu'il y a en ville, qu'elle aurait aimé voir Timothy venir, qu'elle aimerait que je vienne quand même...
— T'inquiète, m'man, je viens quand même. C'est pas parce que je suis seule que je ne viens pas, je m'empresse de lui dire.
— En fait... Je pensais qu'on pourrait... qu'on pourrait peut-être venir. Avec Eli.
Je reste un instant silencieuse, un peu idiote. Je m'attendais à tout sauf à ça. Je pensais rentrer à la maison, profiter d'une fournée de cookies devant la télé familiale, m'engueuler avec Eli à propos du programme... Ce genre de choses. Loin du campus. Loin de l'atmosphère de la fac. Loin de mes soucis. De Tim.
— Oh... Oh ! C'est cool, comme idée !
— Oui, j'ai pensé qu'on pouvait partager ton univers le temps de quelques jours, argumente-t-elle. Au début, je ne voulais pas t'en parler et vous faire la surprise à tous les deux, mais... Je préfère te prévenir.
— Comment ça, nous prévenir ? Tu parlais de Timothy ?
— Non, je parlais d'Eli. Il n'est pas encore au courant.
Sa voix a baissé en intensité. Mon frère doit se trouver à côté. Il adore espionner, écouter tout ce qui se dit.
— Ok. Je vois... Bon, ben... J'imagine que ça peut être sympa, oui...
— Après, on rentrera à la maison, bien sûr. Je sais à quel point tu tiens à ces quelques jours loin du campus.
Quand j'acquiesce, j'entends ma voix sourire.
— Merci.
On raccroche, après mille bisous et mille mots d'amour. C'est notre rituel. Toujours finir par un mot d'amour. Je pars me coucher peu de temps après. Quand je ferme les yeux, j'ai peur de penser à Timothy. Avant de tomber de sommeil, la dernière image que j'imagine, c'est un sapin de Noël.
🎄🎄🎄
NDA : Bonjour à tous et à toutes ! :)
Voici le deuxième chapitre de mon roman ! J'espère que vous avez passé un bon moment en le lisant.
On se retrouve demain pour le troisième chapitre.
Prenez soin de vous, bisous ! :)
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