Chapitre 3
Himeko
Un bruit strident me tire du sommeil dans lequel j'étais plongée.
- Foutu réveil...
Je l'éteins en grommelant avant de refermer les yeux. Il doit bien me rester encore quelques minutes de marge.
*******
Je n'aurais pas dû refermer les yeux... j'ai plus d'une demi heure de retard sur mes horaires habituelles.
Et merde.
Je me lève illico presto de mon lit, file sous la douche, enfile mon uniforme et prends un biscuit au passage avant de m'élancer vers la porte. Je suis déjà arrivée devant la colline lorsque je me rends compte que j'ai oublié quelque chose d'essentiel.
Mon cartable.
Je retourne chez moi en quatrième vitesse pour le récupérer et repartir deux fois plus vite que tout à l'heure. J'ai intérêt à me dépêcher si je ne veux pas louper la première heure, même si je doute honnêtement de mes capacités face à cette montée, les abeilles, et les animaux en tout genre qui ne se gênent pas pour me ralentir.
Je finis par arriver dans la classe, essoufflée et en nage, avec une bonne demi heure de retard. Retard qui ne m'était encore jamais arrivée dans toute ma scolarité. Je crois que mes soirées passées à créer des mélodies n'ont pas loupées de me fatiguer, et j'ai intérêt à me reprendre si je ne veux pas finir complètement crevée.
Tout le monde m'observe bizarrement, et je m'empresse de m'excuser.
- Excusez moi Koro-sensei, panne de réveil.
- Installe toi, mais que cela ne se reproduise plus.
- Oui.
Heureusement pour moi, le premier cours était de la chimie, je n'ai donc rien sauter de très intéressant et je n'aurais pas à rattraper. Tout en reprenant mon souffle, j'observe mes camarades à la dérobée. Tiens, Itona est toujours en train de bricoler... J'hésite pendant quelques secondes à aller le voir, mais finalement c'est mieux comme ça. Si en plus d'arriver en retard je ne prête aucune intention au cours, même si celui ci est ennuyeux pour moi, je doute fort que notre professeur laisse passer. Et puis, tant que je ne trouve pas la raison de sa réaction d'hier, je préfère ne pas m'approcher de lui.
Itona
Étonnamment, elle est en retard ce matin. Je n'avais pourtant pas l'impression qu'elle soit du genre peu studieuse sur les horaires. Je ne m'appesantis pas plus là dessus et me remets à ma création, en espérant quelque peu qu'elle revienne me voir pour que j'en apprenne plus sur elle et sa possible relation avec Shiro. Malheureusement elle ne bouge pas de sa chaise, même si nous sommes en Chimie, et je ne peux m'empêcher d'avoir l'impression qu'elle cache quelque chose. Après tout, peut être qu'elle a vu le connard et qu'il lui a dit certaines choses...
Elle a l'air perturbée, et son état me conforte un peu plus sur ma position. Je dois tirer les choses au clair. Attendre la fin des cours risque d'être long.
*******
La journée est enfin terminée... j'ai vraiment eu du mal à suivre, les souvenirs de tout ce que cet enfoiré m'a fait ont tourné dans ma tête dès que j'essayais de me concentrer. Et par la même occasion, je n'ai fait que penser à la personne qui semble avoir un lien avec lui. Merveilleux.
Elle finit par sortir de la classe accompagnée de Karma, Nagisa et Kayano. Je voulais la suivre, mais le problème ici est le démon aux cheveux rouges. Il le sent lorsqu'il est suivi, et je ne tiens absolument pas à me faire prendre. Tant pis pour aujourd'hui.
- Itona-kun ?
Quand on parle du loup...
- Hum ?
- Tu veux rentrer avec nous ?
J'aurais dû m'en douter... il faut se méfier de ce petit homme. Il sent ce genre de choses. Résigné, je soupire intérieurement et acquiesce face à sa demande.
Il est content le petit con.
Himeko
Génial. La personne que je cherche à éviter pour le moment vient de confirmer qu'elle va rentrer avec nous. Karma, je promets d'avoir ta tête sur un pique après t'avoir torturé pendant de longues, très longues heures. Parce que je paris qu'il sait parfaitement que quelque chose cloche entre Itona et moi, et qu'il lui a proposé ça juste pour nous emmerder tous les deux.
Quelle vie de merde.
N'ayant pas le choix, nous sortons tous ensemble du bâtiment dans lequel nous travaillons, et commençons à descendre la montagne. La tension entre le génie de la mécanique et moi est palpable, et la manière dont il me fixe depuis tout à l'heure achève de me mettre mal à l'aise. Karma, fidèle à lui même, ne manque pas de le remarquer et de le charrier tout le long du trajet, le mettant dans une humeur massacrante.
Mais qu'est ce qu'il a avec moi ?
Cette question ne cesse de passer en boucle dans ma tête. Je n'ai rien de particulier, et je ne comprends pas pourquoi il agis comme ça seulement envers moi. Je sens que ce gars est une sorte d'énigme impossible à résoudre, mais je vais tenter tout de même. Je veux savoir.
Heureusement, les deux autres personnes avec nous ne manquent pas de faire les pitres, réussissant à me détendre quelque peu durant le reste du trajet. Même si j'ai hâte de rentrer chez moi.
******
Lorsque j'aperçois enfin ma maison au loin, je ne peux empêcher un sourire de fendre mon visage. Je me tourne vers mes amis pour leur dire au revoir, quand une chevelure blanche se rapproche soudain de moi.
Je me retourne précipitamment, cours jusqu'à ma porte et la ferme à clé derrière moi. Tant pis si les autres se doutent de quelque chose, j'en ai marre de faire semblant que ce n'est pas bizarre. Dans ce genre de situation, il n'y a qu'une seule chose qui peut me calmer à coup sûr.
Je jette mon sac et cours presque dans les escaliers jusqu'à atteindre ma salle préférée. Sourire aux lèvres, je me rapproche de l'objet au centre de la pièce. Mes doigts frôlent les touches noires et blanches et toutes mes pensées s'envolent.
Itona
- Bon... et bien j'y vais. A demain.
Je pars le plus vite possible pour éviter leurs regards scrutateurs, et attends qu'ils s'en aillent pour retourner devant la maison d'Himeko. Je songe quelques secondes à sonner, mais vu la manière dont elle a réagi tout à l'heure, il est clair qu'elle ne m'ouvrira pas. Je soupire, résigné, et relève la tête. Une fenêtre donne de ce côté de la route, et je vois une silhouette se détacher derrière la lumière de la pièce. Et... presque une deuxième ?
Je n'hésite pas plus longtemps et commence à escalader le mur vers la fenêtre après avoir vérifié que personne ne me regardait. Je sais que ce genre de chose est interdit en temps normal, mais j'ai peur. J'ai peur que ce mec revienne. Peur qu'il fasse à d'autres ce qu'il m'a fait. Peur qu'il ne s'en prenne à cette classe que j'apprécie. Et peur qu'il ne revienne pour moi.
Au fur et à mesure que je me rapproche de la fenêtre, une douce mélodie parvient à mes oreilles. Quand j'arrive enfin à bout de ce mur, je peux maintenant observer ce qui se trouve à l'intérieur. Ce que je prenais pour une deuxième silhouette était en fait... un piano à queue. Et la personne assise là, à jouer, est totalement dans son monde et ne sens rien d'autre que l'instrument. Ses yeux sont fermés, et ses doigts parcourent les touches avec une agilité et un vitesse incroyable.
Je n'ai jamais entendu quelqu'un jouer aussi bien. Ce qu'elle joue est magnifique, et je ne peux m'empêcher de vouloir entendre cette mélodie autrement qu'à travers une fenêtre. Je me rends rapidement compte que celle ci n'est pas fermée, et je ne peux me retenir de rentrer dans la pièce.
Je m'installe sur une chaise, et ferme les yeux. Je pourrais l'écouter jouer pendant des heures. Ou au moins jusqu'à ce qu'elle me remarque et ne me jette dehors. Pendant une bonne demi heure, je ne fais que ça, écouter. Et apprécier.
Quand elle s'arrête enfin et qu'elle ouvre les yeux qu'elle avait fermé, elle sourit. Ce moment magique est malheureusement brisé lorsqu'elle se rend compte de ma présence.
- Qu'est ce que tu fais là ?
- C'était magnifique, je réponds après quelques secondes d'inertie.
Elle a un mouvement de recul, avant de me regarder avec de grands yeux effrayés.
- Tu as écouté...?
Je hoche la tête de haut en bas, et comme réponse elle se relève d'un coup et me supplie presque du regard.
- N'en parle à personne !
Surpris par ce qu'elle vient de me dire, je ne réponds pas tout de suite. Avec un talent pareil, je ne vois pas pourquoi elle ne veux pas en parler.
- S'il te plaît...
- D'accord, dis je après avoir réfléchis quelques secondes, mais laisse moi revenir t'écouter jouer.
Himeko
- Mais... pourquoi ?
- J'ai jamais rien entendu d'aussi beau.
Gênée, le rouge me monte aux joues alors que je balbutie des remerciements. Pour tenter de dissimuler ma bataille intérieure, je retourne à mon piano.
- D'accord...
- Vraiment ?
Je hoche la tête et je le vois sourire pour la première fois. Ce type de sourire qui a le don de te retourner le ventre et de détruire toute la misère du monde. Ce sourire sincère et adorable pour lequel on pourrait tuer. Je déglutis difficilement et me mets à jouer pour ne plus croiser son regard.
Mes yeux se ferment et mes doigts vagabondent librement sur les touches. Je ne pense plus à rien et perds complètement la notion du temps. La seule chose qui me reste en tête est le sourire magnifique que j'ai gravé dans mon esprit et qui guide mes mains sur le clavier.
*****
Épuisée, je m'arrête enfin, les doigts rouges et brûlants. En relevant la tête, j'aperçois l'horloge accrochée sur le mur qui m'indique qu'il est onze heure passé. J'ai dû jouer à peu près cinq heures sans m'arrêter, et l'état de mes doigts ne m'étonnent plus. Je soupire et me relève, ayant comme l'impression d'oublier quelque chose.
Je tourne la tête vers un coin de la pièce, seul endroit où une chaise se tient, et trouve un Itona aux pays des songes. Il est plutôt mignon comme ça, avec ses joues gonflées et toute tension disparue de son visage...
Je me gifle mentalement d'avoir repensé à son sourire, et me lève pour aller chercher une couverture. Je la pose sur mon camarade de classe, n'ayant ni le courage ni la force de le réveiller. Je suis crevée, et j'espère que c'est la fatigue qui altère ma vision des choses, même si je ne suis pas dupe.
Je me dirige ensuite vers ma chambre et m'étale en étoile sur mon lit, sans me déshabiller. Il ne me faut que quelques secondes pour m'endormir.
******
Une voix me parvient vaguement. Douce, elle m'appelle. Je me réveille doucement et sens quelque chose de chaud sur ma joue.
- Hum...
- Réveille toi Hime, on doit bientôt aller en cours.
- Pas envie, répondis je en grommelant.
Un petit rire me parvient, et c'est à ce moment là que je me rends compte que je ne suis pas seule dans ma chambre. J'ouvre les yeux, et la première chose que je vois est Itona assis sur mon lit, me regardant en souriant. Sa main est posée sur ma joue.
- Tu...
Je rougis avant de me lever précipitamment. Quelle idiote ! J'essaie de rattraper la situation avant qu'elle ne devienne vite gênante pour nous deux.
- Bien dormi ?
- Un peu mal au dos. Une chaise c'est pas vraiment le summum du confort, répond t'il en grimaçant.
Je me rappelle alors ce qu'il s'est passé avant que je ne m'endorme.
Itona
Je me réveille doucement, et mon dos me fait un mal de chien. Je bouge ma tête pour faire craquer mon cou, quand je me rends compte que je suis enroulé dans une couverture. Je suis pourtant sûr de ne pas en avoir pris, alors ça doit être Hime qui me l'a mise lorsque je me suis endormi.
Je souris au souvenir de ces heures passées à l'écouter la veille, avant de me relever précipitamment quand je me rends compte qu'il ne reste qu'une demi heure avant que l'on ne doive se mettre en route pour les cours, si on met autant de temps qu'hier à arriver chez elle.
Je devrais aller la réveiller, parce que j'ai comme l'impression que si elle l'était ça ne serait pas aussi calme. J'entreprends alors une exploration de sa maison. Elle est assez grande, mais je n'ai pas l'impression que quelqu'un d'autre qu'elle vit ici. La décoration est simple, et on peut trouver des objets bleus un peu de partout. Waouh.
Je dois tenter ma chance plusieurs fois avant de tomber sur sa chambre. Allongée sur son lit, encore en uniforme, elle dors profondément. Je me rapproche avec lenteur, ne sachant pas si elle se réveille facilement, je tiens encore un peu à ma vie.
Lorsqu'on la voit de plus près comme ça, elle est vraiment belle. Ses cheveux forment une auréole bleue autour de sa tête, et sa bouche entrouverte laisse passer son souffle chaud. Je me gifle mentalement, me rappelant qu'elle pourrait être liée à quelqu'un que je déteste. Mais je ne peux pas m'empêcher de l'admirer.
Me rappelant que je suis venu ici pour la réveiller et non pour l'observer, je m'assieds sur le bord de son lit et pose ma main sur sa joue. Dans l'éventualité ou elle envisagerait de me tuer, j'essaie de ne pas être brusque. Voyant qu'elle ne se réveille toujours pas, je l'appelle doucement.
- Hum...
- Réveille toi Hime, on doit bientôt aller en cours.
*******
- Merci de m'avoir couvert hier soir. Tu devrais pas tarder à te préparer, il reste moins d'une demi heure avant qu'on ne doive partir.
- D'accord. Et... merci je suppose.
Embarrassé, je me grade la nuque avant de lui laisser de l'intimité et retourner dans la salle de musique pour récupérer mon sac. Je finis après par descendre dans ce que je suppose être le salon, et elle me rejoint une dizaine de minutes plus tard.
- Tu peux te doucher si tu veux. Première porte à gauche en haut de l'escalier. Les serviettes sont dans le placard de droite.
Je la remercie, et c'est une vingtaine de minutes plus tard que nous sortons de chez elle, propres et nourris. En marchant vers la classe, nous croisons le reste du groupe d'hier, soit Nagisa, Kayano et Karma. Ce dernier ne rate pas l'occasion de nous charrier, pour changer.
- Tiens, ça ne serait pas Hime-chan et Itona-kun ? Étonnant de vous voir ensemble aussi tôt ~
- La ferme Karma.
Une voix retentit, désespérée et essoufflée.
- Les gars !
Nous nous retournons d'un même mouvement pour apercevoir Maehara arriver en courant vers nous.
- On a un gros problème !
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