Chapitre 11
Himeko
Sa présence me hante jour et nuit. Ça fait une bonne semaine que je l'évite comme la peste, en cherchant une façon de l'aborder sans que ça ne paraisse étrange ou gênant. Je sais parfaitement que cette situation ne peut plus durer, mais je n'ai pas le courage de faire le premier pas malgré mon long temps de réflexion. Bêtise de ma part certainement, mais quelque chose que je ne saurais nommer me bloque. Une petite voix me dit, au fond de moi, que je me méprends sur lui et ses actions et je que devrais plutôt le rayer de ma vie avant qu'il ne me détruise complètement. Mais c'est aussi ce qu'il va se passer si je n'obtiens pas une réponse claire.
En plus, je suis pratiquement sûre qu'il est comme moi. Je l'ai vu m'épier en douce toute la semaine, sans oser m'approcher. Il doit se dire que je viendrais de moi même quand je serais prête, vu que je l'ai déjà repoussé une fois, ce n'est pas étonnant qu'il ne veuille pas retenter l'initiative. Et puis il n'est pas non plus très à l'aise avec les relations sociales, ça serait surprenant qu'il fasse le premier pas-
- Himeko !
Je sursaute devant l'apparition soudaine de la personne qui occupe mon esprit.
- Qu'est ce que... Itona ?
Essoufflé au possible, il tombe à genoux devant moi.
- Pardon... pardon...
Des larmes dévalent ses joues et lorsque ses yeux se lèvent vers les miens, je peux ressentir le désespoir qui l'habite. Cette scène me brise le cœur, mais mon corps refuse de bouger, et je reste clouée sur place.
- Écoute moi s'il te plaît...
Voyant que je ne le coupe pas, il continue.
- Je... j'ai été stupide de te croire capable de collaborer avec Shiro. Sur le coup, le fait que tu sois très perspicace envers moi a suffit pour que je me braque. Je considérais les étrangers à cette classe, qui m'a sauvé, comme de potentiels pions pour ce sale type... J'avais érigé un putain de bouclier empêchant quiconque de comprendre ce que je ressentais pour éviter de souffrir autant à nouveau. Mais tu l'as facilement dépassé, et ça m'a effrayé à un point que tu n'imagines même pas. J'ai fait énormément de mal en servant Shiro, et je ne voulais en aucun cas recommencer si quelqu'un commençait à se rapprocher trop près de moi. Mais... je me suis rendu compte que je t'ai blessée encore plus que tous les autres jusqu'à présent. Quand j'ai commencé à m'intéresser à toi, avec de mauvaises intentions au départ, j'ai découvert que tu n'étais pas du tout le type de personne que j'imaginais...
Ses sanglots redoublent, et avant que je ne m'en rende compte, des larmes dévalent mes joues sans que je ne puisse les retenir. Il garde toujours son regard ancré dans le mien alors qu'il continue.
- Je ne pensais pas trouver quelqu'un d'aussi douée en piano. Ni d'aussi gentille et intelligente, malgré tout ce que tu peux dire... j'avais l'impression de perdre mes repères avec toi. Je laissais totalement libre court à mes émotions et la barrière a commencé à se fissurer... jusqu'à ce que je me rende compte que je ne pouvais plus me séparer de toi.
Itona se relève lentement sans cesser de me fixer, alors que j'ai déjà laissé tomber mon sac et ma veste. Mes larmes s'intensifient et un hoquet m'échappe alors que je comprends enfin ses dernières paroles.
- Tu es devenue bien trop importante pour moi, Hime. Alors crois en moi, s'il te plaît, quand je te dis que j'ai effacé toute possibilité de lien entre toi et Shiro... merde !
Il se jette sur moi et me sert dans ses bras, si fort que j'ai l'impression que mes os vont se briser. Je ne bouge pas, mais comprends que c'est ce dont il a besoin en ce moment, alors je ne fais rien pour me détacher. Sa tête se cale contre mon épaule, et son souffle échoue dans mon cou.
Je t'aime, me murmure t'il.
C'est le déclic. Mes bras se lèvent et le serrent aussi fort que possible, pour ne pas qu'il s'en aille, et ma tête se pose sur son torse. Nous pleurons tous les deux silencieusement pendant plusieurs minutes, chacun pour des raisons différentes. Même lorsque nous nous calmons enfin, nous ne desserrons pas notre étreinte. L'une des mains qu'il a placé dans mon dos remonte pour venir caresser mes cheveux avec une douceur que je ne lui soupçonnais pas.
- Je t'aime, je t'aime, je t'aime...
Il me répète inlassablement ces mots dans l'oreille et je me sens rougir de plus en plus alors qu'il frotte sa tête contre mon cou.
- Moi aussi, répondis-je dans un murmure.
Je le sens sourire contre ma peau, et il me serre plus fort contre lui, si seulement c'est encore possible.
- I-Itona... je peux... plus respirer !
- Oups.
Il se décale de moi à contrecœur et en profite pour attraper mes mains et entremêler ses doigts avec les miens. Un grand sourire apparaît sur son visage. Jamais je ne l'avais encore vu comme ça, et le fait que ce soit à moi qu'est adressée cette expression rayonnante me réchauffe le cœur. Je lui souris timidement à mon tour.
- J'aurais peut être dû t'écouter plus tôt...
- Avoue que ça aurait été moins sensationnel.
Nous ricanons tous les deux, et finissons par ancrer nos yeux ensemble. Sans bouger pendant plusieurs minutes, nous apprécions ce moment simple et précieux.
- On sèche ?
- Je pensais que c'était moi qui pouvais lire dans les pensées, répondis je en riant.
- Il semblerait que les rôles soient inversés cette fois ci !
C'est donc en courant comme si nous avons le diable au trousses que nous allons vers cet endroit rempli de souvenirs. Ma maison a donné lieu à tellement de drama que ça en devient comique, quand on y pense.
******
- Je peux savoir ce que t'as foutu ?
Une voix gronde dans mon salon, et je me maudis d'avoir oublié ce petit détail. La personne déjà présente chez moi me toise de haut en bas, grommelant dans sa barbe, avant de finalement laisser libre court à sa contrariété.
- Parce que bon, en plus de te laisser pleurer sur mon épaule TOUT LES JOURS en t'écoutant te maudire et maudire Itona, je dois EN PLUS poireauter comme une idiote parce que mademoiselle s'est rendue en cours sans moi, dit elle avant de s'interrompre brusquement lorsqu'elle voit qui est avec moi. Mais dis donc, on dirait que j'en ai loupé des choses, ajoute t'elle en nous observant de manière mielleuse.
Je ris un peu, gênée. Rio m'a beaucoup aidée toute la semaine et a réussi à me supporter pendant que je déprimais, et j'en ai fait de même avec elle. Côté cœur, elle a beau se vanter d'être une experte, elle fait beaucoup moins la maligne lorsque ça la concerne de près ou de loin.
Après avoir tout expliquer à Rio, elle décide elle-même de partir pour nous laisser un peu d'intimité et je la remercie pour cela. Je ne me fais pas d'illusions, je sais parfaitement que quand elle va arriver en classe, Rio va s'empresser de tout déballer au reste de nos camarades. Mais au moins ça justifiera notre absence, et je suis presque sûre que Koro-sensei ne nous en tiendra pas rigueur, loin de là.
Nous n'attendons pas plus longtemps pour aller à l'étage et retrouver ma salle favorite, qui je pense est devenue la sienne aussi. Je commence à m'installer au piano et Itona se met dans la chaise adjacente, comme à son habitude. Cette fois ci, alors que je joue, je peux clairement entendre les mots que j'ai encore du mal à prononcer. Je suis sûre à présent qu'il a compris le message que je veux lui donner, même si j'éprouve des difficultés à m'exprimer.
A la fin de mon morceau, je me décale pour faire de la place sur le large tabouret me servant d'assise, lui demandant silencieusement s'il veut me rejoindre. Il a d'abord l'air surpris, mais se reprend très vite et me sourit.
- Avec plaisir !
Nous passons le reste de la journée à jouer tous les deux, avec les quelques bases que je lui ai enseigné. Même si ce n'est pas du grand art, nous comprenons à ce moment là que nous partageons quelque chose de très étrange et envoûtant à la fois.
Et ce n'est pas près de se terminer.
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