Soutien
Les regards insistants m'étaient désormais destinés.
Mon entourage m'étouffait, m'ensevelissait de paroles réconfortantes, de mains tendues. Une vraie famille modèle, stéréotypes des catalogues immobiliers. Des acteurs, un mouton noir - gris.
Comment vas-tu ?
Trois mots répétés inlassablement, imprimés derrière mes paupières.
Mes oncles se donnaient bonne conscience, affirmant que je me portais comme un charme - une drôle de comparaison, à mon avis ; je n'avais rien de magique. Mes tantes m'enlaçaient, m'enivraient de leur parfum sucré.
Je vais bien.
Un sourire, des yeux faussement pétillants. Le tour est joué ! Chacun retournait à ses préoccupations quotidiennes. « Tu as payé la cantine des gamins ? », « Où sont les clés ? » ou encore, « Vous avez fini vos devoirs ? ». Ma famille excellait dans l'exagération de problèmes futiles. Les solutions trouvées étaient pathétiquement assimilées au Graal. Ridicule.
Bien que mes relations familiales étaient parsemées de courtoisie, elles n'en restaient pas moins insipides. Le mot d'ordre ? Secrets. J'étais le comédien de ma propre vie, brodant les apparences de fils d'or.
Un doux matin - le samedi -, l'atmosphère résonnait de rires enfantins ; mes frères jouaient dans le jardin, se laissant choir de la balançoire en plein vol. J'ai tiré les rideaux. Ma mère est entrée dans la chambre, une bassine de linges propres sous le bras. Elle a haussé les épaules.
" - Rejoins tes frères."
Un ordre à peine dissimuler derrière ses lèvres pulpeuses, teintées de rouge. J'ai grommelé. Je souhaitais être seul, perdue dans un roman. Ma mère n'était pas de cet avis.
" - Tu ne sors jamais de ta chambre, elle a souligné, excédée.
- Je vais au lycée, j'ai remarqué. "
Elle a tiré les rideaux, baignant ainsi ma chambre d'une vive lumière. La main en visière au-dessus des yeux, j'observais méchamment ma génitrice. Elle a attrapé ma veste, l'a jeté sur le lit.
" - Vas avec tes frères. Ils se demandent si tu es encore vivant ! "
Regards dédaigneux. Sortie fracassante. J'ai remonté la rue, distancé mon quotidien. Une brise s'est engouffrée sous mon débardeur alors que j'entrais dans le bus. Une veste aurait été la bienvenue, soudainement.
Un agréable silence envahissait le véhicule. Le ronronnement du moteur résonnait comme une douce mélodie à mes oreilles. La tranquillité.
Les heures sont passées lentement. J'ai déambulé en ville, seul. Ni appareil photo, ni téléphone, ni argent. La silhouette d'un pont s'est dessiné, suivi d'un parc. Les enfants jouaient au ballon, les couples s'enlaçaient. Je me suis installé sur un carré d'herbe, temporairement apaisé. Le soleil s'est couché. Je devais rentrer.
Ma mère attendait, assise sur le canapé. Ses yeux noirs contrastaient violemment avec son teint de porcelaine. Elle était énervée, mais je l'étais tout autant.
" - J'attends des explications. Où étais-tu passé, bon sang ? Tu n'imagines pas l'angoisse que nous avons eu, ton beau-père et moi ! "
Mes yeux papillonnaient d'objet en objet. Depuis la nuit des temps, je n'arrivais pas à soutenir le regard de mes interlocuteurs. Cela m'angoissait, comme si mes poumons se remplissaient d'eau. Je ne voulais pas qu'une quelconque personne puisse deviner mes pensées, mes sentiments.
" - Peux-tu m'expliquer ? "
Elle haussait la voix. Ma colère redoubla. Cette étrange mélange d'angoisse et d'énervement bouillonnaient dans mes veines, toxique.
" - Je n'ai rien à te dire. "
Je me renfrognais, essayant d'éviter un conflit direct. Peine perdue. Arme en main, ma mère visait ma cage thoracique. J'étais à découvert, vulnérable.
" - Que se passe-t-il ? Raconte-moi. Comment puis-je t'aider si tu fuis la conversation ! Pourquoi agis-tu bizarrement ? Merde, je suis ta mère ! Tu dois me dire les choses. Ton grand-père... "
La carapace s'était formée. Je me suis dirigée vers les escaliers, impassible. Je n'avais pas besoin de son aide. Mes mots l'ont giflé au visage, laissant une longue balafre. Je n'avais pas besoin d'elle.
Je n'avais besoin de personne.
J'ai verrouillé la porte de ma chambre. Cachés dans un mouchoir, lui-même dissimulé dans un livre, les lames m'attendaient. Tandis que le sang perlait, les larmes coulaient.
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