Peurs
La solitude était désormais mon unique compagnon.
La vie m'entraînait dans ses entrailles, sombres et terrifiantes. Mes poumons se vidaient, brûlaient ma cage thoracique, tandis que mes cris plaintifs se réduisaient à de vulgaires miaulements.
Enfant, je dormais avec une veilleuse. Elle représentait un poisson souriant, aux écailles vertes. Malgré son faible éclairage, elle m'apaisait.
La veilleuse est dans le grenier maintenant, entassée entre de vieux jouets cassés.
Ces dernières nuits, j'espérais l'installer à mon chevet, effrayant ainsi mes propres cauchemars. Alors que cette idée enfantine m'avait traversé l'esprit une multitude de fois, je ne l'avais jamais exprimé à haute voix.
Une façon de me séparer de mes maux. Une façon de distancer l'inévitable.
Une façon de renoncer au combat.
J'étais aveugle.
Mes nuits étaient courtes. Suffoquant, transpirant, je me débattais, apeuré. L'obscurité m'angoissait, laissant mon esprit fugace imaginer de cruels scénarios où monstres regorgeaient.
Les traits d'une vieille dame possédée, un vulgaire clown aux dents acérées, le regard blanchâtre d'un enfant monstrueusement défiguré.
Le moindre bruit m'effrayait.
Le souffle court, je formais une barrière de couvertures. Maigre protection incapable de calmer les palpitations de mon cœur.
Les crises de larmes redoublèrent, violentes. Dans l'incapacité de me calmer, une idée stupide m'était venue.
Concentré à glisser la fine lame sur mon avant-bras délicat, mes larmes cessèrent, accompagnée d'une respiration régulière.
J'étais apaisé.
Les picotements devinrent insistants et, me saisissant de compresses, je nettoyais minutieusement mes plaies. J'étais vidé, l'esprit embrumé. Mes mouvements étaient automatiques, robotiques. J'ai glissé sous les couvertures, les paupières closes.
Je dormais sereinement, finalement. Mon acte effrayait mes peurs, comme la veilleuse d'autrefois. Mais j'étais meurtri, cette fois-ci.
Je m'effrayais.
Le cercle vicieux m'emprisonnait. Je m'efforçais de trouver une autre solution - une bonne solution. Mais les lames de rasoir, soigneusement dissimulé dans ma commode, me promettait une lugubre sérénité.
Je ne retroussais plus mes manches, malgré les dernières chaleurs automnales. J'étais honteux, incapable de supporter le regard des autres.
Je cessais de mutiler mes avants-bras, bien trop visibles. Mes cuisses prirent le relais, inévitablement.
Les gouttelettes de sang perlaient lentement de mes fines incisions. Je les observais, le regard grave. Perdue dans cette contemplation meurtrière, je pensais aux autres personnes emprisonnés de cette addiction destructrice.
Etaient-ils seuls, eux aussi ? N'avaient-ils aucune épaule sur laquelle se confier ?
Mais une question effrayante ne cessait de tambouriner contre mon crâne, impatiente de connaître son emprise sur ma personne.
Quelle était la prochaine étape ? La mort ?
Je l'imaginais vêtue de noir, une faucheuse à la main. La représentation typique de ce personnage amer.
Effrayante pour les uns, réconfortante pour les autres.
La réalité est tout autre, et la Mort n'est nullement personnifiée. Sa représentation physique est idiote. Elle est présente dans l'air, à nos côtés. Au côté d'un berceau, flottant au dessus d'une personne âge, nageant dans l'air chaude d'une voiture.
Plus mes actes continuaient, plus mes certitudes s'enfonçaient dans ma chair.
Je voulais mourir. Une irrémédiable envie, encrée dans mes veines.
J'avais peur, et je choisissais la solution de facilité, comme nous pourrions l'entendre. Pourtant, est-ce facile de se donner la mort ? N'est-ce pas l'un des plus grands dilemmes ? Rester, et ainsi affronter la vie - difficile, sympathique, exécrable, emplie d'amour - ou bien partir, lier à l'idée que notre existence n'est constituée que d'événements désagréables ?
Rester, profiter. Vivre.
Voilà le choix que nous devrions choisir. Affronter des tempêtes, construire une famille, voir le temps passé.
Je regrette mon choix. Ne plus enlacer mes proches, ne plus courir dans les bois, ne plus manger de bonnes crêpes.
Je voudrais vivre.
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