La Neige fond sur mon Cœur brûlant
Bora est déjà là. Je suis en retard, j'ai pris trop de temps pour me préparer. J'ai ondulé mes cheveux, mis du rouge à lèvres, choisi méticuleusement le haut assorti à ma jupe préférée, pour ensuite les cacher sous ma parka. Il n'est que dix-huit heures, mais il fait nuit noire. Mes bottes s'enfoncent dans la neige blanche. Le banc sur lequel Bora est assise si situe sous un abribus, il doit être sec. Une partie du visage de mon amie est dans l'ombre, alors que ses yeux brillent sous la lumière du réverbère. Ses lèvres sont ourlées d'ombre. Ses lèvres...
Je sais ce qu'elle va me dire, je ne veux pas l'entendre. Il y a une heure, au téléphone, elle semblait si heureuse ! J'ai voulu mimer un rhume ou une grippe, mais je n'ai pas su résister à mon envie de la voir. Quitte à renoncer au sommeil pour tout un mois. Elle a rencontré un mec, au nouvel an. Mark. Elle ne fait que me parler de lui, et mon cœur se fissure toujours un peu plus.
Pourtant, je devrais être habituée. Nous sommes amies depuis l'enfance. Depuis toujours chacun de ses petits copains me blesse. Mais je ne parviens pas à m'habituer à cette sensation, je la déteste.
- Siyeon !
Bora se lève et se jette dans mes bras. Son parfum, que je connais si bien, m'enivre. Je la serre trop fort, elle me repousse doucement. Un immense sourire fend son visage. J'adore la voir heureuse.
- J'ai embrassé Mark !
Je retiens ma respiration. Je savais ce qu'elle allait me dire, alors pourquoi viens-je de recevoir un choc électrique ?
- C'était magique ! Oh, Siyeon, Siyeon, je crois que je l'aime !
J'aime quand elle prononce mon prénom, elle le couronne de toute la beauté de sa voix. Chaque arabesque qu'émet sa gorge parcoure mon corps dans un tourbillon délicieux. Mon corps en manque de sa chaleur. Mon corps qui veut se dérober à l'entente de ses mots.
- C'est- c'est fantastique... réussis-je à bredouiller.
Pourquoi fronce-t-elle les sourcils ? Quelle est cette mine ? J'aimais son sourire, moi !
- Hey, tu pourrais te montrer un peu plus enthousiaste !
- Mais, Siyeon... Tu pleures ?
Une larme s'écrase contre la neige. Elle forme un petit puits, rapidement détruit par l'avalanche des suivantes. Je tente de cacher mon visage dans mes mains. Bora les saisit, et les écarte.
- Siyeon, tu pleures ? répète-t-elle.
Ma gorge brûle.
Ma bouche brûle.
Mon cœur brûle.
- Je t'aime.
Je hurle, trop bas pour qu'elle l'entende.
- Quoi ?
Sa voix est inquiète, cela me rassure.
- Je t'aime, Bora, je t'aime.
- Tu... ?
- Je t'aime. Je t'aime de tout mon cœur, de toute mon âme. De toute ma vie.
- Je-
- Je voudrais m'en foutre, que tu sois en couple. Je voudrais me contenter de ton sourire, des quelques gestes tendres que tu as à mon égard. Je voudrais tellement me contenter de ton bonheur, simplement de ton bonheur. Mais je ne peux plus, c'est au-dessus de mes forces. Je suis égoïste, je suis désolée, je veux que tu sois heureuse avec moi. Te voir sourire pour quelqu'un d'autre me fait tellement de mal.
- Si-
- Non !
Je m'enfuis, je cours, de toute mes forces, le plus loin possible, loin de celle qui me maintient, cruelle, entre la vie et la mort. Je ne suis jamais pleinement morte. Je ne suis jamais pleinement vivante. Mes poumons sont en feu, mes jambes en coton, mais je continue. Je monte sur la butte qui domine la ville, où nous aimons tant observer le soleil se coucher, se partageant une gaufre ou des écouteurs. Je trébuche, près de l'immense saule pleureur qui domine tout de sa mélancolie sauvage.
Je ne me relève pas. Je n'arrive pas à respirer, je m'étouffe dans mes sanglots. Ça fait si mal... Ma peau tombe par morceaux, comme le visage d'une poupée de porcelaine agitée par des mains enfantines. Je suis à nu, la chair à vif, même la neige glacée ne m'éteint pas. Je suis misérable, étendue dans le froid. Je ne vois rien.
- Siyeon ! Siyeon, enfin je te trouve !
Sa voix montre un tel soulagement. Ses mains me saisissent les épaules et m'assoient contre le tronc de l'arbre.
- Oh, Siyeon, tu m'a fais si peur !
Elle m'enlace, et je sens sa joue contre ma peau froide. Son dos se secoue, je ne sais pas si elle rit ou si elle pleure. Ses lèvres se posent sur mon nez, sur ma joue, sur mon menton. Elle parle, mais je ne comprends rien. Je grelotte. Elle s'assied à côté de moi, elle amène ma tête sur son épaule. Je ferme les yeux, me laisse emporter par son flot de paroles, son parfum envoûtant, ses doigts qui glissent sur mes cheveux.
Je m'endors. Je suis heureuse, près d'elle.
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