*ALEX*

Assis sur le rebord de ma fenêtre de chambre, je griffonne quelques paroles sur mon carnet. Faire une carrière solo... Pourquoi pas?

Alors que je regarde le ciel envahit d'oiseaux, Summer entre dans ma chambre en sautillant. Elle porte une robe que je n'ai jamais vu et de jolies bottines noires. Elle se penche par dessus mon carnet et l'attrape pour lire:

Ta vie ne tient plus qu'à un fil,

Suspendue au-dessus du gouffre,

Jamais je n'ai cru que tu serais si fragile,

De même que toi, mon corps souffre

-Ouah!!! C'est génial! C'est écrit pour qui ?? pousse-t-elle en fixant la guitare appuyée contre le mur de ma chambre.

-Pour toi, Summer... A cause de...

Le visage de Summer se fige et me regarde avec intensité:

-Ce n'était pas obligé...

-Un sujet comme ça, c'est...

Depuis ses sept ans, Summer était atteinte d'une leucémie aiguë. Et là, elle s'est sûrement chopée une pneumonie puisqu'elle va régulièrement à l'hôpital, et a tous les symptômes de cette maladie.

Summer me prend dans ses bras et me murmure, les yeux brillants:

-Merci Alex... Merci...

Avant de quitter ma chambre, elle sort une phrase qui me laisse perplexe:

-Tu sais Alex... Tu peux aimer quelqu'un et tout faire pour que cette personne se sente bien... Mais n'oublie pas que tu es quelqu'un aussi, et que toi aussi, tu dois te sentir bien et aimé par une personne qui est importante pour toi.

Puis, elle disparaît de ma vue.

Que voulait dire Summer? Je n'ai pas besoin de quelqu'un pour être bien...!!

J'ignore ce qu'elle m'a dit, un peu tourmenté, pour revenir à mes textes.

*****

Appuyé sur le bureau de ma chambre, les doigts repliés autour de mes nouveaux textes (il y en a beaucoup, peut-être une vingtaine), je cherche quoi répondre à Rosalie. Pourquoi se compliquer la vie? Juste répondre: Je viens, pas de problèmes! Seulement, je sais que c'est Rosalie. Et que notre "situation sociale" est particulière...

Personne a) a presque tué Personne b). Normal, non?

Au final, je lui envoie juste: Je viens. Qui y'aura?

Quelques minutes plus tard, elle me répond qu'il y aura Nancy; son mec Ashton, rencontré en Nouvelle-Zélande; Louise, son petit ami Neko; elle; moi; et Summer, avec son nouvel ami Shayne, plus souvent appelé Shay.

Pour passer le temps, jusqu'à dix-sept heures, j'essaye mes chansons.

*****

Bizarrement, je trouve beaucoup de gens sur les quais. Je ne sais pas pourquoi je suis partis à cette heure... La neige s'est transformé en glace et à plusieurs reprises, j'ai failli me casser la gueule. Moi, je ne suis pas doué DU TOUT au patinage artistique! Quand je vois Summer et ses potes (Sara, Andréa, Jeanne, Camille et Margaux) effectuer leurs mouvements de patinage et de gym, ou que je les voie jouer au basket ou faire de la perche comme des reines, je me dis que je suis une anomalie de la nature...

Je m'arrête devant le banc que je connais bien. Celui de Jim. D'ailleurs, je ne le trouve pas allongé dessus, mais discutant avec une fille de dix-sept ans. Quand j'arrive à leur niveau, Jim me sort, devant la fille qui s'en va:

-Elle s'appelle Octavie Ferkley. Elle a dix-sept piges et s'est fait chasser de chez elle quand ses darons ont su qu'elle sortait avec Fanny Huppert, une SDF. Depuis, elle vit avec elle.

-Tu la connais comment?

-Son refré Harry était le meilleur pote de ma petite soeur Djimma.

-Ah ok...

Il a toujours des fringues miteuses: Jean camouflage déchiré et poussiéreux, Nike couvertes de boue et de feuilles mortes, pull couvert de trous sous un blouson en cuir aussi épais que de la soie... On ne peut voir que ses yeux - amandes noires - car son front est caché par un bonnet et son nez et le reste de son visage est protégé par une gigantesque écharpe en laine détendue. Malgré tout ça, il ne paraît pas "dérangé" par sa vie... Je sais, c'est assez étrange de dire ça. Mais Jim ne montre pas sa souffrance. Il connaît des amis SDF, donc il n'est pas seul; il est cultivé, donc il a tout de même un minimum de réflexion pour se pencher sur la société en générale.

Jim vaut mieux que certaines crottes dans ce monde. Bizarrement, je pense à des gens...