37 - Evan
Ça y est, ça commence à se calmer.
L'autre jour, d'après ce que certains disaient, le président français a pris la parole à la télévision. Il a dit qu'il ne savait pas exactement ce qu'il se passait depuis le début de la catastrophe naturelle mais que c'était certainement en lien avec les activités humaines. Alors il a dit qu'il avait pris la décision d'obliger la limitation de la pollution en France. Puis il a annoncé que bientôt aurait lieu une assemblée avec les dirigeants de tous les pays du monde. Léo a plaisanté en disant que ça ferait beaucoup, 197 hommes (parce qu'il n'y a presque aucun pays qui sont dirigés par une femme, selon elle) dans la même pièce, qui ne parlent certainement pas tous la même langue. Pour toute réponse, Emilien a levé les yeux au ciel, ce qui m'a fait rire. Ludo me manque, mais heureusement que les deux autres idiots sont avec moi. Je souris tout seul en pensant à ce surnom.
En tous cas, depuis que le président a annoncé ça, la Nature s'est calmée. Je ne sais pas si elle l'a entendu, si elle attendait une excuse de sa part pour arrêter de provoquer des accidents mais, ce que je sais, c'est que ça a marché.
Ensuite, le maire (c'est lui qui nous a dit ça, on l'a vu à la télé) a donné le nombre de morts en France depuis le début de la révolution naturelle.
1 million de morts.
1 million de morts.
1 million de morts.
C'est un nombre astronomique. C'est effrayant.
Mais maintenant, je suis rassuré sur une chose : Ludo est toujours là, lui.
Hier, il m'a appelé. Comme la Nature avait cessé de tout casser, on a pu réparer les lignes de communication entre Marseille et le reste du monde. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point j'ai été soulagé d'entendre sa voix. Je ne rêve que d'une chose, c'est qu'il rentre, que je puisse enfin le prendre dans mes bras et m'assurer qu'il va bien. Vraiment bien.
Dès que j'ai décroché et que j'ai entendu sa voix, j'ai appelé Léo et Emilien pour qu'on parle tous ensemble, comme dans nos réunions des Alliés Visio. Ludo avait l'air lui aussi très content de nous entendre. Il a dit qu'il n'avait pas revu ses parents depuis un moment, parce qu'il était bloqué à la caserne. Mais j'imagine que maintenant, il va pouvoir rentrer. Il a aussi dit qu'il avait hâte de revoir Harmony, et ça a fait rire Emilien. Lui, il était bien content d'être séparé de son frère.
Ensuite, les grands-parents de Léo l'ont appelée pour les aider à préparer à manger, et Emilien est allé l'aider, ce qui m'a laissé seul avec Ludo. Mais je ne vais certainement pas m'en plaindre.
Nous avons passé près d'une heure à parler de tout et de rien, de la révolution naturelle, de ce que l'on a fait depuis qu'il est parti, de ce que lui a fait avec les pompiers, de son retour, de sa famille, de la mienne, du fait qu'il me manque, que je lui manque, qu'on a hâte de se revoir, bref. On a discuté, quoi.
Et je lui ai aussi relaté nos aventures, à Léonor, Emilien et moi.
Il y a quelques jours, on est retournés faire les courses. La Nature commençait déjà à se calmer, mais ce n'était pas encore fini, ça ne l'est toujours pas maintenant. Sur le chemin, on a entendu un homme, là pour les mêmes raisons que nous, dire :
– Elle est quand même vraiment stupide, cette Nature. Il suffit de dire qu'on va faire des efforts pour qu'elle nous laisse tranquille.
Puis il a eu un rire moqueur.
Dès que le rire est sorti de sa bouche, un arbre s'est déraciné et est tombé sur lui, le tuant sur le coup. Horrifiés, Léo, Emilien et moi avons repris notre chemin en jetant des regards inquiets autour de nous.
Mais hormis cet élément perturbateur, c'est tous les jours la même chose de vivre dans la catastrophe.
Chaque matin, on prend tous le petit déjeuner dans la cuisine trop petite des grands-parents de Léo, puis on fait le ménage, on va faire les courses, on prépare à manger, on tond la pelouse si on ne veut pas finir par vivre dans une jungle, on joue avec mes sœurs pour les occuper, on mange le repas du midi, toujours dans la minuscule cuisine de la maison, ensuite on joue encore avec Juliette et Luna, on va se promener si les parents acceptent, on discute tous les trois, avec Léo et Emilien, puis on dîne et on va se coucher. C'est... lassant.
J'ai tellement hâte que tout ça se termine, et que Ludo puisse rentrer à Marseille. Ce n'est vraiment pas la même chose sans lui. Il me manque terriblement.
L'autre soir, j'ai rêvé qu'il était mort écrasé sous un arbre, dans une intervention avec les sapeurs pompiers volontaires de Toulouse, et que je ne le reverrai plus jamais. Quand je me suis réveillé en sueur au milieu de la nuit, j'ai mis plusieurs minutes pour reprendre un rythme cardiaque normal. Ça avait l'air tellement réel... Je prie pour que ça n'arrive jamais.
Actuellement, je suis assis dans un coin du jardin pour rester seul quelques minutes. Je sais que si je me montre, ma mère va tout de suite trouver quelque chose à me faire faire et je n'ai aucune envie de travailler maintenant. Je préfère penser au retour de Ludo et à tout ce que l'on pourra faire quand cette foutue Nature se sera enfin calmée. Mais je ne peux pas dire qu'on ne l'a pas mérité. Après tout, s'il y avait moins de pollution et de gaspillage, la Nature n'aurait sûrement pas envoyé un virus mortel sur Terre il y a quelques temps puis une rébellion naturelle maintenant. On l'a bien cherché.
Mon téléphone vibre alors dans ma poche. C'est un message de Yannis, il me demande si on peut s'appeler bientôt. Sans prendre la peine de lui répondre, je clique sur le bouton d'appel.
« Allô ? Evan, c'est toi ?
– Yannis ! Ça fait longtemps que tu m'a pas donné de nouvelles. Qu'est-ce qu'il se passe ?
– C'est mon père, j'en peux plus.
Je l'entends soupirer à l'autre bout du fil.
– Pourquoi, il fait quoi ?
Je savais que Yannis ne s'entendait pas bien avec sa famille, mais pas à ce point.
– Je me suis posé dans un coin caché du jardin pour pouvoir être tranquille pour t'appeler, parce que sinon, je crois qu'il me l'aurait interdit.
Je ris intérieurement.
– Je suis dans la même situation que toi, mais je veux seulement échapper aux tâches ménagères, je réponds d'un ton léger.
– Evan, j'en peux plus, il faut que la Nature arrête maintenant !
Au ton désespéré de sa voix, je commence à paniquer.
– Pourquoi, ils te font quoi ? Réponds, Yannis, arrête de tourner autour du pot !
Il pousse un bref soupir avant de répondre :
– Mes parents se sont disputés l'autre jour, et ma mère a reproché quelque chose à mon père, je ne sais plus exactement quoi. Du coup, tout ce qu'il a trouvé à faire, c'est la frapper ! Ce n'est pas la première fois que ça arrive... Et quand j'ai voulu m'interposer pour qu'il arrête, il s'en est pris à moi aussi. Et le pire, ajoute-t-il après un silence, c'est que Max, mon grand frère, avait l'air de trouver ça très drôle...
– Ecoute Yannis, c'est super grave ce que tu me dis ! Il faut absolument que ton père se calme, sinon vous devrez aller porter plainte. Tu ne peux pas rester dans cette situation !
– Mais je ne peux rien faire, Evan ! s'écrie-t-il. On ne peut pas quitter la maison, on n'a nulle part d'autre où aller. Et en plus, papa a menacé de s'en prendre à Ethan si on partait.
Ethan est le petit frère de Yannis, il me l'a dit quand on s'est baladés dans Marseille ensemble, la dernière fois.
– Yannis, écoute-moi. Yannis !
Il arrête de se lamenter.
– Je vais en parler à ma mère, et on va trouver une solution. D'accord ?
Il ne répond pas immédiatement.
– Je... c'est d'accord.
– Mais ne raconte rien de notre conversation à tes parents. Sinon, ça sera pire. Je te rappellerai bientôt.
– OK. Merci beaucoup, Evan.
– Je te promets rien, mais je vais essayer. Fais bien attention à toi, Yannis. »
Puis je raccroche.
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