La belle cantatrice

- Oh ! Avant ça je voulais te dire autre chose ! Tu n'exprimes pas beaucoup tes sentiments dans ce que tu me racontes.

- Tu trouves ?

- Bien sûr ! s'exclama la jeune fille en face de moi. Comment tu t'es sentie de ne pas revoir ton incarnation ? N'as tu pas angoissé ou été excitée à ta transformation en cauchemar ? Comment vas-tu maintenant ?

Je la fixais, étonnée. Elle ne semblait pas me regarder terrifiée mais plutôt curieuse.

En arrivant dans ce monde j'étais apparue dans cette cellule où elle se trouvait. Personne ne se posait de question sur ma venue, comme si c'était habituel de voir un étranger arriver sans prévenir. Du peu que j'avais vu, ce monde était rempli de débauche et ceux enfermés possédaient tous une paire de menottes aux chevilles ou aux poignets. Ils portaient tous des tenues pour le moins révélatrices et extrêmement usées pour certains.

Au milieu de ce sombre tableau se trouvait cette fille. Elle devait avoir à peine la vingtaine et être une hybride d'un humain et d'un fantôme à vu d'œil. Tout d'abord, ses cheveux étaient coiffés en une tresse épaisse lui arrivant jusqu'au milieu du dos. Son front, habillé de quelques mèches rangées derrière ses oreilles, adoucissait les traits déjà fin de son visage. Celui-ci possédait deux yeux vifs, remplis de tendresse, d'espoir et de curiosité, un nez fin lui donnant un air enfantin ainsi qu'une fine bouche pleine de bonnes paroles. Son aura coloré d'un léger rose pâle n'accentuait que plus sa bonté et ce côté si rassurant qu'elle avait.

- Mais je ne sais pas ce que je peux te dire de plus, lui répondis-je. C'est déjà compliqué de te faire un résumé de tout ce que j'ai « vécu ».

Astrid me regarda boudeuse avant de se mettre à réfléchir, une main sur le menton.

- C'est vrai que je ne sais pas si j'arriverais à résumer chaque fois vingt ans d'aventure dans chaque univers. Mais tu n'as rien d'autre à dire ?

- Non j'ai dit tout ce qui me semble important.

Elle finit par soupirer en venant se mettre à côté de moi. Nous étions déjà assises mais elle s'était mise en face pour m'écouter tandis que je me trouvais adossée à l'un des murs de pierre.

- Hey la cantatrice ! C'est bientôt à toi ! vint hurler une voix près de nous.

C'était un de ces monstres qui s'occupait toujours d'appeler les personnes dans ces prisons. Une fois celui-ci parti je reporta mon attention sur l'hybride.

- Tu crois que j'ai le temps de te raconter mon histoire ?

Je réfléchis et commença à écouter ce qui se disait dans les autres cellules.

« Apparemment un nouveau corps à été retrouvé près d'ici »

Pas ce qui m'intéresse.

« Je te paris qu'elle va encore vouloir se le faire »

Définitivement rien à en tirer.

« Suis moi c'est ton tour »

Parfait. Normalement il y a toujours une vingtaine de minute avant qu'il retourne ici.

Je me concentra de nouveau sur Astrid pour lui inciter à commencer son récit.

- Alors pour commencer notre région est appelée Fellust. Il y a longtemps, monstre et humain régnaient en parfaite harmonie mais un guerre éclata entre les deux races. La guerre perdura pendant plusieurs années sans qu'aucun camp n'en sorte victorieux. Tous les bâtiments étaient réduits en cendre ne permettant plus d'exercer les métiers déjà présents et les habitants partirent dans le mont Ebott pour se protéger du champ de bataille. On ne pouvait rien y construire et l'argent se faisait rare. La monnaie la plus facile à se faire était de vendre son corps alors ça devint vite un métier en vogue. Enfin... certains n'aimaient pas ces façons de penser et sont partis avant que des frontières ne soient installées pour ne pas répandre la violence et les « coutumes » de la région.

J'écoutais en me faisant la remarque que tout devenait vraiment différent d'un monde à l'autre.

- Finalement, après bien des années, je dirais deux générations tout au plus, la guerre se termina. Une paix avait été trouvée par les deux races mais les traces de cette guerre persistent même aujourd'hui. Le sexe se fait plus dangereux. Certains en font des entreprises d'esclaves, d'autre qui ne veulent rien payer violent, souvent les autres tuent les plus riches ou les plus influents, les deux races s'entre-tuent. C'est devenu une banalité. Comme beaucoup ici je suis une enfant non désirée, juste le résultat d'un viol. C'est pour ça que je me retrouve ici.

- Attends tous les enfants abandonnés sont ramenés dans ces cachots ?

- Ce n'est qu'un lieu parmi d'autre mais dans un sens c'est ça. On est de la marchandise facile pour les clubs. Nous sommes utilisés comme danseurs exotiques, esclaves, objet sexuel selon la demande et le prix des clients.

- Il t'oblige à faire ça ?

J'étais offusquée de ce qu'elle me racontait et je ne pouvais pas croire qu'elle vive comme ça.

- Non. Malgré notre misère nous sommes protégés. Les patrons ne veulent pas abîmer leur marchandise alors ils prennent en compte certaine demande. Ceux qui ne veulent pas marcher ainsi peuvent devenir des chanteurs, comme moi. On ne nous touchent pas, on peut seulement nous observer et écouter notre voix.

La regardant de bas en haut dans sa robe lacérée, je savais qu'aucune personne ne devait l'écouter. Je pourrais l'aider à s'échapper de cet endroit mais je ne veux pas agir sur ce monde cependant elle n'a qu'à me le demande et je le ferai sans hésiter.

- Tu es heureuse de cette situation ?

- Qui le serait ? me répondit-elle d'un doux sourire. Je continue tout de même d'y croire.

 - Croire en quoi ?

- En ce monde ! Je sais que nous pouvons se sortir de cette violence si nous le voulons. Ils ne font que suivre des règles soit disant dictées mais on peut y échapper ! J'en suis la preuve vivante, je n'adhère pas à ce mode de vie et je suis prête à le changer pour tous !

Une envie de changement pour un monde meilleur. Je ris un instant sous son regard étonné.

- Ouais. T'es bien une pacifiste dans l'âme toi.

- La cantatrice c'est à toi !

Notre discussion allait reprendre plus tard. Astrid se releva dans un tintement de chaîne et sortit de la cellule que ce chien anthropomorphe venait d'ouvrir. Il me fixa et renifla l'air.

- Le patron ne m'a pas parlé d'une nouvelle odeur. Tu n'as même pas de chaînes.

- Quelle perspicacité ! m'osais-je dire. Je me demandais quand je serai remarquée.

Je me releva et m'appuya sur les barreaux en le toisant du regard également.

- Ne fais pas la maligne. Je vais te faire bosser moi, c'est quoi ton boulot ?

- Cantatrice, répondit l'hybride fantomatique à ma place.

Le geôlier grommela ruminant dans son coin que les cantatrices ne rapportaient rien à part une perte de temps. Il me fit tout de même sortir et se baissa à mes chevilles pour me mettre des menottes.

- Ne serait-ce pas plus intelligent de me les mettre aux poignets ?

- T'es vraiment toute nouvelle toi. Si je t'enchaîne les pieds c'est pour éviter que tu cours. Maintenant avances.

Je marcha au côté d'Astrid tandis que le monstre fermait la marche.

- Alors pourquoi vous ne le faîtes pas avec tous.

- Je t'en poses des questions ? souffla-t-il agacé. Ceux qui choisissent un travail sans baise dans un club de baise sont les plus susceptibles de vouloir s'échapper. Les autres acceptent leur sors alors des menottes aux mains pour éviter de se débattre suffise.

Je le dévisageais ne le croyant pas une seule seconde et il l'avait bien compris.

- Et aussi parce que des chaînes aux pieds c'est pas forcément pratique pour se faire mettre.

La suite du chemin se fit en silence. Nous passions devant plusieurs cellules avant de prendre un escalier en pierre qui nous amenait directement à une grande salle bondée de monde. La salle était plongé dans le noir où seul les lumières des projeteurs éclairaient des scènes sur estrades. On nous fit passer par un chemin entouré d'un grillage pour que personne ne nous atteigne. Celui-ci nous menait vers ces fameuses scènes. Astrid pris la première tandis que je m'enfonçais plus loin dans le chemin pour en atteindre une autre. Sur l'estrade, je pouvais mieux observer le lieu.

Au pied de mon plateau, monstres et humains me regardaient avec convoitise. Ce sont des chiens en chaleur ce n'est pas possible ! Sur les autres scènes, danseuses et danseurs exotiques se trémoussaient au milieu des billets volant pour voir plus de leur corps ou pour en obtenir la totalité après leur représentation. Les spectateurs face à moi commencèrent à s'impatienter et le gardien qui m'avait amené jusqu'ici semblait devenir encore plus méfiant à mon égard. Soudain, un doux son parvint à mes oreilles. Un son mélodieux qui venait effleurer mes oreilles parmi le vacarme produit dans la salle. Dans la direction de ce bruit je vis Astrid, les yeux clos et sourire aux lèvres,  chantant innocemment. On aurait dit qu'elle se trouvait dans un autre lieu et la lumière projetée sur elle traversait légèrement sa forme fantomatique venant créer l'illusion des rayons du Soleil. Un son moins glorieux de mes observateurs me ramena à la réalité du lieu et je me décida finalement à imiter Astrid et chanter.

N'est-ce pas pathétique ? Se retrouver à jouer la bête de foire ?

Oh si. Mais si je n'agis pas comme ce monde fonctionne je pourrais bien le modifier. Heh. On est vraiment au fond du trou pour se parler à soit-même en ce moment.

Ce monde est sans espoir nous ne devons pas chercher à y ressentir de l'empathie.

C'est Astrid qui en ressent. Et puis...

Je reporta mon regard sur la cantatrice et son public. Malgré la foule aux yeux bien trop envieux certains les gardaient clos, se concentrant pour entendre son chant.

Peut-être y a-t-il un espoir.

La belle cantatrice

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