➳ Chapitre 37

~ trois semaines plus tard, veille du spectacle ~

     Je fermai mon sac à dos et vérifiai rapidement que tout était dedans, de mes vêtements pour le spectacle à mes indispensables tels que le déodorant, qui serait notre meilleur ami demain soir et les deux soirs suivants. Un pantalon noir et une chemise blanche ainsi qu'un débardeur blanc y étaient soigneusement pliés : ce sera nos tenues pour la chorale. J'avais appris les quelques chansons de la chorale en un temps record, mais cela avait été facile : nous chantions uniquement les refrains, les couplets étant interprétés par des solistes.

   Une robe blanche en tissu léger y était aussi rangée. Alice avait la même en noire. C'était Mrs. Jackson qui nous les avaient trouvées, comme mes deux autres tenues pour mes deux autres duos. Elle nous avait traîné, par petit groupe non mixtes, dans des tas de boutiques pour que nous essayions des tas de costumes. Et je n'arrivais toujours pas à croire qu'elle m'ait convaincue de porter une robe rouge à franges m'arrivant au premier tiers de ma cuisse – ce que je jugeais un peu trop court par rapport à ce que je portais d'habitude – pour mon duo avec Thomas. Caitlin avait cru me rassurer en me disant que sur d'autres filles, cela aurait fait vulgaire... Là n'était pas la question.

    Quant à ma tenue pour mon duo avec Luke, Mrs. Jackson et Mme Jones, avaient opté pour un pantalon en cuir noir collant et un haut court pailleté qui laissait voir mon nombril. J'ai toujours trouvé ce genre de tenue jolie sur les autres, mais sur moi, c'était différent... Alice m'avait presque insultée parce que j'avais déclaré que cela ne m'allait pas. Et ni Luke, ni Mike, ni personne d'autre n'avait encore vu nos tenues. Nous verrions les tenues de tout le monde le jour J, soit demain.

— J'ai vraiment hâte ! s'exclama Alice, en bouclant son sac tellement rapidement que je crus que sa fermeture éclaire allait se briser.

— Ça sera la première fois qu'on chante sur scène ! me rendis-je compte, avec empressement

— J'aimerais tellement être à demain ! s'impatienta-t-elle, en commençant à faire les cent pas dans notre chambre

— J'ai envie de voir comment on se sent, ce que ça fait d'avoir des milliers de paires d'yeux qui t'observent et t'écoutent ! J'espère m'y sentir bien ! continuai-je, joyeusement

— Et tu as vu nos tenues ? On dirait qu'on est de vraies stars, c'est incroyable ! Même si tu n'es pas à l'aise, tu peux me croire, Mrs. Jackson et Mme Jones ont très bon goût ! se réjouit Alice, en sautillant

— Comme jusqu'à présent tu as toujours eu raison, je vais te croire et te faire confiance, admis-je avec un sourire. En fait, ce sont plutôt les réactions de tout le monde qui m'intriguent, lui avouai-je, un peu gênée par le fait que le regard des autres m'inquiète autant

— Tu n'as pas à t'en faire à ce sujet, franchement, c'est ridicule ! La tenue c'est juste une couverture, un masque et c'est superficiel, et si les gens te jugent là-dessus, c'est qu'ils sont stupides ! Et je pense que ce qui te tracasse le plus, c'est Luke, comme toujours...

— Alice, merci, je... coupai-je, en rougissant un peu

— C'est normal, je ressens la même chose pour Antoine, continua-t-elle, et je sais très bien que demain je me sentirai bête d'avoir pensé à quelque chose d'aussi futile. Alors, prends confiance, tu verras, j'aurai encore raison, termina-t-elle, en m'adressant un sourire affectueux

Je la remerciai d'un sourire soulagé et fus sur le point de lui répondre lorsque qu'une tempête rouge fit irruption dans la pièce :

— Vive demain ! hurla Mike en me saisissant par le main et en commençant à danser n'importe comment

— Et après, c'est moi qui ne sait pas danser... commenta Luke, en secouant la tête

— On va rejoindre les autres ! se réjouit Mike, en me tirant dans le couloir

Nous descendîmes tous les quatre les marches quatre à quatre, déjà euphoriques. Ma joie retomba aussitôt quand, arrivée dans la salle commune, j'aperçus Thomas assis avec Caitlin, Lucie, Gaël et Antoine, qui me lancèrent un regard confus. Curieusement, je vis ça comme un mauvais présage. Luke s'arrêta net, jetant un regard étonné à Caitlin puis à moi ; Alice haussa les épaules et Mike continua son chemin. Thomas avait l'air enclin à engager une conversation : il ne me quittait pas des yeux, et lorsque j'arrivai, il se leva aussitôt :

— Il faut qu'on parle, déclara-t-il d'un ton neutre

— Un bonjour t'écorcherait la bouche ?! rétorqua sarcastiquement Luke, plus rapidement que moi

— Ce n'est pas avec toi que je dois avoir une discussion, répliqua calmement Thomas, c'est avec Emilie. Et en privé, ajouta-t-il

— Si tu veux me dire quelque chose, tu peux me le dire, mais ici et maintenant, intervins-je d'une voix égale, sentant que Luke ou plutôt Caitlin, qui semblaient tout deux bouillir de rage, allait s'insurger.

Une tension était palpable. Rien d'étonnant.

— Comme tu veux. Je m'excuse...

— J'espère bien, commenta Alice, l'interrompant

— Pour tout, termina-t-il, simplement.

Attends Emmy, il s'est comporté horriblement avec toi pendant des mois, et la seule chose qu'il trouve à dire c'est « je m'excuse » ?

— Et c'est tout ce que tu trouves à dire ? lançai-je, en croisant les bras, faisant écho à ma pensée

— Je ne vois pas ce qu'il pourrait dire d'autre, le défendit prudemment Antoine

— Peut-être qu'il ne recommencera plus jamais, qu'il la laissera tranquille, qu'il n'interviendra plus dans sa vie d'aucune manière, qu'il admet avoir eu un comportement ignoble et qu'il aimerait repartir sur de bonnes bases ? suggéra Luke, avec ironie

— Par exemple, opinai-je, en lui souriant

Thomas toussota :

— On peut oublier tout ça et rester amis ?

— Laisse-moi réfléchir, répondis-je, en m'approchant de lui, décidée à lui donner ce qu'il méritait.

Je lui assénai une gifle. Son visage bougea à peine.

— Je l'ai méritée, admit-il

Je lui en donnai une plus forte sur l'autre joue, soulagée. C'était stupide, mais terriblement satisfaisant !

— Celle-là aussi, supposa-t-il

— Maintenant, on peut passer au stade de connaissances, déclarai-je, en lui serrant la main.

Les autres sourirent et Caitlin éclata de rire.

— Depuis le temps que j'attendais ça ! s'exclama-t-elle

— Cette paire de gifles m'a donné faim ! On va manger ? proposa Mike, enthousiaste

— On y va, estomac sur pattes ! répondis-je, en le tirant par le bras.

De nature à détester me disputer, j'étais finalement contente que tout ceci soit réglé. Bien que rester en bons termes avec lui ne changerait absolument rien. C'était un problème de moins, même si je n'avais jamais réellement pensé à le régler moi-même.

🎶🎶🎶

  Se rendre à une salle de spectacle située à l'autre bout de New-York n'était pas de tout repos pour les pieds, mais pour les yeux aussi. C'était un véritable délice pour la vue. J'étais tellement absorbée par le spectacle qui s'offrait à mes yeux que je ne vis pas le lampadaire en face de moi, et me cognai lamentablement le visage dessus, sous les rires de ces traîtres de Luke, Gaël, Mike et Caitlin, ainsi qu'Alice...

— Tu ne t'es pas fait mal, au moins ? s'inquiéta Luke, en deux rires

— Non, merci de t'en inquiéter, répliquai-je, sarcastique, en me frottant le front avec une moue boudeuse

— Attends, c'était improbable ! Tu marchais en regardant le ciel, comme dans les dessins-animés, et tu t'es pris un lampadaire ! Tu es pire que John ! s'exclama Mike, en riant encore plus fort

— Quoi ? John s'est cogné contre une vitre... rappelai-je, en recommençant à marcher.

— Une vitre, c'est en verre, et c'est transparent, rétorqua Luke avec un sourire taquin, par contre, un lampadaire, on est obligé de le voir... C'est tellement grand...

— La preuve que non ! se moqua ouvertement Caitlin

— Imagine si elle se serait cognée contre le rebord d'une fontaine ! Elle serait tombée dedans ! railla Alice

— Ou se serait échouée comme une sirène, ajouta Gaël, en s'esclaffant

— Je dois le prendre comme un compliment ou comme une insulte ? rétorquai-je, amusée

— Comme un compliment, c'est rare que j'en fasse, répondit Gaël

— Un compliment ? s'étonna Luke. Dans la mythologie grecque, les Sirènes sont des monstres mi-oiseau mi-femme qui ensorcèlent les marins avec leur voix... Et plus généralement, ce sont des êtres mi-thon mi-femme, alors ce n'est absolument pas un compliment, ricana-t-il. Je pencherais pour l'insulte, si j'étais toi...

— Sérieusement, Luke, soupira Gaël, tu ne pourrais pas te taire, parfois ?!

— Se taire ? Qu'est-ce que c'est ? Ça se mange ?

— Luke, arrête, même si j'aime te voir perdre toute crédibilité. Maintenant, tu peux être sûr qu'on va analyser chaque compliment que tu feras, prévint Caitlin, en me rejoignant.

Celui-ci renâcla et accéléra en même temps que les autres.

   Caitlin ralentit et laissa un léger écart entre nous deux et les autres. Je regardais bien en face de moi, de manière à pouvoir esquiver les attaques de lampadaires.

— Luke ne changera jamais, râla Caitlin, son sarcasme va finir par lui jouer des tours !

— Si Luke n'est plus ironique, ce ne sera plus lui ! m'esclaffai-je, en l'observant du coin de l'œil

— Oui, mais il devrait faire plus attention quand il l'est avec Gaël. Il semble déjà être taciturne et un peu colérique, alors si Luke en rajoute... Je suis sûre qu'un jour ils auront une dispute. J'espère juste pouvoir être là pour les calmer et éviter que cela aille trop loin.

— Moi aussi, répondis-je. C'est surtout Gaël qu'il faudra calmer, il est un peu impulsif, déclarai-je en me souvenant de ma conversation avec lui

Caitlin eut un petit rire forcé :

— Tu n'as jamais vu Luke énervé... Je n'arrive jamais à le calmer. Mais je dois admettre que c'est extrêmement rare qu'il soit très en colère, il sait très bien se contrôler. Et pour Gaël, eh bien, je ne sais pas, il n'a pas l'air d'être comme ça.

Aïe, Caitlin ne voyait pas qu'il était jaloux de sa relation avec Luke...

— Il me l'a dit. On en a parlé, récemment, expliquai-je en lui souriant

— Oh, fit-elle, ça me désole, j'ai l'impression de mal le connaître. Vous êtes proches, lui et toi ? demanda-t-elle, intéressée

— Comme deux amis le sont, dis-je, avec franchise

Elle hocha la tête et sourit légèrement, tentant de dissimuler son soulagement. Bingo ! Je savais bien qu'il lui plaisait...

   Un silence s'installa entre nous. Automatiquement, mes yeux se perdirent dans les bâtiments et les immenses gratte-ciel, caractéristiques de New-York. Mais mes prunelles, suffisamment rassasiées par l'architecture, s'étaient instinctivement dirigées vers Luke, qui marchait une dizaine de mètres devant nous, au milieu des autres élèves. Tête baissée et mains dans les poches, comme toujours, ses cheveux blonds au vent, comme s'il souhaitait se fondre dans la masse.

— Il te plaît bien, hein ? lança Caitlin, qui avait suivi mon regard

— Quoi ? demandai-je, en sursautant, en sachant pertinemment de qui elle parlait

— Luke, répondit-elle, comme si c'était évident ; il te plaît

— Je... bafouillai-je en rougissant, j'ai vraiment besoin de te le dire ?

— Non, pouffa-t-elle, je voulais juste en avoir le coeur net !

— Et toi ? Gaël, non ? questionnai-je, d'un air suspicieux

   Ce fut à son tour de rougir. Elle passa une main dans ses cheveux frisés. Elle m'avait expliqué ne pas avoir refait son lissage brésilien exprès pour le spectacle. Et elle était encore plus belle comme ça.

— Comment as-tu deviné ?

— Je l'ai remarqué. Tu n'es pas très discrète... me moquai-je, gentiment

— Toi non plus, riposta-t-elle, en riant. Mais, dis-moi, quand comptes-tu lui faire comprendre ?

— Jamais. Je ne suis pas très à l'aise avec ce genre de choses, commençai-je, les joues rouges

— Il faudra bien, il est aussi timide que toi ! commenta-t-elle, surtout pour ce genre de choses, ignorant la première partie de ma réponse

Je lâchai un rire gêné.

— Je ne suis pas assez courageuse pour ça... Je préfère rester dans mon coin...

— Comme tu veux ! répondit-elle en haussant les épaules. Je voulais savoir : comment le vois-tu ?

— C'est-à-dire ? questionnai-je en arquant un sourcil

— Sa personnalité, sa manière d'être..., détailla-t-elle en agitant les mains

— Il est ambigu, moqueur, et surtout malheureux pour une raison que j'ignore encore, mais que je compte bien trouver.

  Caitlin ne releva pas et ne répondit rien.

Quant à moi, je repensais à tout ce que je savais sur lui. Et je me décidai à en profiter pour lui poser la question qui me brûlait les lèvres :

— Caitlin, qui est Adèle ?

— Adèle ? répéta-t-elle, en fronçant les sourcils. C'est l'ex petite-amie de Luke. Ils sont restés ensemble trois semaines l'année dernière avant qu'elle ne déménage en cours d'année. C'était une amourette. Si tu veux en savoir plus, demande à Luke, il te dira qu'il est très vite passé à autre chose. Ce n'était pas le plus important à ses yeux.

Hello ! Comment allez-vous ? :)

Eh voilà, on sait maintenant qui est Adèle... Aviez-vous deviné ?

— Oui, c'était easy. 😒

— Non, je ne voyais pas la chose comme ça. 😬

De plus, Thomas semble vouloir se faire pardonner. Est-ce qu'Emmy va redevenir amie avec lui, ou va-t-elle simplement rester cordiale avec lui ? A sa place, qu'auriez-vous fait ?

Merci d'avoir lu ce chapitre ! 🖤

À très vite !

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