➳ Chapitre 33

— Tenez, dit Mrs. Jackson, d'une voix posée, en nous tendant une feuille à chacun. Je vais d'abord vous faire écouter la chanson avec les voix.

  D'un accord commun, Luke et moi avions décidé que nous serions plus rapides si Mrs. Jackson nous secondait, et nous lui avions demandé de l'aide. Elle avait accepté, et nous avions convenu que nous travaillerions tous les soirs après les cours.

   En réécoutant la chanson, je me rendais bien compte que le plus difficile ne serait pas d'apprendre les paroles, mais de ne pas éclater de rire au beau milieu d'une phrase. Essayer de chanter cette chanson sérieusement promettait d'être un défi. Défi que je relevais, mais que Luke s'amuserait à rendre plus difficile encore.

— Je vous propose d'essayer de chanter en même temps que les chanteurs. Vous vous habituerez plus rapidement ! déclara Mrs. Jackson, toujours aussi calme. Et si vous avez du mal, ne vous inquiétez pas, ce n'est pas en une heure que vous connaîtrez tout parfaitement ! On va juste tout dégrossir, aujourd'hui.

  Plusieurs fois d'affilée, je me concentrai sur la voix de la chanteuse et me plaçait par rapport à elle. Luke faisait de même. Son regard me transperçait à chaque fois que je chantais, et je m'efforçais de l'oublier.

— Émilie, c'est très bien, mais pour les passages où vous êtes à deux, monte plus haut que la chanteuse. Et toi, Luke, c'est très bien aussi, mais laisse ta voix sortir telle qu'elle vient, ne cherche pas à monter trop haut, tu as une voix plus grave que lui.

    Nous hochâmes la tête et recommençâmes plusieurs fois, en tenant compte des remarques de Mrs. Jackson, qui    n'hésitait pas à nous reprendre et à nous motiver si l'un de nous s'énervait en soufflant un « c'est trop difficile pour moi ».

— Rien n'est difficile. Un obstacle est difficile à franchir, mais c'est juste parce qu'on pense qu'il l'est. Il suffit de l'enjamber. L'effort est faible. Comme ici. Vous avez peu de choses à améliorer. Il ne vous reste plus qu'à apprendre les paroles et à vous entraîner. Vous verrez, ce sera parfait ! se réjouit-elle, en nous faisant un sourire réconfortant. Et puis, on a seulement fait une séance ! nous encouragea-t-elle. Passez une bonne soirée !

— Vous aussi !

     Nous quittâmes la pièce en silence. J'étais étonnée qu'aucun de nous n'ait cherché à déconcentrer l'autre. Mais, cela ne saurait tarder. J'étais presque sûre que dès que je connaîtrais tout, je m'amuserais à le distraire...

— On s'en sort pas si mal que ça, se réjouit Luke. A cette vitesse-là, on connaîtra tout par coeur dans deux jours !

— Et il ne nous restera plus qu'à s'entraîner, encore et encore jusqu'à atteindre la perfection ! terminai-je, en lui souriant

— On va tous les laisser sans voix ! s'exclama-t-il

— Je vais plutôt les faire rire aux larmes en te repoussant ! corrigeai-je, imaginant déjà la scène

— J'avais oublié cette partie-là, s'esclaffa-t-il en se grattant la nuque.

🎶🎶🎶

« Tu as intérêt à absolument tout photographier ! » scanda Simon, à l'autre bout de l'appareil, avant de raccrocher, ne me laissant pas le temps de répondre quoique ce soit. Sacré Simon !

Je venais de l'appeler, comme je le lui avais promis, et nous avions parlé de tout et de rien, comme s'il était avec moi. J'en avais profité pour le taquiner en lui parlant d'Aurélie, qui faisait battre son cœur, et il m'avait avoué qu'elle lui laissait peu d'espoir. Mais, mon cher frère ne se décourageait pas pour autant.

« L'espoir est la flamme qui nous fait vivre » avait-il déclaré.

Je traversai la salle commune en y repensant et rejoignis les autres. Simon avait raison : il fallait persévérer et s'accrocher.

— Pousse-toi ! lançai-je, à Mike, qui s'était installé de tout son long sur un large fauteuil pendant ma brève absence

— Tu prends trop de place, se plaignit-il en se décalant.

Je ne répondis rien et m'assis.

— Comment va ton frère ? questionna Luke, intéressé

— Plutôt bien, mais il s'angoisse car les examens approchent à grands pas, expliquai-je

— Je pense que cela ne devrait pas lui poser de problèmes, il se débrouille très bien ! Et puis, il l'a déjà eu l'an dernier !

— C'est Simon, déclarai-je, en haussant les épaules

— Il est exactement comme toi, intervint Gaël

— Toujours à s'inquiéter pour rien, renchérit Luke, un sourire railleur aux lèvres

— Dis donc, Luke, devrais-je te rappeler à quel point tu es anxieux pour chaque cover qu'on filme ? rétorquai-je, amusée

— Tu as raison, lança Caitlin, et tu fais bien d'en parler, car il faudrait qu'on en fasse une autre !

— Après le spectacle, dans ce cas, répondit Mike, car on doit d'abord se concentrer là-dessus. On n'a pas le temps d'apprendre une nouvelle chanson, et Luke et Em doivent travailler leur duo avec Mrs. Jackson.

— Je sais, acquiesça-t-elle, c'est pour qu'on commence à y réfléchir.

— Vous ne faites pas une chanson tous les cinq ? questionna Gaël, en fronçant les sourcils

— Non, apprendre deux chansons en trois semaines est impossible, même si on est rapide, et si on se rajoute en dernière minutes, ce sera nul, répondit Luke

— Dommage.

— On n'aurait pas le temps de faire quelque chose de correct, et en plus, les exposés et les contrôles s'amassent, soupira Mike. Un contrôle en mathématiques, en chimie, en français, en géographie, un contrôle de lecture en anglais, un exposé en espagnol et en sciences. Je ne sais pas pas quand je vais dormir, se plaignit-il. On ne peut même pas commencer demain après-midi étant donné qu'on a une répétition générale !

— On vous aidera, le rassurai-je.

   Ils avaient fait de même pour nous il y a quelques mois, et j'étais sûre que nous pourrions leur faire gagner du temps facilement, surtout en français.

— Ce n'est pas comme si tu avais le choix ! Tu dois aussi passer ces contrôles et ces exposés ! me rappela-t-il

Tous hochèrent la tête et Mike se leva, libérant une place :

— Je vais réviser la chimie, j'en ai bien besoin, déclara-t-il, en soupirant. Et le pire, c'est qu'on mange dans deux heures. Je vais travailler l'estomac vide, se plaignit-il en faisant une moue attristée

— Tu as mangé il y a moins d'une heure, rétorqua Caitlin, mais il ne l'entendit pas. Il était déjà parti.

— Vous n'y allez pas ? questionna Alice, en regardant successivement Gaël, Caitlin et Luke

— Tu ne te débarrasseras pas de moi, répliqua Luke, je resterai collé à toi comme une sangsue !

J'étouffai un rire.

— Tu es jalouse ?! Je ne peux pas me couper en deux, il faudra choisir. D'ailleurs, tu n'es pas venue, la nuit dernière, lança Luke, en me fixant d'un air joueur

— De quoi il parle ? intervint Gaël

— Ne me dis pas que tu lui as fait cette blague ! Tu la faisais déjà à Adèle ! s'exclama Caitlin, c'est lourd !

Adèle ? Qui est Adèle ?

— Qui est-ce ? interrogeai-je.

« C'était elle, A ? Pourquoi ? » pensai-je

— Personne, répondit précipitamment Luke en lançant un regard noir à Caitlin

— Pourquoi je ne la connais pas ?! s'énerva Gaël. J'en ai marre que tu sois aussi incompréhensible ! Plus je te connais, moins j'en sais sur toi...

— Tais-toi ! répliqua Luke, piqué au vif, c'est personnel !

— Gaël, ne t'énerve pas pour ça, tu sais très bien comment est Luke, et... commença doucement Caitlin

— Mais, je ne suis pas énervé, protesta-t-il, calmement. Je ne comprends pas, et Em et Alice non plus. Je suis perdu, c'est tout. Une fois tu me parles d'une et là tu donnes un autre nom, expliqua Gaël à Luke, qui ne paraissait pas être en colère

— Honnêtement, ce n'est pas important, je t'en aurais parlé, mais je comprends, certifia Luke en lui souriant, tandis qu'Alice me contemplait d'un air lassé.

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