➳ Chapitre 28
Luke ouvrit la bouche, scotché. Je venais de leur faire part de la grande nouvelle qui allait au moins les faire jaser jusqu'à notre arrivée à New-York.
— Mais, tu ne pouvais vraiment pas refuser ? demanda Mike, pour la énième fois
— Non, soufflai-je
— Monsieur Ginsique l'a un peu forcée, elle n'a pas vraiment eu le choix, expliqua Alice ; il a dit qu'on représentait l'école, la France, etc...
— Je vois, ce n'est pas du tout stressant, commenta Mike
— Non, absolument pas ! blagua Alice.
Luke me dévisageait, attentif à mes moindres faits et gestes. J'avais la désagréable impression que ses yeux sondaient mon âme.
— En as-tu envie ? demanda-t-il, doucement
— Non, avouai-je, en le regardant dans les yeux, le coeur battant
— Je crois que tu n'auras pas le choix, déclara-t-il, plus brutalement qu'à l'accoutumée.
Je lui jetai un regard surpris. C'était inattendu.
— C'est faisable, ajouta-t-il, simplement
— Luke, commençai-je, si j'avais pu, j'aurais...
— Oui, m'interrompit-il, d'un ton bourru, mais tu n'as pas eu le choix. Et puis, il faut aussi dire que tu n'allais pas étaler ta vie à Monsieur Ginsique, qui de toute façon l'aurait sans doute pris pour une simple histoire d'adolescents en crise, ce qui n'est-...
— Ce que Luke veut te dire ; intervint Mike, le coupant d'un œil noir, c'est que tu ne pouvais pas l'éviter et que tu vas t'en sortir. Ça aurait pu être bien pire.
Ce dernier lui jeta un regard lourd de sous-entendus. Mike lui renvoya un coup de note indéchiffrable. Je regardai Alice, confuse, qui, pour toute réponse, haussa les épaules, incertaine.
Mike finit par tourner la tête à nouveau vers nous et me dit :
— Ce n'est pas la fin du monde. D'accord, tu vas devoir passer plus de temps avec lui, lui parler, mais ce n'est pas non-plus un cauchemar ! Ce n'est pas la mer à boire. Et puis, vous serez encadré.
J'hochai la tête.
— Fais juste attention, rajouta Luke, d'une voix neutre
— Et s'il va trop loin, mets-lui une bonne gifle, il l'aura largement méritée ! s'écria Mike
J'acquiesçai, avec un sourire.
— Par contre, ne le fais pas devant M.Ginsique ! s'empressa de dire Alice ; je crois qu'il ferait une syncope !
Nous commençâmes tous à rire.
— Et puis, de toi à moi, il n'est pas stupide au point de faire un truc débile devant les professeurs, sachant que s'il va trop loin il risque l'exclusion, enchaîna Mike
— Et ça, ça ruinerait ses projets, ajouta Luke
— D'ailleurs, Emmy, tu sais que tu as dit « non » d'une manière un peu trop sèche !? m'informa Alice
— Vraiment ? Je n'ai pas fait attention...
Je me mordis la lèvre. Mince ! Peut-être que j'étais allée trop loin sans que je ne m'en aperçoive...
— Hé, il t'a pardonné, ne t'inquiète pas !
— Tu te rebelles, attention, se moqua Mike.
J'entendis Alice et Luke pouffer. Je soufflai bruyamment et cherchai des yeux un moyen de me défendre. Les racines brunes de Mike me parurent être une bonne option :
— Sans vouloir te blesser ; un rendez-vous chez le coiffeur s'impose, mon cher Michael ! lançai-je
Le rire de Luke redoubla, et celui d'Alice aussi, quand elle aperçut les racines de Mike.
Il croisa les bras d'un air boudeur :
— Tu n'aimes pas mon style, voilà tout !
— Quel style ? le charria Luke
— Tais-toi Blondie ! riposta-t-il, toujours en faisant semblant de bouder. Plus sérieusement, je vais chez le coiffeur pour me les reteindre dans quelques semaines, informa Mike, avec un petit sourire.
Notre conversation « cheveux » se stoppa dès lors, à cause de la sonnerie à Saint-Mathew.
— Bon, eh bien, on va devoir vous laisser, dit Luke
— Oui, deux heures de mathématiques nous tendent leurs bras ! s'écria Mike, en rangeant un livre de sciences
— Et nous serrent contre elles ! renchérit Luke, en fermant son cahier d'un coup sec.
— On se parle bientôt ! lança Alice, avant de mettre fin à l'appel.
Je m'étirai, sentant les os de ma colonne vertébrales craquer.
— Eh bien voilà ! s'exclama Alice, après avoir refermé l'ordinateur ; ce n'était pas si difficile !
— Oui, répondis-je, distraitement, et après tout, ce n'est rien.
La réaction de Luke m'avait un peu troublée, mais ne me dérangeait pas pour autant. Au contraire, j'étais presque soulagée de ne pas être la seule à mal réagir au premier abord.
— Je crois qu'un jour Luke ou Mike arrachera les yeux à Thomas !
— Non ! Je le ferai avant eux ! m'écriai-je aussitôt
— Ah ! Ça, c'est l'Emilie que je connais ! se réjouit-elle, en passant son bras autour de mes épaules, affichant un sourire radieux.
— Et maintenant, descendons rejoindre les autres ! Je prendrais bien un goûter !
🎶🎶🎶
— Bien, vous êtes-vous décidés pour votre chanson ? demanda M.Ginsique.
Mince ! J'avais complètement oublié d'y réfléchir ! Il fallait dire que les révisions pour les contrôles-longs que nous passions la semaine suivante m'avaient submergée. J'espérais que Thomas y avait pensé...
Le professeur avait décidé que nous nous entraînerions à côté des cours, deux fois par semaine au minimum, et à présent, nous devions donner nos choix « officiels », et je n'avais pas même l'ombre d'une idée. Chouette Em, tu vas encore te ridiculiser.
— J'ai pensé à « Time Of My Life », fit savoir Thomas
— Moi aussi ! dis-je, un peu précipitamment.
Thomas arqua un sourcil. Eh... voilà.
— Dirty Dancing est un de mes films préférés, argumentai-je
— Vraiment ? Je ne le savais pas, lança Thomas, d'un air sceptique
— Eh bien maintenant, tu le sais ! rétorquai-je, agressivement
Je n'avais pas menti. Pas vraiment. J'aimais bien le regarder avec ma mère étant plus jeune, lors de nos après-midis « filles », tout comme Footloose.
M.Ginsique toussota :
— Donc, vous prenez celle-là, supposa-t-il
— Oui, répondîmes-nous, en choeur.
— Très bon choix, sourit le professeur.
Il nota sur sa feuille nos noms suivis de celui de la chanson.
Cette chanson était une chanson d'amour. Elle était l'apothéose du film. Il allait falloir que je m'entraîne sérieusement, si je voulais pouvoir transmettre des émotions, ressentir la mélodie et les paroles. Je ferai abstraction de Thomas.
— Bien, reprit le professeur, Alice et Emilie, restez-vous sur Skyfall ?
— Bien-sûr ! s'écria Alice
— Et on a déjà commencé à travailler dessus, ajoutai-je
— Vraiment ! J'ai hâte de vous écouter ! se réjouit-il. Et toi, Antoine, qu'as-tu décidé de faire ?
— Je ne sais pas, avoua-t-il, à vrai dire, j'avais pensé à un medley de dessins-animés, comme je suis fan de cet univers, mais je ne...
— Excellente idée ! l'interrompit M.Ginsique. Vous devriez vous mettre à plusieurs dessus ! Oh ! s'écria-t-il, vous devez tous impérativement le faire avec vos correspondants ! Un grand groupe ! Le symbole des liens unissant la France et les Etats-Unis ! s'extasia-t-il. J'en parlerai à ma collègue américaine ! Bravo Antoine !
— Merci, répondit-il, un peu gêné de voir notre professeur s'emballer de la sorte.
— Tu ne veux pas faire de duo ? Ce serait dommage qu'on t'entende si peu, enchaîna M.Ginsique.
Un sourire éclaira le visage d'Antoine.
— Pourquoi pas ? admit-il joyeusement, en remettant en place ses cheveux noirs
— Voyons, réfléchit le professeur, en nous passant en revue. Ah ! Thomas ! Fais-tu autre chose que le duo avec Emilie ?
Le visage d'Antoine se décomposa et je retins un gloussement, tant la moue révulsée d'Antoine était à mourir de rire.
— Non, monsieur, répondit Thomas, l'air ravi
— Parfait ! Alors, que diriez-vous de chanter ensemble ? proposa le professeur enjoué
— Ça me va, acquiesça Thomas, satisfait
— Je suppose que je n'ai pas le choix, chuchota Antoine, à côté de moi
— On sera deux dans cette galère, marmonnai-je avec un petit sourire taquin.
Il hocha la tête avant de dire à haute voix qu'il était d'accord.
— Que chanterons-nous ? questionna Thomas
— Pas une chanson d'un film guimauve en tout cas ! l'apostropha de suite Antoine
— Ne vous en faites pas, les garçons, je m'en occupe ! les informa un M. Ginsique réjoui.
J'observai un instant les deux garçons : Antoine essayait d'avoir l'air enjoué, mais ses yeux bruns traduisaient sa déception. Quant à ce cher Thomas, il aurait pu sembler réellement content, si ses yeux verts ne luisaient pas de volupté. Peut-être que mon inimitié envers lui brouillait l'image qu'il redonnait.
Je constatai alors avec grand plaisir que je ne le trouvais plus attirant du tout. Banal et malheureux seraient les bons mots. Banal car il n'a rien de spécial, et malheureux car il ne sera jamais heureux dans sa vie de cette manière.
— Pourquoi regardes-tu Thomas de cette manière ? interrogea Alice, méfiante
— J'essaie de décrypter son âme et sa conscience, lui murmurai-je, et je n'arrive pas à déterminer s'il joue la comédie ou pas...
Alice roula des yeux :
— On s'en fiche ! Le plus important, c'est que...
— Je veux connaître son état d'esprit ! l'interrompis-je. Je vais tout de même chanter avec lui. La cohésion sera importante, rien ne devra transparaître et plus je connais son état d'esprit, plus je peux m'adapter.
Elle rejeta ses longs cheveux blonds et roses en arrière avant de soupirer :
— Demande à Antoine.
Ce dernier, juste à côté de moi, lança :
— Habituel ; il agit comme si rien ne s'était produit, comme toujours. Je crois qu'il fait un peu l'autruche.
— Oh, laissai-je échapper, et comment vais-je devoir agir ? m'enquis-je
Antoine haussa les épaules :
— Fais comme moi. Parle-lui le minimum possible et fais comme si de rien n'était. Ah, et essaie de ne pas montrer ta déception comme j'ai pu faire il y a quelques minutes...
— D'accord.
Après tout, peut-être qu'il me laissera tranquille ? pensai-je. Je me fais peut-être un sang d'encre pour rien, ajoutai-je, intérieurement. Enfin, à haute voix...
— Oui, ne t'inquiète pas, me glissa Antoine, il ne parle plus que de Lise, m'informa-t-il. Mais, si cela peut te rassurer et surtout te tranquilliser, j'ai réfléchi à son sujet.
— Je t'écoute.
— Je crois qu'il a réellement éprouvé quelque chose pour toi, au début. J'entendais ton nom à tout bout de champ. Je le connaissais quand même assez bien, et pour cela, il n'aurait jamais pu jouer autant la comédie.
Je fus soulagée d'apprendre cela. Finalement, je ne m'étais pas complètement faite avoir. En grande partie, certes, mais pas entièrement. Oh, il avait cependant prétendu le contraire.
— Je crois qu'ensuite, sa volonté de devenir quelqu'un l'a aveuglé et corrompu, intervint doucement Alice
— Je ne reconnaissais plus mon meilleur ami, ajouta Antoine, en secouant la tête.
Me sentant un peu mal par rapport à cela, je m'empressai d'ouvrir la bouche, répétant ce que j'avais déjà avoué mille et une fois :
— S'il vous manque, allez le voir, allez lui parler. Cela ne m'importunera pas. Je ne serai peut-être pas aussi proche avec lui qu'au début de l'année, c'est tout.
— Non, Emmy, souffla Antoine ; je t'ai déjà dit et répété que ses actes étaient inacceptables. Ne te sens pas mal vis-à-vis de nous.
— C'est à lui de revenir vers nous et de s'excuser, au minimum, attesta tristement Alice.
J'hochai la tête, peu convaincue.
— Je le connais bien ; continua Antoine, en souriant ; je suis sûr que l'ancien Thomas refera surface un jour
— J'espère que tu as raison, murmura Alice
— Moi aussi.
Les mots d'Antoine me laissèrent néanmoins sceptique.
— En attendant, Clara le trouve toujours aussi insupportable, déclarai-je à mi-voix à mes deux amis. Elle s'en plaint souvent. Elle ne l'aime pas, elle dit que quelque chose cloche.
Ils dirent oui de la tête.
— Il faut qu'on avance, et qu'on arrête de revenir sans arrêt à cela, lança Antoine. Au fait, je ne vous ai pas demandé ; comment vont Mike et Luke ? questionna-t-il, changeant radicalement de sujet
— Oh, ils vont bien, répondit Alice, après m'avoir jeté un regard en biais
— Et vous leur avez dit pour ... euh ... le duo ? À leur place, je serais venu à la nage jusqu'à Paris. Ce sont quand même eux qui ont découvert le pot aux roses !
— Oui, la semaine dernière ; le soir même, affirma tranquillement sa petite amie
— Comment l'ont-ils pris ? interrogea Antoine
— Mike a réagi comme Alice, informai-je, et Luke, hum, un peu comme moi, risquai-je, c'est-à-dire-...
Je m'interrompis rapidement, sentant une douce chaleur naître au creux de mon dos. Pourquoi diable le seul fait de prononcer son nom me faisait cet effet-là ? Oh, calamity.
— C'est-à-dire... ? répéta Antoine, m'incitant à continuer
— Eh bien, argua malicieusement Alice, je dirais simplement que je ne le laisserais pas seul avec lui !
Elle éclata d'un rire bruyant, et Thomas me regarda d'un air interrogatif. Je ne trouvai rien à ajouter et détournai les yeux.
— Oh ! s'exclama Alice à l'attention de Thomas, ne la regarde pas comme ça, c'est de ta faute si on ne peut pas te laisser seul avec Lulu Vroumette !
— Oh, Ali, murmura Antoine en portant sa main à son front, tandis que j'éclatais de rire, imaginant maintenant une tortue aux yeux bleus et aux macarons orange gazouillant avec la voix de Luke
— Très drôle Alice, commenta simplement l'intéressé, sache que je pourrais très bien rester seul avec lui un bon moment ; j'ai un paquet de questions à lui poser. D'ailleurs, quand on est respectueux, on ne parle pas en mal d'une personne en sa présence !
— Bien que tu n'aies pas tort, tu es plutôt mal placé pour parler de respect, rétorquai-je aussi dédaigneusement que je le pus, tentant de m'inspirer du ton qu'employait parfois Lise.
Visiblement, c'était raté car Thomas avait haussé un sourcil et me jaugeait d'un œil hilare. Comme dirait ma grand-mère : chenapan ! Tant pis pour mon envie de le mépriser. Après tout, ce n'est pas mon genre. Je croisai les bras sur ma poitrine :
— Dis-moi, quelles questions aurais-tu à lui poser ? repris-je. Étant donné que tu-...
— Ah, Emilie, viens voir ici ! Thomas aussi ! s'exclama alors la voix de M. Ginsique, me coupant dans mon élan.
J'obéis et le rejoignis à son bureau, songeant que Thomas bluffait peut-être au sujet de Luke. Peut-être qu'il ne savait rien du tout. M. Ginsique nous donna nos textes et me prévint qu'il me ferait répéter ma partie solo de Happy Day.
— Ils t'ont prévenue, non ? termina-t-il
J'hochai la tête, priant pour réussir. Oh ça oui, ils m'avaient prévenue.
Nous devions travailler d'arrache-pied, si nous voulions être opérationnels pour mi-mai, et j'espérais que le travail me ferait oublier mes petits problèmes d'adolescente, et surtout accélèrerait le temps. Je n'étais montée sur scène qu'à de rares occasions, à l'école primaire principalement car je m'étais faite discrète au collège, et l'opportunité de goûter à la scène me rendait toute effervescente.
FIN DE LA PARTIE 1.
✧
Hey ! Comment allez-vous ? :)
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
La partie 2 commencera 2 mois plus tard, soit la veille du départ d'Emmy pour New-York ;)
À très vite !
Honey <3
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top