➳ Chapitre 22

Une semaine s'était écoulée depuis que nous avions fini de composer, et après avoir vérifié le tout, les professeurs avaient décidé d'enregistrer les chansons avant le départ de nos correspondants. Mon coeur s'était serré, quand je m'étais rendue compte qu'ils partaient en fin de semaine.

C'était ce à quoi je pensais, alors que nous nous rendions à pied à un studio d'enregistrement.

   Je m'étais attachée à Mike très rapidement, et j'en venais à le considérer comme mon meilleur ami. Quant à Luke, j'étais également très proche de lui. La séparation serait difficile, déchirante.

— A quoi penses-tu ?

La voix de Mike me tira de mes pensées.

— Vous partez déjà à la fin de la semaine, soupirai-je

— Je sais, mais il nous reste quelques jours, me consola-t-il

— Cela va être vide, sans vous ! dis-je, tristement

— Arrête, j'ai l'impression d'avoir Luke en face de moi ! se plaignit-il.

Il se pencha et embrassa ma joue :

— Allez, Emmy, souris ! On va au studio d'enregistrement, aujourd'hui, me rappela-t-il, en me frottant le dos

— C'est vrai, souris-je

— Et c'est à cause de cela que nous nous sommes levés plus tôt, gémit-il

— Et que tu n'as pas eu toutes tes heures de sommeil, termina une voix, comme à ton fameux réveil

Je me retournai pour apercevoir des cheveux bruns et des yeux verts. Thomas. Sa déclaration nous fit taire. Il marchait, seul, derrière nous.

Mike lui jeta un regard noir.

— Comment vas-tu, Emilie ? questionna Thomas, avec nonchalance.

Je me tournai vers lui et lui fit mon plus beau sourire :

— On ne peut mieux !

— Vraiment ? demanda-t-il, avec un petit sourire

— Vraiment. C'est incroyable à quel point ne plus être avec toi du tout me fait nager dans le bonheur, affirmai-je, avec franchise.

Il me semble que je n'aie jamais été  aussi honnête avec lui. Son sourire s'effaça et Mike s'esclaffa.

— Quelqu'un t'intéresse, en ce moment ? reprit-il, tenace

— Ça ne te regarde pas. Pourquoi ?

— Par simple curiosité.

J'haussai un sourcil. S'il croyait m'avoir...

— Absolument personne ? insista-t-il

—Elle t'a déjà répondu ! lança Mike, énervé

— Et, tu ne m'auras pas une seconde fois, ajoutai-je

— Je ne vois pas de quoi tu parles, répliqua-t-il

— Je pense que tu sais très bien de quoi je parle. Eloigne-toi de moi, dis-je, froidement, tu t'en sortais très bien jusqu'ici.

Il leva ses deux mains en signe de capitulation et rajouta :

— Je voulais juste te prévenir que je sais ce que tout le monde cache, et que personne n'avait jugé utile de t'en parler. Bonjour la confiance !

Il l'avait dit en regardant successivement Luke, puis Mike. Ce dernier le fusilla du regard.

— Je ne crois pas, rétorqua Mike, agacé, et quand on ne sait pas ce que veut dire le mot « confiance », on se tait !

— Oh si, susurra Thomas, fier de lui.

Mike leva les yeux au ciel et accéléra, me tirant par le bras.

— De quoi parlait-il ? risquai-je, en sachant pertinemment qu'il ne me répondrait pas

— Ce n'est pas à moi de t'expliquer, déclara simplement Mike, le regard fixé sur Luke ; mais ce n'est pas une question de confiance.

A mon tour, je regardai Luke. Il marchait, tête baissée, avec Alice, Antoine et Caitlin, les mains dans les poches. Il avait l'air nerveux.

   Tout le groupe se stoppa : nous étions arrivés. Nous entrâmes dans un grand bâtiment muni de petites fenêtres et de murs rouges. Monsieur Ginsique nous fit entrer dans une large pièce au sol gris et aux murs noirs.

— Bien ! commença-t-il, nous allons nous séparer ! Emilie, Alice, Antoine, Thomas et Lucas, venez ici !

Je me détachai du groupe et me dirigeai vers le professeur, suivie de près par Thomas, rejoignant les autres.

— Parfait, vous restez avec moi. Les autres, vous allez attendre ici ; je viendrai vous chercher quand on aura besoin de la chorale, annonça-t-il.

   Mike nous fit un signe de la main et nous suivîmes le professeur dans un long couloir tapissé de murs noirs. Le trajet se déroulait dans le silence. Plus nous avancions, plus la boule que j'avais dans l'estomac grossissait. J'avais la bouche sèche, et je peinais à avaler ma salive. Je jetai une oeillade à mes camarades : Thomas était impassible, Antoine et Alice s'appliquaient à respirer calmement, et Luke avait le teint livide. Il jouait nerveusement avec un fin bracelet sur son poignet. Inquiète, je m'approchai de lui, en respirant calmement.

Lorsqu'il me vit, il écarquilla les yeux :

— Em ! Tu es blanche comme un lavabo ! s'exclama-t-il

— Ça va, ne t'inquiète pas pour moi, le rassurai-je, mais toi aussi tu es tout pâle !

Il se gratta la nuque :

— C'est fort possible, admit-il, avec son sourire au coin, mais tu es bien plus ...

— Ça va aller, nous interrompit Monsieur Ginsique. Lucas, même si tu représentes les États-Unis à toi tout seul, tu n'as pas à t'inquiéter ! Idem pour toi, Emilie. Vous êtes mes deux piliers, mes deux plus belles voix, alors si vous paniquez, comment voulez-vous que les autres ne s'angoissent pas ?

Luke et moi hochâmes la tête, peu convaincus. Voilà qui était rassurant...

— Dites-moi, reprit Monsieur Ginsique, lequel d'entre vous, les garçons, nous quittera ? Car, conformément au scénario, l'un d'entre vous « meurt », alors qui se désiste ? Non, Lucas, toi, tu restes ; j'ai besoin de ta voix ; vous vous accordez parfaitement, toi et Emilie !

— Luke, corrigea ce dernier, et merci, ajouta-t-il, en rougissant

— Bien, Luke. Alors, lequel d'entre vous ? questionna le professeur, en se tournant vers Antoine et Thomas.

Les deux intéressés se regardèrent puis reportèrent leurs yeux sur notre professeur indécis.

— Choisissez, répondit abruptement Thomas, d'une voix neutre.

Monsieur Ginsique se gratta le crâne, embarrassé.

— Antoine ? Je suis désolé, j'aurais préféré que vous choisissiez vous-même, s'excusa-t-il.

Antoine haussa les épaules :

— Comme vous voulez, déclara-t-il, simplement.

J'aurais préféré qu'il choisisse Thomas. Non pas parce que je ne l'appréciais pas, mais parce qu'au niveau de la cohésion de groupe, cela aurait été mieux s'il était parti. Je n'arrivais pas à me comporter amicalement avec lui, tout comme Luke et Alice.

  Je fis le reste du trajet aux côtés de Luke ; Alice et Antoine marchaient devant nous, et Thomas fermait la marche.

  Nous entrâmes dans une pièce où trônaient fièrement cinq micros et cinq casques. Les murs étaient entièrement vitrés. La pièce semblait spacieuse et donnait une impression de vertige. Seul le sol était noir. Plusieurs néons éclairaient la pièce, renforçant l'illusion de grandeur et de largeur.

  En face des micros se trouvait une vitre derrière laquelle se cachait un responsable du son.

   Monsieur Ginsique nous expliqua qu'on s'échauffera d'abord la voix, puis qu'ensuite, nous enregistrerons. Mais avant, nous devions enregistrer les chansons. Il nous emmena alors dans une autre salle aux murs rouges où trônaient une batterie, un piano, un synthétiseur, deux basses électriques, deux contrebasses, une harpe et deux guitares électriques.

— Je vais chercher les autres musiciens. J'avais complètement oublié ! Je reviens dans un instant, nous informa M. Ginsique

— Ah ! Je stresse ! rouspéta Alice, une fois qu'il fût parti

— Tu ne devrais pas, tenta Antoine, pour l'apaiser

— Même pour nos covers je ne stressais pas autant ! pesta-t-elle

— Des covers ? interrogea Thomas

— Rien qui ne soit tes affaires, soupira Antoine

   Fort heureusement, Thomas n'eut pas le temps de répondre : Monsieur Ginsique venait d'arriver, presque en courant avec Mike, Caitlin, et les autres musiciens.

— Oh, génial ! s'écria Mike en voyant les basses

— Allez, tout le monde en place ! Michael, à la basse électrique ! Marceline, à la basse acoustique, Carole, à la basse semi-acoustique ! Caitlin, au synthétiseur ! Judickaël, au piano ! Antoine, à la clarinette ! Alice, à la batterie ! Ludovic, au violon ! Yann, à la flûte ! Emilie et Luke, à la guitare électrique ! Victoire, à la contrebasse ! Et pour finir, Orphée, à la harpe !

   Nous nous empressâmes d'obéir. Je pouvais à nouveau voyager sur ma barque.

🎶🎶🎶

Antoine nous avait quittés il y a peu de temps, rejoignant la chorale, qui faisait quelques interventions. Nous étions en train de chanter la chanson que nous avions composée, Luke et moi.

Et c'était seulement en chantant les paroles que je me rendais compte à quel point elles me fendaient le coeur. Elles me frappaient de plein fouet. J'avais l'impression d'être moi-même un personnage. Nous ne faisions qu'un. Il souffrait, je souffrais. J'en avais les larmes aux yeux.

Je tournai la tête et croisai le regard de Luke. Ses yeux océan étaient embués.

J'avais envie de le serrer dans mes bras, tout comme Alice qui était dans le même état,

Il ferma les yeux quand ce fut à son tour de chanter.

L'émotion perçait sa voix et la rendait encore plus attrayante. Malgré mon casque, je pouvais l'entendre.

Je voulais que ce moment dure une éternité, je ne voulais pas qu'il parte, ni lui, ni Mike, ni personne.

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