➳ Chapitre 2

— Bien ! commença Misses Jones, notre professeure d'anglais afin d'obtenir le silence. Comme vous le savez, vous aurez des correspondants. Pour ce faire, vous allez compléter vos profils pour que nous puissions trouver quelqu'un qui vous ressemble, et que les mésententes soient limitées.

   Elle distribua des feuilles. Nous n'étions qu'une vingtaine dans la salle. Le lycée avait sélectionné sur dossier et lettre de motivation celles et ceux qui participeraient à l'échange. J'avais eu de la chance. Beaucoup.

— Donc, reprit-elle, vos correspondants arriveront mi-novembre et repartiront mi-février. Vous, vous irez là-bas mi-mai et repartirez mi-août.

— Mais comment va-t-on faire pour la comédie ? demanda une voix

— Je m'arrangerai avec vos professeurs, ne vous inquiétez pas. Lise, c'est bien ça ?

— Oui, répondit celle-ci. Elle avait de grands yeux bleus -semblables aux miens pour ce qui était de la couleur- et de longs cheveux rouges ondulés qui lui donnaient un petit air rebelle.

  Je jetai un oeil à la feuille qu'il fallait remplir : nom, prénoms, date de naissance, lieu où l'on habite, activités extrascolaires, métier que l'on souhaite faire, repas préférés, loisirs, habitudes, etc...

Quelques dizaines de minutes plus tard, les feuilles étaient ramassées et formaient un petit paquet sur le bureau. Nous dûmes écrire une petite présentation de nous même sans donner notre nom et la mettre dans un chapeau, pliée. Chacun dût tirer au sort une présentation, la lire tandis que la classe tentait de deviner. Dès que quelqu'un trouvait, il piochait un nouveau papier. Par chance, j'échappai à cela. Hors de question que tout le monde me regarde bizarrement.

— J'espère qu'ils trouveront quelqu'un qui me ressemble ! dis-je à Alice en sortant de la salle.

Alors que celle-ci allait me répondre, Lise l'interrompit brutalement :

— Honnêtement, ça m'étonnerait qu'ils trouvent quelqu'un comme toi ! J'ai vu une partie de ton profil, un conseil, ne rêve pas trop ! Tu as menti pour avoir un profil comme ça !

Sur ce, elle tourna les talons.

— Mais pour qui elle se prend ? s'exclama Alice, tandis que j'écarquillais les yeux

— Excusez-la, elle n'est pas toujours gentille, fit une voix fluette

— Ça, tu peux le dire ! lui rétorqua Alice

— Moi, c'est Clara, reprit la jeune fille. Elle avait de longs cheveux châtains clairs et des yeux marrons.

— Vous verrez, avec le temps, elle sera plus sympa.

— J'espère ! lui répondis-je.

Clara me sourit avant de s'éloigner en sautillant.

— Elle a l'air plutôt gentille.

— Qui ?

— Clara ! Pas Lise ! s'écria Alice, avant de partir en direction de la salle de musique, tandis que je la suivais.

— Je ne comprends pas, j'ai juste répondu aux questions... J'ai le droit d'être intéressée par toutes les formes d'art sans exception, expliquai-je à ma colocataire, toute penaude

— Bien-sûr que oui ! Moi je suis bien intéressée par la tattoologie ! À mon avis, cette Lise n'est rien d'autre qu'une petite peste écervelée jalouse !

— Jalouse ? On ne peut pas être jalouse de quelqu'un sans le connaître, réfutai-je

Alice haussa les épaules.

— Tout est possible, soupira-t-elle.

   Vite, nous traversâmes la cours et nous engouffrâmes dans le bâtiment mauve. Les escaliers furent montés quatre à quatre, et nos places choisies aussi rapidement. Notre professeur, Monsieur Ginsique, cheveux grisonnants, se présenta brièvement. Il se souvenait de la prestation de certains durant les auditions.

Il décida de nous faire chanter un par un, pour qu'il puisse vraiment voir « qui a du potentiel ». Tout ce que je voulais éviter.

J'aperçus Clara au fond de la salle. Elle me fit un sourire. Lise, à côté d'elle, me lança un regard noir. Mais qu'est-ce qu'elle avait ? Je décidai de laisser tomber. Elle leva la main :

— Nous sommes tous obligés de chanter séparément? demanda-t-elle, parce que, Clara et moi, nous voudrions faire partie de la chorale, continua-t-elle, et...

— Non, toi et Clara n'êtes pas obligées, l'interrompit M. Ginsique.

Toutes deux hochèrent la tête.

  Le premier élève monta sur l'estrade et s'installa au micro. Lui savait parfaitement poser sa voix ; j'en étais ébahie.

D'autres élèves passèrent puis ce fut au tour d'Antoine. Il chantait vraiment très bien, mais il expliqua à M.Ginsique qu'il ne souhaitait pas faire du chant son métier, qu'il voulait être musicien professionnel, mais qu'il était d'accord pour faire des solos...

Puis, ce fut au tour de Thomas. Alice me chuchota qu'il avait une voix magnifique. Je n'eus pas le temps d'y réfléchir : elle avait raison, Thomas chantait merveilleusement bien.

   Ce fut ensuite  le tour d'Alice, qui fit une prestation incroyable. Le professeur l'applaudit et la félicita longuement, avant de m'appeler. Aïe.

      Je me levai et commençai à chanter, un peu nerveuse. Puis, je montai sur une petite barque. Elle descendait un fleuve calme qui commença à s'agiter. Quelques remous faisaient tanguer la barque. A ma grande surprise, Alice commença à m'applaudir au rythme de la musique. Je la regardai, troublée. Elle me fit un clin d'œil pour m'encourager. Maintenant, la vieille barque affrontait le torrent. Elle allait se retourner ! D'autres élèves suivirent rapidement son exemple ; ce qui me donna davantage confiance en moi. J'entendais dès à présent le bruit de la cascade. La barque allait s'écraser ! Non, elle était bien plus solide que ça ! Elle résista vaillamment avant de se briser sur les roches. A la fin du morceau, je reçus un tonnerre d'applaudissements de toute la classe. Et ma barque ? Je me tournai vers mon professeur, un peu confuse. On me répétait toujours que je ne savais pas poser ma voix.

— C'était juste fabuleux ! me complimenta M.Ginsique, tu m'avais déjà épaté à l'audition mais alors  là... C'est à la limite de la perfection ! Te rends-tu compte du succès que tu aurais, en particulier si tu formais un groupe avec d'autres élèves comme Alice ?

      Je rougis face à ce compliment et retournai à ma place, gênée mais fière de moi. Jamais, au grand jamais, on ne m'avait parlé ainsi. Mon rêve ne m'avait jamais paru aussi réalisable. Si les autres au collège avaient entendu M. Ginsique.

🎶🎶🎶

— Émilie ! Émilie ! m'appela Thomas, alors que je rangeais mes affaires.

Je me tournai vers lui. Il me sourit avant de dire :

— Je n'avais jamais entendu une voix aussi belle...

Puis il s'éloigna, ne me laissant pas le temps de répondre.

— Je suis sûre qu'il t'aime bien, lâcha Alice, derrière moi.

— Alice, on se connaît à peine, soupirai-je

— Je sais, mais j'ai raison ; tu verras, me dit-elle avec une lueur indéchiffrable dans les yeux.

— Sans doute, sans doute, ironisai-je, pour rentrer dans son jeu

Mais elle fixait les escaliers par lesquels il était descendu.

   Thomas et moi n'étions qu'amis. Et encore, amis était déjà un grand mot. Connaissance serait plus approprié. Comme Antoine, Lucie, Emma ou même Alice. Ce genre de choses ne tarderait pas à m'agacer... et c'était même déjà le cas.

  Je me tournai vers Alice pour lui asséner une pique asséchante, mais son air perdu me laissa coite. A la place, je lui proposai d'aller prendre un rapide goûter à la cafétéria.

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