➳ Chapitre 1
Le lycée Sainte-Cécile était un lycée d'excellence dans lequel les Arts avaient toute leur importance : architecture, littérature, danse, musique, arts de la mode, théâtre, et caetera. Il y avait de tout. Y entrer n'était pas simple : en plus de devoir par exemple passer une audition pour la musique, il fallait avoir un dossier scolaire exemplaire. C'était un peu le Poudlard français, sauf qu'on n'y apprenait pas la magie. C'était comme ça que je me l'imaginais. On y recevait un enseignement général avec en plus des cours dans la discipline artistique choisie. Je connaissais par coeur le prospectus du lycée tant je l'avais lu, relu et épluché dans les moindres détails. J'en avais rêvé de cette école.
Je poussai la porte de la voiture et en sortis, observant les lieux autour de moi. En quatre mois, rien n'avait changé. Les érables plantés dans la cour et le macadam sur lequel quelques chewing-gums étaient collés. Je remarquai alors que les quatre bâtiments étaient blancs du côté de l'extérieur, et rouge, jaune, vert, bleu et mauve côté cour. C'était comme si Sainte-Cécile murmurait son austérité au monde extérieur et sa chaleur à ceux qui étaient dignes d'y entrer... Voilà qui était plutôt clair !
Mon admission et ma rentrée dans ce lycée sonnaient comme un nouveau départ, un renouveau. Je repartais à zéro mais pour la bonne cause. Tel Pâques apportant l'espoir aux milles couleurs pastels, Saint-Cécile m'offrait une chance, bien que les prochaines couleurs au rendez-vous seraient fauves... Simon me tira de ma rêverie :
— Tes affaires ne vont pas descendre toutes seules avec leurs petites pattes !
— Encore la tête ailleurs, hein ? sourit ma mère, tandis que mon père sortait ma –grande– valise du coffre.
Mes parents, ainsi que mon frère avaient tenu à m'accompagner jusqu'à Paris. Je les comprenais, je n'allais pas les revoir avant les vacances de la Toussaint...
Sainte-Cécile disposait d'un internat pour les élèves n'habitant ni Paris ni ses alentours. Venant de Lyon, il était compliqué pour moi de faire un aller-retour tous les jours... En seconde, nous étions obligatoirement par deux et nous ne pouvions pas choisir. Néanmoins, nous avions dû répondre à un questionnaire sur nos habitudes afin que l'on soit avec quelqu'un qui nous ressemble.
Mes parents et Simon me laissèrent à l'entrée de la cour. La séparation fut plus difficile que ce à quoi j'avais pensé. Ma mère me serrait dans ses bras, me souhaitait bonne chance, me disait que je devais y croire, qu'elle était fière de moi... Mon père faisait de même et le rire me gagna lorsque Simon me fit jurer de lui envoyer une photo de ma coloc' si elle était sympa... et surtout si elle était belle !
« Belle à l'extérieur et à l'intérieur ! » précisa-t-il.
Puis, je les regardai partir avant de me diriger vers l'accueil pour demander ma clef, songeant que je ne saurai pas tout suite si sa beauté intérieure est importante. J'ignorai la boule dans ma gorge ainsi que les larmes qui menaçaient de couler sur mes joues. J'étais toute seule, sans aucun repère. D'autres élèves arrivaient en masse et me regardaient étrangement. Autant écrire « nouvelle » sur mon front. Je m'avançai vers le comptoir.
— Studio n°326, indiqua la secrétaire, troisième étage, ajouta-t-elle, un sourire aux lèvres.
Je la remerciai puis allai jusqu'à l'ascenseur. Par chance j'étais seule. Une fois les portes refermées, je laissai enfin mes larmes couler. Les sentir dévaler le long de mes joues eut le mérite de me soulager un peu. Arrivée au troisième étage, je repris contenance et commençai à chercher ma chambre dans un long couloir affublé de portes en bois identiques. Finalement, j'arrivai devant une porte portant l'inscription 326 en lettres dorées. Je me plantai devant et hésitai un instant : frapper ou rentrer tout de suite ? On ne m'avait pas dit si ma « colocataire » était arrivée. Clés en main, je décidai de frapper.
Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit sur une grande jeune fille dotée de longs cheveux blonds parsemés de mèches roses, avec de grands yeux bruns. Elle avait l'air originale et cela me plut beaucoup.
— Salut ! s'exclama-t-elle, un grand sourire aux lèvres, je m'appelle Alice, tu dois être Émilie? continua-t-elle, toujours souriante
— Oui, c'est moi, lui répondis-je, un peu plus timidement mais souriant tout de même
— Allez, entre !
Sur ce, elle me fit rapidement visiter. Sa gaieté était contagieuse ! Notre studio était plutôt vaste : il y avait 4 pièces. Un salon, deux chambres avec chacune deux lits -ce qui était étonnant; nous n'étions que deux-, et une salle de bain. Le salon était assez petit mais était pourvu d'une table basse et d'un canapé. C'était « parfait pour les soirées pyjamas » selon Alice, et j'étais d'accord avec elle. Pour la salle de bain, il y avait une douche, un lavabo avec des étagères et des toilettes. Quatre grandes armoires étaient au fond des deux chambres. Moi qui pensais que nous aurions juste une chambre.
— Pourquoi y a-t-il une deuxième chambre ? interrogeai-je
— Une chacune ! Et le deuxième lit, c'est pour nos correspondants, m'expliqua Alice
— Ah..., laissai-je échapper, me sentant un peu bête
— Tu veux qu'ils dorment où? s'esclaffa-t-elle, tandis que je m'installais dans la seconde chambre.
Sainte-Cécile était jumelée avec Saint-Matthew, il s'agissait du même type d'école que Sainte-Cécile, sauf que l'école était à New-York, ce qui signifiait...correspondants américains ! Nous passions six mois avec eux : ils venaient trois mois et nous y allions trois.
Après avoir défait ma valise, tout en discutant avec Alice, je la suivis dans le salon. Elle était vraiment gentille. J'appris qu'elle n'avait ni frères ni soeurs et qu'elle faisait de la batterie, d'où le petit côté punk.
— Et je suis une pile électrique! ajouta-t-elle.
Brusquement, une sonnerie retentit, coupant notre conversation. C'était l'heure du repas. Nous descendîmes ensemble à la cafétéria. La suite me rassura, car il était hors de question que je reste seule :
— Je vais te présenter à Antoine ! s'exclama Alice, enjouée
— Antoine ?
— Mon petit ami, m'annonça-t-elle dans un sourire malicieux
J'acquiesçai, lui lançant un regard taquin.
Nous prîmes nos plateaux puis nous nous dirigeâmes vers une grande table où il restait deux places. Alice m'expliqua qu'elle était avec Antoine depuis presqu'un an et qu'ils étaient du même collège.
Mes yeux rencontrèrent ceux d'un garçon aux cheveux bruns et aux yeux verts. Il était beau, avec ses traits anguleux.
— Arrête de fixer Thomas ! me taquina Alice
Je lui jetai un regard interrogatif, quelque peu gênée. Je n'étais pas comme ça !
— Il est le meilleur ami d'Antoine, alors tu pourras de toute façon en profiter, me chuchota-t-elle avant de me faire un clin d'œil
Sur ce, elle déposa son plateau et embrassa un garçon aux cheveux noirs –Antoine sans aucun doute– devant mes yeux ahuris. Je m'assis ensuite en face d'elle et ... à côté du fameux Thomas... merci Alice... pensai-je ironiquement.
Un silence pesant s'installa et je me sentis mal à l'aise. A mon grand soulagement, Alice prit les devants :
– Alors, les gars, je vous présente Emilie, ma coloc'. Elle ne connaît personne ici, alors je lui ai dit de rester avec nous. En plus, elle est très gentille, et... célibataire, n'est-ce pas Thomas ?
Ce dernier lui lança un regard outré avant de me regarder d'un air désolé. Elle était tout de même un tantinet lourde... Je me le notai mentalement.
— Donc, reprit-elle, Emilie, Thomas
— Enchantée, lui dis-je
— De même, me répondit-il
— Et, Emilie, Antoine, termina-t-elle
— Enchantée, répétai-je
— Moi aussi, dit-il en hochant la tête.
Le reste du repas se déroula sans incidents : je ne fis pas tomber mon verre ou mon plateau. Puis, Alice et moi remontâmes dans notre studio. Nous discutâmes un peu dans la salle de bain avant de nous coucher.
Mais j'étais incapable de trouver le sommeil. Les draps étaient doux et d'un blanc immaculé. C'est dommage, j'aurais aimé un peu de couleurs... Les murs étaient nus ; j'allais devoir décorer tout ça ! J'avais hâte d'être à demain et de voir ma classe. Je connaissais déjà Alice, Antoine et Thomas, qui étaient dans ma classe. Ce dernier m'avait expliqué qu'il y aurait toute sorte d'artistes dans notre classe, pas seulement des musiciens. En réalité, nous n'étions qu'une vingtaine à faire de la musique. Intéressant.
Je finis par m'endormir, non sans m'être longuement interrogée sur le contenu des cours, les livres que l'on devra lire, et cætera.
🎶🎶🎶
— Réveille-toi Emilie ! me secoua Alice. Tu es une vraie marmotte !
Je lui grommelai que j'étais bien dans mon lit, ce à quoi elle me répondit que je devrais me dépêcher si je voulais avoir le temps de me préparer. Je finis par me lever, non sans difficultés.
— Ton réveil n'a pas sonné, m'expliqua-t-elle
— Normal, j'ai oublié de le mettre, grognai-je en entrant dans la salle de bains
Une fois prêtes, Alice et moi descendîmes prendre notre petit-déjeuner. Je me sentais bien avec Alice, alors que je la connaissais depuis hier. C'était peut-être le fait qu'elle ne semblait pas se prendre la tête qui était à l'origine de mon ressenti. Cependant, il valait mieux être prudente.
— Rajoute à ta liste de mes défauts, que je ne suis abs-olu-ment pas du matin ! lançai-je, pour détendre un petit peu l'atmosphère tendue
Aïe, et si je l'avais vexée malgré moi ?
— Ça, j'avais remarqué ! Comme un grizzly ! plaisanta-t-elle
Elle continua, plus sérieusement :
— Je ne serai pas venue si ton réveil avait sonné...
— Ne t'inquiète pas Alice, tu as bien fait ! J'aurais manqué le petit-déjeuner, quelle horreur ! blaguai-je, afin de la rassurer
Elle rit.
Après avoir mangé, nous retrouvâmes Antoine et Thomas. Au vu des cernes qu'ils avaient sous les yeux, ils n'avaient pas beaucoup dormi non plus !
Nous suivîmes les indications : deuxième étage du bâtiment vert pour les salles de français, mathématiques, anglais, allemand. Nous arrivâmes devant notre salle de classe, alors que les derniers élèves y entraient. Piles à l'heure.
Je m'installai à côté d'Alice tandis qu'Antoine et Thomas se mettaient derrière nous. Un professeur était au bureau. Il nous intima le silence, puis se présenta :
— Bonjour à tous et bienvenue ! Je suis Monsieur Heub, votre professeur de français et professeur principal.
Puis, il nous distribua nos emplois du temps. Je fus très heureuse de voir que nous avions deux heures de musique par jour, en plus de l'autre matière artistique que nous avions dû choisir. J'avais pris « art de l'écriture ». Je jetai un coup d'œil à Alice et fut déçue en voyant qu'elle avait choisie « art du design ».
— Avez-vous des questions ? demanda le professeur.
Une jeune fille avec des lunettes et des cheveux d'un noir de jais leva la main et posa la question qui brûlait les lèvres de tout le monde :
— Y aura-t-il un échange avec des new-yorkais comme tout le monde le dit ?
— Oui, acquiesça M.Heub, mais votre professeur d'anglais vous expliquera tout. Rappelez-moi votre nom, mademoiselle ?
— Valens, Lucie Valens.
— Bien, nous pouvons commencer.
Et le cours débuta.
🎶🎶🎶
La matinée était passée très vite. Il était maintenant midi, et nous nous apprêtions à commencer à manger quand Lucie s'approcha de nous, accompagnée d'une fille aux cheveux roux mi-longs.
— On peut manger avec vous? demanda Lucie
— Bien sûr ! répondîmes Alice et moi, en choeur
— Alice et Emilie, je présume ? hasarda Lucie, qui avait dû retenir nos prénoms pendant l'appel
— Oui
— Je vous présente Emma, reprit-elle
— Enchantée, dis-je à celle-ci avec un sourire.
Lucie semblait être une personne agréable, et elle était mignonne avec ses longs cheveux noirs et ses yeux noisettes. J'appris qu'elle voulait devenir danseuse de hip-hop.
Quant à Emma, elle était tout aussi gentille, avec ses yeux verts brillants de joie, et ses cheveux roux étaient magnifiques. Elle voulait être styliste et elle souhaitait plus que tout, créer sa propre marque de vêtements.
Nous décidâmes, pour le reste de l'après-midi de rester ensemble. C'était beaucoup plus agréable à plusieurs ! J'avais vite oublié ma tristesse de la veille. La curiosité et l'émerveillement avaient largement pris le dessus !
Quand la sonnerie retentit, annonçant la fin du cours de physique, je me rendis avec Alice au cours que j'attendais le plus : musique ! J'ignorai la pique de stress qui perça mon coeur : Et s'il nous demandait de chanter les uns après les autres ? J'avais du mal à poser ma voix. Il fallait que je travaille d'arrache-pied une chanson pour que cela soit correct, enfin le pensais-je...
Lorsque nous arrivâmes, la salle était étonnamment remplie. Thomas n'avait-il pas dit que nous n'étions qu'une vingtaine ?
Alice et moi nous assirent rapidement près des garçons. De ma place, je pouvais voir sept professeurs dont les deux professeurs qui m'avaient fait passer mon audition. Une femme avec une épaisse frange s'avança.
— Bonjour à tous, je suis Madame Novrel, votre professeure de théâtre. Si nous sommes tous réunis aujourd'hui, c'est parce que nous avons décidé de mettre en place un projet commun. Un projet qui réunira toutes les disciplines, du théâtre à la musique, en passant par les arts et même la photographie, et puis bien sûr, l'écriture ! Donc, reprit-elle en regardant ses collègues puis en revenant à nous, cette année vous devrez réaliser une comédie musicale ! s'exclama-t-elle ravie.
Alice et moi échangèrent un regard et un sourire complices.
— Tu te rends compte ! Une comédie musicale ! lui chuchotai-je, heureuse.
Je ne saurais décrire la joie, et surtout l'excitation qui m'emplissaient le coeur.
— Oui ! Le meilleur projet de tous les temps ! s'extasia Alice.
Forcément, après cette annonce, les professeurs eurent du mal à ramener le calme dans la classe...
— Bien sûr, reprit Mme Novrel, nous vous cadrerons et vous aiderons dans l'élaboration de ce projet. De plus, comme vous le savez sûrement, certains d'entre vous auront des correspondants, qui pourront, eux aussi, participer ! continua-t-elle. Mais, nous vous expliquerons tout en temps voulu. Le thème de votre comédie sera libre. Vous vous mettrez d'accord vous-mêmes. Certains écriront l'histoire et les chansons, d'autres interpréteront et chanteront vos chansons, d'autres encore réaliseront les vêtements et accessoires, certains feront des affiches et des campagnes de publicité, etc... Tout le monde participera. Avez-vous des questions?
— Quand devrons-nous la jouer ? demanda quelqu'un
— A la fin de l'année, Clara, en juin, répondit-elle. Autre chose ? Non, bien alors, nous vous libérons. Mais pour la prochaine fois, nous voudrions que vous réfléchissiez à un thème pour la comédie, termina-t-elle.
Un thème. Quel thème pourrions-nous aborder ? Le cinéma, non. L'amour ? Oui, il y aura forcément une histoire d'amour. Reprendre une tragédie antique ? Un conte ? Ou inventer une histoire ? Ou... je demanderai à Alice ce qu'elle en pense.
Alice me proposa de faire une soirée pyjama vendredi, entre amis.
— Avec Antoine, je suppose ? avançai-je
— Et Thomas, me répondit-elle, avec un sourire au coin.
Elle me fit ensuite une adorable moue de chien battu, à laquelle il était impossible de résister...
Cette comédie musicale promettait d'être grandiose ! D'aussi longtemps que je me souvienne, cela n'avait jamais été fait par Sainte-Cécile. J'avais plus que hâte de travailler sur le projet.
✧
Voilà pour ce premier chapitre, j'espère qu'il vous plaît ! N'hésitez pas à me donner votre avis !
À très vite pour la suite !
honey
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