prologue - Un poème vivant
1823
L'horloge sonnait vingt-deux heures. Les rires et les discussions résonnaient dans le salon des Sorel, la chaleur humaine embrassait leurs invités par l'hospitalité dont ils faisaient preuve.
Sur le côté droit de la longue table à manger, une jeune femme restait assise. Ses pensées semblaient l'avoir mené ailleurs alors que ses yeux fixaient la tapisserie vert foncé. Son assiette vide montrait qu'elle avait fini de manger depuis un moment, l'ennui s'installant à chaque seconde.
Jeanne Sorel n'avait que faire de cette soirée, à vrai dire elle aurait préféré passer la nuit à continuer son livre d'astronomie. Tout était fait pour rendre ce repas barbant et l'intérêt inexistant qu'on lui accordait ne faisait qu'accroître son désir de finir cette passionnante lecture.
Alors l'attente s'inscrivait dans son comportement, les doigts croisés, son attention tentait de comprendre sans grande conviction la discussion qu'entretenait son père avec deux de ses invités au sujet de la réorganisation de l'école de médecine de Paris. Puis elle abandonna lorsque sa mère éclata de rire avec trois autres femmes, ses oreilles ne s'étaient jamais habituées à entendre sa mère s'esclaffer. Son visage strict, plus usuel, tourna la tête vers sa fille ennuyée.
« Jeanne allez donc nous jouer un peu de piano voulez-vous ? demanda cette dernière d'un ton rigide.
— Oui maman. »
La jeune femme sortit de table avant de se diriger vers le piano marron qui décorait le salon. Après avoir fait attention à ne pas abîmer sa longue robe rose ocre, ses doigts appuyèrent avec douceur sur les touches blanches et noires. Ses mains divaguaient le long de l'instrument, leurs mémoires musculaires rendaient la mélodie fluide et calme.
Elle ne savait jouer que trois musiques, Jeanne ne demeurait pas une virtuose du piano comme sa mère, mais l'activité lui faisait passer le temps.
Puis à la fin de la première chanson, la délicatesse qui émanait d'elle avait attiré un public. Un jeune homme habillé en noir dont le costume ouvert laissait sa chemise blanche donner un fort contraste à sa tenue. Il s'essaya sur le petit canapé en velours posé juste à côté du piano et son coude s'appuya sur l'accoudoir, lui permettant de reposer son menton pour l'écouter. Ses paupières se fermèrent un instant pour profiter des notes de musique qui arrivaient jusqu'à lui. Tout était beau.
« Qui ai-je l'honneur d'entendre, madame ?
— Beethoven, monsieur.
— Bien entendu, répondit le brun avec un sourire. Mais je crains de ne plus me souvenir de votre nom, nous n'avons été que trop peu présenté ma chère.
— Je suis la fille des hôtes de cette demeure. Vous pouvez m'appeler Jeanne, êtes-vous le fils de monsieur Poirier, monsieur ? demanda la jeune femme.
— Il semblerait, mais Léonard est suffisant.
— Bien.
Léonard prit un instant pour observer les pupilles bleues de la jeune femme. Ses pensées auraient pu plonger dans son regard s'il se l'était permis. Et il fit attention à ses lèvres, un peu rosées et minces, son léger sourire enjolivait sa vue.
— Si je puis me permettre, vous jouez splendidement bien Jeanne.
— Merci, je suppose que vous seriez davantage impressionné si cela avait été ma mère.
— Avec tout le respect que j'ai pour votre mère, je suis béni de vous entendre jouer.
— Je vous remercie. »
Jeanne ne pouvait s'empêcher de scruter quelques secondes celui qui conversait. Sa grande taille lui donnait un air confiant et ses sourcils donnaient les expressions de son visage. Pourtant son grand sourire le rendait charmant, il n'avait aucun mal à engager les discussions et entendait volontiers ses interlocuteurs.
Des questions émergeaient dans sa tête, qu'elle lui posa tout au long de la soirée. Peu importe quand, il avait toujours une réponse à apporter avec un ton aimable. Les deux jeunes adultes abordèrent différents sujets durant cette soirée animée, de sorte qu'ils retardèrent le départ des Poirier trois heures plus tard. Enfin, lorsque Léonard retourna à son bureau, il s'empressa de chercher une feuille vierge.
Il avait le souvenir de son sourire à écrire.
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Alors qu'avez-vous pensé de ce prologue ?
Maintenant que ce bon dans le temps a été fait et que la rencontre a été introduite, on passe aux choses sérieuses :)
N'hésitez pas à me laisser votre avis, je lis avec grand plaisir !
A mardi prochain ! <3
Lauren
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