Chapitre 28 : La décision
« —Le fantôme c'était l'affront de trop, poursuivit Francine sans lâcher une seule seconde la main de sa sœur.
—Je suis désolée de ne pas l'avoir vu malgré toutes ces années, lui murmura Armelle visiblement profondément blessée. Je ne m'en suis rendu compte que ce soir-là.
—Il savait qu'il allait mourir. Il en a fait exprès de semer la zizanie avant de partir. Sa dernière œuvre, celle de sa famille.
—Je suis désolée d'avoir été si faible.
—Tu n'as pas été faible Armelle, tu avais toi-même ton boulet à porter.
—J'espère que tu ne parles pas de Luc et Bernard. »
Cette petite blague qu'Armelle s'était permise de faire radoucit un peu l'atmosphère qui était, jusqu'alors, chargée par les émotions, presque à devoir suffoquer. Les deux sœurs rirent de bon cœur.
« —Non, se reprit Francine. Bien sûr que non.
—Je suis désolée d'avoir dû tuer papa. »
C'était pour le moins inattendu. Armelle venait d'avouer le meurtre de son père, que Francine venait elle-même d'avouer quelques minutes plus tôt aux détectives.
« —Quoi ?! s'étrangla presque la sœur aînée. Mais non ! C'est moi qui l'ai tué.
—Non, insista Armelle toujours égale à elle-même, je t'assure. C'est moi qui ai réduit en poudre les médicaments de son armoire à pharmacie et qui les ai dilués dans ses boissons tout au long de la soirée, et même de la nuit. Je t'avoue ne rien y connaître, et y être allée complètement à l'aveuglette, en espérant que je ne me trompais pas.
—Laisse-moi me dénoncer, supplia Francine.
—Hors de question. Tu te dénonces, je me dénonce. »
Silence. Les deux sœurs étaient en pleine réflexion.
« —Vous avez toujours sa lettre, tenta Maggie.
—Une lettre ? interrogea Armelle. »
Alors qu'elle était toujours nichée dans sa main, celle qui ne la reliait pas à sa sœur, Francine mit en lumière la feuille de papier malmenée. Armelle s'en saisit, la déplia avec une prudence infinie afin de ne pas la déchirer, et la lut.
Une fois que ce fut chose faite, elle la replia, mais ne la rendit pas à sa sœur.
« —Je suis d'accord pour me taire à jamais si tu décides de donner la lettre. Sinon, j'irai me dénoncer. »
Après une ultime intense réflexion, Francine acquiesça.
« —J'accepte. Enterrons le passé en même temps que papa, et permettons-nous d'enfin passer à autre chose.
—Vous marchez avec nous ? demanda Armelle à l'attention des détectives.
—Je pense que ça va être possible, leur sourit Maggie qui espérait que Patron irait dans leur sens. »
Ewen leur sourit pour leur signifier qu'il était des leurs.
« —Vous avez pris la bonne décision, fit la voix de Patron qui intégrait la clairière accompagné du lieutenant Messant. »
Tous se retournèrent vers les nouveaux arrivants.
« —Comme vous mettiez beaucoup de temps à revenir, leur dit Patron, nous sommes venus voir ce qu'il se passait, et nous avons entendu votre dilemme. Je pense, en effet, qu'il est sage de laisser cette mort être un suicide aux yeux de tous. De toute façon, puisque Monsieur de Linthe souhaitait mourir, c'est comme si c'en était vraiment un, en quelques sortes.
—Je valide cette version, les rassura le lieutenant Messant. »
Cette fois, la tension s'était définitivement relâchée. Armelle et Francine se levèrent pour quitter leur balançoire, et elles se prirent dans les bras.
« —Je crois qu'il est temps d'aller rassurer votre mari, fit le lieutenant à l'adresse de Francine après leur avoir laissé un temps de tendresse fraternelle.
—Oui, lui répondit Francine en se séparant doucement de sa sœur, vous avez raison.
—Il pensait que vous vous étiez peut-être suicidée, lui avoua Maggie.
—Quoi ? Oh ! Non ! Le pauvre ! Ça a dû être horrible pour lui !
—Courez vite le rejoindre, lui dit Ewen. Je suis sûr qu'il ne vous en tiendra pas rigueur. »
Alors, tous quittèrent la clairière à jamais. Cet endroit, autrefois un espace accueillant les joies d'une famille, devenu un lieu de recueillement d'un veuf en peine, pouvait enfin être laissé à l'abandon. Elles permettront à leur douloureux passé de s'enraciner dans ce sol qu'elles ne fouleraient plus jamais pour n'en garder que les bons souvenirs.
De retour près du manoir, Bernard se précipita vers sa femme et la prit dans ses bras avec tellement de passion qu'elle en décolla du sol. Ewen ne s'était pas trompé, il ne lui en voulait pas.
« —Francine, ne me refait plus jamais ça ! s'exclama-t-il les yeux rougis et pétillants du bonheur de retrouver sa femme saine et sauve après avoir imaginé le pire. Qu'est-ce qui t'est passé par la tête enfin ?
—En fouillant au grenier hier soir dans les vieilles affaires de maman, je suis tombée sur la lettre d'adieu de papa. Je savais que je la trouverais là-bas s'il y en avait une. C'était trop pour moi, j'ai eu besoin de souffler.
—Alors... L'enquête est finie ?
—L'enquête est finie, le rassura Patron avec un sourire poli.
—Tout ça pour ça ! On le savait depuis le début ! Il n'a jamais accepté le décès soudain de votre mère. Ce deuil impossible et l'isolement auront finalement eu raison de lui.
—Il n'était déjà pas très bien avant, lui confia Francine. Maintenant que nous nous sommes refait le film de notre vie, Armelle et moi, nous nous sommes rendues compte qu'il n'a jamais été vraiment heureux. Il fallait bien que ça arrive un jour...
—Je suis désolé pour vous.
—Ça va aller, je t'assure. »
Bras dessus, bras dessous, Francine et Bernard rentrèrent dans le manoir. Il était temps pour eux de faire leurs valises et de quitter les lieux, réceptacle de trop nombreux drames.
« —Vous n'avez touché à aucun médicament, n'est-ce pas ? demanda Maggie à Armelle une fois que le couple n'était plus à portée d'oreilles.
—Je vous ai mal jugés, lui répondit la femme d'affaires avec un sourire plein de reconnaissance. Non, en effet, je n'ai pas tué mon père. Mais il fallait que je mente pour ne pas qu'elle se dénonce. C'était la seule solution.
—Quand avez-vous su ?
—Beaucoup trop tard, malheureusement. Sinon, vous pouvez me croire, je l'aurais fait à sa place de mes propres mains. Et sans la culpabilité qu'elle portera jusqu'à la fin de ses jours. Car malgré tout le mal qu'il lui a fait, je sais qu'elle s'en voudra. Francine est profondément bonne.
—Vous avez fait ce qu'il fallait. C'est courageux de votre part.
—Maintenant, votre travail s'arrête ici. J'ai, malgré tout, été ravie de faire votre connaissance. Je ne sais pas si ça se fait de vous souhaiter une belle et longue carrière, eut égard aux futures victimes, mais je le fais quand même. »
Les détectives remercièrent Armelle, et ils prirent définitivement congés de cette famille pas comme les autres.
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