Chapitre 14 : La confrontation

   Après avoir eu confirmation que Jean-Jacques faisait chanter son frère, les détectives se mirent en quête de lui mettre la main dessus pour le forcer à affronter cette vérité. Ils le trouvèrent assis dans sa voiture, en train de passer délicatement une lingette hydratante sur ses sièges en cuir. Ewen alla s'appuyer sur la portière ouverte, posant lourdement sa main sur la fenêtre immaculée afin d'y laisser une vilaine trace.

« —Alors comme ça on fait chanter son frère ? l'interpella le détective.

—Je ne vois pas de quoi vous parlez, répondit Jean-Jacques en se crispant légèrement sur sa lingette.

—L'enregistrement de la clé USB. Il était toujours sur l'ordinateur d'Arthur de Linthe.

—Lui aussi l'a fait vendredi soir. On est quittes.

—En attendant, lui est mort et pas vous.

—C'est pas ma faute.

—C'est vous qui le dites.

—En plus, j'suis persuadé qu'il s'est suicidé.

—Peut-être à cause de votre chantage.

—Il s'en fichait de mon chantage. Il avait les moyens de me « prêter » cet argent. Je ne lui en demandais pas tant que ça au regard de sa fortune. Il a bien ficelé son plan. Pour me faire réellement chanter à son tour.

—Il vous demandait quoi en retour ?

—C'était une façon pour que j'emporte son secret dans ma tombe en arrêtant d'être le parasite qui vient lui demander quelques deniers de temps en temps à ce grand homme. Il me dégoûte. »

    À présent, Jean-Jacques frottait furieusement le cuir de sa voiture.

« —Maintenant qu'il est mort, tenta Ewen, vous nous dévoilez son secret ?

—Non. »

    La réponse était sans-appel.

« —Pourquoi ? demanda le détective.

—Ça n'a plus aucun intérêt.

—Laissez-nous en juger.

—Non. Vous, laissez-moi faire mon deuil. Je n'aimais pas particulièrement mon frère. Mais ça reste malgré tout mon frère. Je n'ai ni femme, ni enfant. Je n'ai plus mes parents. J'adore mes nièces, mais je n'ai jamais été proche d'elles. Et à présent, je n'ai plus mon frère. »

    Tandis que Jean-Jacques se lamentait, l'attention de Maggie fut happée par du mouvement à l'intérieur du manoir. Une discussion visiblement très animée avait lieu entre deux individus. La détective mémorisa l'emplacement de la fenêtre, et elle pénétra dans le manoir pour se rendre à la pièce concernée. Interrompu dans son échange avec Jean-Jacques, Ewen la suivit, laissant le vieil homme seul dans sa voiture et son incompréhension.

    Dans le couloir de l'étage, les détectives eurent tout juste le temps de voir la porte de la chambre d'Eugénie se refermer. Mais la chambre qui les intéressait était celle de Mathias, juste à côté. Maggie y frappa avec autorité. L'occupant ouvrit la porte avec colère avant que son visage ne se radoucisse à la vue des deux détectives.

« —Encore vous ? lança ce dernier avec amusement. Décidément, on ne se quitte plus aujourd'hui.

—Vous vous attendiez visiblement à quelqu'un d'autre, rétorqua Maggie.

—Du tout. J'étais simplement agacé d'être dérangé alors que je suis en train de travailler.

—On peut entrer ?

—Je viens de vous dire que je suis en train de travailler.

—Vous aviez bien le temps de chercher un livre parmi les centaines de la bibliothèque, vous aurez donc cinq petites minutes à nous accorder. »

    Mathias serra la mâchoire et, pris au dépourvu, consentit à faire pénétrer les détectives dans sa chambre. La pièce était à l'image du reste du manoir : rustique-exotique. Sur son bureau, son ordinateur portable était allumé, ce qui pouvait aller dans le sens d'un télétravail.

« —Alors ? les pressa Mathias qui était devenu beaucoup moins sympathique.

—Qui vient de quitter votre chambre ? le questionna Maggie sans douceur.

—Comment ça ? Je viens de vous dire que j'étais en train de travailler. J'étais donc seul.

—Nous étions à l'extérieur et j'ai aperçu, à travers votre fenêtre, que vous étiez en pleine discussion houleuse.

—Vous vous êtes trompée de fenêtre.

—Ça m'étonnerait. »

    Maggie fut soudainement prise d'un doute. Et s'il avait raison ? Le manoir était constellé de fenêtres, toutes identiques.

    Mathias perçut le doute chez la détective. Sans perdre une seule seconde, il s'engouffra dans la brèche :

« —J'ai cru entendre des échanges animés dans la chambre d'à côté, celle de ma sœur. Si j'étais vous, j'irai y jeter un œil. Je ne l'ai jamais senti ce Norman. Pour moi, il n'est pas clair.

—Je suis pourtant sûre de ce que j'ai vu, tenta Maggie.

—Et moi je suis sûr que vous vous trompez. Personne n'est entré dans ma chambre de la journée. »

    Les détectives ne pourront plus rien obtenir de lui. Il avait été plus fin qu'eux.

    Énervée après elle, Maggie ne lâcha pas l'affaire et, d'un commun accord avec son collègue, elle alla frapper à la porte de la chambre d'Eugénie et Norman. C'est la jeune médecin qui vînt leur ouvrir.

« —Oui ? demanda-t-elle avec la douceur de sa mère et l'assurance de sa tante.

—Excusez-nous de vous déranger, lui dit Ewen avec son plus beau sourire qui ne lui fit pourtant ni chaud ni froid, mais nous aimerions vous parler un instant s'il vous plait. »

    Eugénie se décala pour ouvrir la porte de sa chambre en grand, permettant ainsi aux détectives d'y pénétrer, ce qu'ils firent en la remerciant. Similaire à celle de son frère, cette chambre donnait davantage une impression de douceur avec ses voilages fluides et son papier-peint épuré.

    Assis de manière très officielle sur un petit sofa, Norman était aussi présent.

« —Que nous vouliez-vous ? relança Eugénie.

—Nous sommes venus vous voir, lui répondit Ewen, car nous avons eu l'impression que vous vous querelliez.

—Comment ça ? »

    L'étonnement chez la jeune femme semblait sincère.

« —Nous étions dehors, lui expliqua Ewen, et nous avons vu du chahut à travers votre fenêtre.

—Norman ? demanda Eugénie en se tournant vers son fiancé. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? (Elle se retourna vers les détectives.) Je viens d'arriver à l'instant, je ne suis au courant de rien.

—Vous avez dû vous tromper de fenêtre, dit Norman avec stoïcisme. À mon avis, vous aurez plus d'informations en allant frapper chez Mathias.

—Ah non hein ! s'agaça Ewen. On sort de sa chambre à l'instant et il vient de nous envoyer ici. Ça suffit de nous prendre pour des cons. Donc maintenant, vous allez nous dire ce qu'il se passe entre votre beau-frère et vous avant que nous le découvrions par nous-mêmes. »

    Le visage d'Eugénie se ferma. Celui de Norman resta de marbre. La jeune femme se tourna vers son fiancé et attendit une réponse.

« —Il me prend en grippe depuis le début de ma relation avec sa sœur, se justifia simplement le laborantin.

—Il était déjà comme ça avec vos ex-relations ? questionna Maggie à l'attention d'Eugénie.

—Non... répondit-elle pensive. Ou alors je ne l'ai jamais remarqué... Il aime beaucoup taquiner, mais là, ça va au-delà de la taquinerie.

—C'est parce que c'est un engagement plus sérieux, justifia Norman.

—Et aussi parce que tu es pince-sans-rire, je pense. »

    Silence.

« —Ça ne nous explique toujours pas qui s'est querellé avec qui, reprit Ewen avec sérieux.

—Nous n'en savons rien, lui répondit Eugénie. Vous avez peut-être mal vu. À cette heure de la journée, il y a peu de lumière de ce côté d'Hide Manor. »

    Maggie ne répondit rien. Elle était sûre d'elle, mais elle n'avait, pour le moment, aucun élément probant. Quelque chose reliait Mathias à son beau-frère, c'était évident. Est-ce qu'Eugénie était aussi dans le coup ? Ou était-elle le dindon de la farce ?

    Comprenant qu'ils ne pourraient rien tirer d'eux, Ewen et Maggie prirent congés du couple atypique. Ils se rendirent alors dans le salon d'hiver afin de débriefer. Heureusement pour eux, personne ne s'y trouvait.

« —Donc, commença Ewen en faisant les cent pas dans la pièce, on a déjà le secret des deux gendres et celui du frère. Si on suit la logique de notre victime, il devrait nous rester les deux sœurs, Eugénie, Norman, Mathias, et peut-être Candice. Tu crois que le majordome en a aussi un ?

—Aucune idée, lui répondit sa collègue. Je pense aussi que plusieurs secrets sont liés. M'est avis que Norman et Mathias ont un morceau d'histoire en commun.

—Ça me paraît évident.

—Ce que je n'arrive pas à déterminer, c'est si Eugénie est dans le coup aussi ou pas.

—Je n'en ai pas l'impression.

—Moi non plus. Mais elle me semble être très intelligente, elle pourrait facilement nous berner. »

    Les détectives n'allèrent pas plus loin dans leur réflexion car quelqu'un venait de faire irruption dans la pièce.

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