Chapitre 12 : Le compte-rendu de Bastien
Dans l'enveloppe destinée à Luc, le gendre d'Arthur de Linthe, Ewen et Maggie découvrirent cinq photographies agrandies. Sur ces photos, Luc était en charmante compagnie, mais pas celle de sa femme.
Sur un cliché, l'homme était bras-dessus bras-dessous avec une superbe blonde qui devait avoir la moitié de son âge. Sur un autre, le couple adultérin s'embrassait dans un bosquet, pensant certainement être à l'abri d'yeux indiscrets. Deux autres clichés les dévoilaient, entrant dans des hôtels et, la date et l'heure indiquées sur les feuilles ne laissaient pas de place au doute sur l'intention des deux tourtereaux.
Enfin, sur une dernière photo légèrement plus pixellisée que les autres à cause du zoom de l'appareil de professionnel utilisé, Luc et sa maîtresse avaient été surpris dans une voiture garée à l'écart de toute population. Les deux amants prenaient leurs pieds sans pudeur sur la banquette arrière de l'auto dont la plaque d'immatriculation était parfaitement visible.
« —Alors lui, fit Ewen amusé par leur découverte, j'aimerais pas être à sa place.
—C'est à la place de sa femme que je n'aimerais pas être, rectifia Maggie.
—Oui, bien sûr, la pauvre. »
Les deux détectives fixèrent encore quelques instants en silence ces photos avant qu'Ewen ne le brise :
« —On va le prévenir qu'on a trouvé ?
—Non, lui répondit sa collègue. On laisse le tableau comme ça sur le lit, et on attend qu'il découvre par lui-même qu'on a trouvé. »
Ewen valida et, décidant qu'ils avaient suffisamment travaillé pour un dimanche, les deux amis rentrèrent chez eux profiter de leur soirée avec leurs conjoints respectifs. Avant de se séparer, ils se donnèrent rendez-vous le lendemain après-midi à l'Institut Médico-Légal de Jouville pour entendre le rapport d'autopsie.
Le lundi après-midi, Ewen et Maggie se retrouvèrent devant l'IML. Après s'être salués, ils pénétrèrent dans le bâtiment tristement neutre qui accueillait chaque jour les émotions les plus désagréables qui soient. Chaque jour, des familles passaient les portes vitrées pour entendre le froid récit d'un médecin-légiste leur racontant comment leur proche ne viendrait plus jamais égayer leurs vies.
La très professionnelle secrétaire qui les accueillit leur indiqua que c'était Bastien qui avait été en charge de l'autopsie. Les détectives, qui connaissaient très bien les lieux, se dirigèrent vers le bureau du médecin légiste pouvant les recevoir immédiatement.
Bastien était le frère de Maggie. S'ils n'avaient pas grandi ensemble après avoir été séparés suite à la mort de leurs parents, ils s'adoraient depuis leurs retrouvailles récentes.
Le jeune médecin-légiste accueillit avec beaucoup de plaisir sa petite-sœur et Ewen. Il les fit entrer dans son bureau à l'ambiance zen et apaisante, et leur indiqua deux chaises face à lui pour qu'ils puissent s'installer.
Après avoir rapidement pris des nouvelles de ses visiteurs, Bastien commença son speech :
« —J'ai donc autopsié le corps de l'écrivain Arthur de Linthe. Je suis à la fois fier et plutôt affecté par cette mission car j'aimais beaucoup ses romans. »
Encore un point commun avec sa sœur.
« —Ça a été plutôt rapide, poursuivit le médecin légiste. En fait, l'autopsie en elle-même n'a rien montré de particulier. Ce sont les analyses sanguines qui nous sont revenues en fin de matinée qui nous ont permis de comprendre pourquoi le cœur s'est arrêté de battre.
« Il avait une forte dose de Nadolol dans le sang. C'est un bêtabloquant très facile à se faire prescrire, en cas d'anxiété par exemple. Comme il a été avocat, il se peut que son médecin traitant lui en ait recommandé par le passé pour le détendre avant de plaider. C'est très fréquent.
« Et justement, la scientifique a retrouvé le médicament incriminé. Il s'agit de Corgard. Il en avait une boîte périmée dans l'armoire à pharmacie de sa salle de bain personnelle, et les plaquettes étaient vides. Quand un médicament est périmé, il perd généralement en efficacité, mais la molécule reste toute de même active, à plus ou moins moindre mesure. Là, il en a pris assez pour que ça soit létal. Et la prise d'alcool tout au long de la soirée a ralenti l'élimination du médicament dans le sang, ce qui a aidé à en arriver là.
—Tu penses qu'il s'agit d'un suicide ? le questionna Maggie.
—On ne peut exclure ni le suicide, ni le meurtre.
—Ça a un goût particulier dilué dans l'alcool ?
—Vu la quantité qu'il a prise, certainement. Mais peut-être qu'il n'a rien senti si, en cas de crime, son meurtrier lui en a versé à petites doses tout au long de la soirée. »
Silence consterné. Les détectives n'étaient pas beaucoup plus avancés. Même Bastien n'avait pas pu trancher entre un suicide et un meurtre.
« —Vous avancez de votre côté ? demanda le médecin légiste.
—On est en train de découvrir une famille faussement unie, lui répondit sa petite-sœur. Et visiblement, tous ont des secrets qui étaient en train d'éclater pendant leur petite réunion biannuelle.
—C'est-à-dire ?
—Arthur de Linthe a pris pour excuse sa murder-party pour montrer à chaque membre de sa famille qu'il connaissait leurs petits secrets. Ce que je ne sais pas encore, c'est s'il a fait ça avant de se suicider, ou s'il s'est fait tuer parce qu'il a voulu mettre son nez dans des affaires un peu trop sensibles.
—Vous avez quoi comme secrets pour le moment ?
—On a ceux des deux gendres. L'un devait de grosses sommes d'argent à son beau-père, et l'autre trompe sa femme.
—Ils avaient donc tous les deux beaucoup d'intérêts à le réduire au silence.
—Exactement.
—Peut-être aussi qu'il a voulu les faire chanter, vous ne pensez pas ?
—Pour leur soutirer quoi ? Pas de l'argent en tout cas, il était très à l'aise financièrement. Chacun de ses livres était un best-seller.
—Pour des services ?
—Oui, peut-être qu'il aurait échangé son silence contre davantage de réunions de famille. C'est tout ce que je vois pour l'instant, mais ça me paraît quand même assez improbable. Et toi Ewen, t'en penses quoi ?
—J'en pense qu'on a encore pas mal d'autres secrets à découvrir avant d'avoir notre mot final. Y'en a bien un qui va nous conduire au meurtrier.
—S'ils ne nous embrouillent pas tous l'esprit avant.
—C'est probablement ce qu'il va se passer, oui. Mais on trouvera, je nous fais confiance. Depuis Black Bird l'année dernière, je ne crains plus rien ni personne. »
Maggie était dubitative. Plus ils découvriraient de secrets, plus ils auraient de suspects. Ils n'étaient donc pas au bout de leurs peines.
Comme Bastien n'avait plus rien à leur apprendre, les détectives le remercièrent pour sa coopération, et ils le quittèrent. Ils se mirent alors en route vers Hide Manor, à la recherche du troisième secret.
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