𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚟𝚒𝚗𝚐𝚝-𝚝𝚛𝚘𝚒𝚜

Bonne lecture !

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C'est au moment où Spencer dit « je viens avec vous » au docteur que son téléphone sonne. Il ne se souvenait même plus l'avoir laissé dans sa poche, mais en voyant le regard que l'homme lui lance il ne peut s'empêcher de lui offrir un sourire désolé avant de sortir son portable.

Un coup d'œil sur l'écran, puis il décroche.

— Oui ?

La voix d'Emily résonne aussitôt :

— LC, dans la lettre ! C'est l'abréviation de « Living Children ».

Spencer fronce les sourcils.

— Tu es sûre ?

— Oui, c'est un terme administratif. C'est quand ils craignent qu'un patient soit mis sous respiration artificielle alors qu'il n'a pas laissé de directive concernant la réanimation.

La voix d'Emily s'interrompt, mais Spencer fixe la table devant lui sans vraiment la voir. Devant ses paupières ouvertes, des dizaines et des dizaines de documents médicales défilent : ceux qu'il a lu depuis son adolescence. Son esprit s'échauffe, il se mord la lèvre.

Son silence semble le trahir, car la voix de la jeune femme revient rapidement :

— Reid ?

Il déglutit.

— Et si en fait notre homme essayait de dire au Docteur Barton que... que c'est lui qui est en réalité la cible, et qu'il va laisser son fils orphelin ?

Il entend la respiration d'Emily de l'autre côté du combiné, et cela lui prouve qu'elle en arrive peu à peu à la même conclusion que lui. Son cerveau tente de repasser en revue tous ces dossiers qu'il a parcouru pendant toute l'après-midi, mais tout à coup un bruit attire son attention.

Dans l'entrée de la maison, la porte s'ouvre.

Son sang se glace, car de toute évidence le docteur fatigué de ses appels n'a pas voulu l'attendre pour partir.

Spencer a à peine conscience de s'être levé du canapé. Il s'écrit « Barton ! » tout en serrant son poing autour du téléphone sans penser à raccrocher, et traverse le salon d'un pas rapide. Sans s'en rendre compte, il évite un fantôme au milieu du passage qui se retourne vers lui avec la bouche entrouverte, et au loin une voix rauque hurle :

— Spencer !

La voix lui dit quelque chose, mais la seconde d'après il dépasse la porte encore ouverte de grande maison. Ce qu'il voit immédiatement, c'est le dos du docteur avec qui il a passé la journée, et en face de l'autre côté de la pelouse un autre homme, plus petit et plus rond, qui pointe son arme sur lui.

Son expression peinée ne s'imprime même pas dans l'esprit de Spencer. La seule chose qu'il pense à faire, c'est se jeter sur la victime par l'arrière pour le plaquer au sol, au moment même où un coup de feu retentit.

Spencer attention !

Dans le coin de sa vision, alors qu'une douleur aiguë éclate dans sa jambe gauche, la figure d'Aaron Hotchner se floute légèrement. Spencer écarquille les yeux, allongé sur le sol, puis la sensation de s'être pris une balle lui parvient enfin et il se tord en fermant les yeux sans pouvoir s'en empêcher. La respiration haletante, la main posée sur son genou, il serre la mâchoire et se retourne vers l'endroit où son boss disparu se trouvait.

La pelouse est vide. Le fantôme de Hotch a disparu, et Spencer sent sa lèvre trembler.

— Vous êtes blessé ? s'enquit-il en jetant un coup d'œil au docteur.

Il essaye de se redresser, mais la douleur le force à rester tordu.

— Non.

— Attrapez mon arme ! Mon arme !

Barton ouvre de grands yeux effarés sur lui, puis sur sa blessure à la jambe qui saigne un peu trop. La douleur lui remonte jusque dans la colonne. Finalement, l'homme semble se réveiller car la seconde d'après l'arme de Spencer lui est fourrée dans les mains.

Au même moment, le tireur s'approche d'eux avec des pas lents.

— Éloignez-vous de lui ! crie-t-il avec tristesse.

Son bras est toujours tendu, et son arme pointée sur eux.

— Restez couché, siffle Spencer avant de lever la sienne en direction de l'homme.

— Ne le protégez pas !

— Lâchez-votre arme !

— Il a tué mon fils !

Spencer serre les lèvres. Il commence à lui expliquer, à lui donner les faits et tente d'être le plus rationnel possible : le docteur n'a pas tué son fils, il est mort dans un accident. On ne peut pas accuser chaque médecin de meurtre chaque fois qu'un patient meurt. Spencer ne veut pas lui tirer dessus, il le lui dit, plusieurs fois, mais l'homme se met à pleurer et répétant encore et encore que c'est de sa faute, que le docteur doit se lever et arrêter de se cacher derrière Spencer, qu'il doit accepter son sort car c'est sa faute.

— Vous fils a été tué par une voiture !

Les sirènes de police commencent à se faire entendre. Derrière, il devine aussi les ambulances qu'Emily a dû appeler en entendant les coups de feu. Spencer observe attentivement le visage de ce père accablé, qui baisse lentement son arme avec les joues pleines de larmes.

Sa propre main tremble un peu. Elle est pleine de son sang. Sa jambe lui fait mal, ses cheveux lui tombent dans les yeux. La seule chose qu'il voit, c'est la couleur rose de sa chemise qu'il n'aime pas beaucoup, et le visage accablé de ce père prêt à tout.

Prêt à tout.

— Ne faites pas ça.

— Je suis désolé.

L'arme se relève rapidement, et Spencer appuie sur la détente. Le tir est bruyant, le recul lui fait mal au bras, et il voit la silhouette de l'homme tomber en arrière sans avoir pu se servir de son pistolet.

Les secondes s'étirent, jusqu'à ce que le silence s'efface pour laisser à nouveau sa place aux sirènes.

La suite est bien plus rapide : le Dr Barton tente de jeter un coup d'œil à sa jambe, mais Spencer insiste pour qu'il apporte les premiers secours à l'homme sur lequel il vient de tirer. Les secours arrivent, la balle dans la jambe de Spencer est entrée et ressortie, les sirènes se font de plus en plus fortes. Autour de lui, il n'y a que des fantômes inconnus, ceux qu'il a remarqué dans la maison et qui sont sortis lorsqu'il a évité celui dans le salon.

Celui de Hotch est introuvable. Il espère qu'il a rêvé.

— Quelque chose est arrivé à Hotch, siffle-t-il entre ses dents tandis que les secouristes le déposent sur une civière.

La pression manque de lui broyer la jambe en deux et sa vision se fait de moins en moins nette.

— Allez retrouver Emily. Elle sait... elle sait ce qui....

Lui ne sait pas. Il n'a pas eu le temps. Peut-être que c'est déjà terminé. Peut-être qu'en arrivant à l'hôpital, Emily sera là pour lui dire que c'est trop tard et qu'ils ont retrouvé son corps dans une ruelle ou quelque chose comme ça.

Spencer s'évanouit trois fois dans l'ambulance. Il aboie sans ménagement sur l'homme à côté de lui qui tente de lui donner des narcotiques pour calmer la douleur, et essaye de ne pas faire attention à la sensation de sa poitrine serrée face au vide autour de lui. Il a dit à JJ, Morgan et Rossi d'aller voir Emily, de ne pas s'occuper de lui.

Il leur a dit, et à présent il est seul.

Spencer s'évanouit une quatrième fois, et se réveille dans un lit d'hôpital après une opération du genou.

La bouche pâteuse, le corps endolori et une étrange douleur au niveau du ventre (et son esprit encore embrumé lui apprend tout de même que c'est normal, que c'est à cause de l'anesthésiant) Spencer tente de se redresser. Pendant quelques secondes, il flotte dans une sorte de paix curieuse qui lui rappelle ces moments de calme dans sa salle de bain, en pleine nuit, complètement défoncé au Dilaudid.

Il finit par cligner des yeux. Et par apercevoir JJ assise dans le fauteuil à côté de lui.

— Spencer, souffle-t-elle en voyant ses paupières ouvertes. Comment tu te sens ?

Il déglutit. Sa gorge est aussi sèche qu'une dune de sable.

— Hotch... ?

Il se crispe, car au fond il n'est pas certain de vouloir entendre la réponse. Il voit l'air peiné sur le visage de Jennifer, il voit ses traits qui se froissent, et soudain Spencer a l'impression d'étouffer.

— Il est encore endormi. Sa chambre est à l'étage d'au-dessus, mais il est sorti des soins intensifs. Les anesthésiants cesseront de faire effet dans un peu plus d'une heure. On a appelé Haley, et elle et Jack vont devoir....

— C'était Foyet ?

Spencer essaye de ne pas se laisser avoir par la vague de soulagement qui lui enserre la poitrine. C'est douloureux, et absolument pas agréable. Les soins intensifs : Hotch a failli mourir, et Spencer l'a vu sur la pelouse du Dr Barton.

Il a entendu sa voix. Pendant un instant, Aaron Hotchner a bel et bien été un fantôme.

— Oui. C'était Foyet. Il l'a poignardé dans son appartement, avant de se laisser devant l'hôpital pour qu'il soit soigné. On ne sait pas encore... vraiment bien ce qui s'est passé.

Elle ne le dit pas, mais Spencer comprend. Hotch a disparu pendant des heures et des heures : les blessures physiques, ce n'est que la face visible de l'iceberg. Les dommages sont sûrement bien plus irréversibles.

Un soupir s'échappe de ses lèvres et il ferme les yeux.

— Je peux... avoir un verre d'eau ?

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Des bisous !

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