𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚝𝚛𝚎𝚗𝚝𝚎-𝚌𝚒𝚗𝚚
Bonne lecture !
_________________________
Assis sur un banc près de l'esplanade, Spencer regarde la mer.
L'air lui fait du bien, et même s'il fait un peu frais il doit bien avouer que les embruns lui libèrent les bronches. La promenade n'est pas bondée, quelques personnes se baladent sur la plage, et même si lui a catégoriquement refusé de mettre un seul pied dans le sable, ces gens-là ont clairement l'air de s'amuser.
Des enfants trempent leurs pieds nus dans les vagues qui s'écrasent non loin de la digue. Le vent se lève : le temps a été gris toute la journée, pourtant Spencer n'a pas quitté ses lunettes.
Un soupir prend forme dans sa poitrine.
— Tu me manques, dit-il à haute voix.
À côté de lui, la place est affreusement vide. Il a l'impression de passer ses journées à attendre : attendre quelque chose qui n'est pas arrivé depuis des lustres, attendre de sentir cette petite sensation étrange qui lui fait toujours tourner la tête. Le silence le dérange presque.
Et là, tout de suite, face à la mer et à ses vagues agitées, il se sent tout à coup très seul. C'est étrange. C'est connu. C'est presque rassurant, en un sens.
— Je me suis toujours demandé pourquoi tu avais mes vêtements. Mes chaussettes.
Sa voix n'est pas forte. Il sait bien qu'à présent, personne ne s'arrêterait pour le regarder étrangement : les smartphones, les écouteurs, les appels. Tout ça lui aurait facilité la vie.
— J'avais oublié une partie de l'enquête. J'avais oublié que j'avais parlé à mon père. J'avais oublié que.... j'avais lu le dossier.
Parfois il se demande : a-t-il toujours vu Riley ? Ou bien ses souvenirs ont-il été dérangés, perturbés, et finalement il a rajouté des pièces là où il n'a jamais rien eu ? En ce moment, c'est la question qui le fait se relever le soir, une fois la nuit tombée. Il se lève, oui, se rend dans le salon, allume une lampe à la lumière douce, et lit des livres pendant une bonne partie de la nuit. Tant qu'il mange quelque chose une fois le matin venu, personne ne lui dit rien.
— J'avais besoin de quelqu'un, souffle-t-il. J'avais besoin de quelqu'un qui m'écoute, quelqu'un qui accepte que je parle, et tu étais là. Merci pour tout.
Vaste est l'horizon qui s'étale devant lui, et Spencer inspire une nouvelle fois avec force. Dans son dos, il entend quelqu'un s'arrêter.
— Tu... parlais à quelqu'un ?
Aaron Hotchner fait le tour du banc avant de se laisser tomber à côté de lui. Il lui tend le gobelet de café qu'il a été chercher, et Spencer l'accepte avec un sourire. Ses lèvres s'étirent encore plus lorsqu'il remarque l'éclat inquiet dans son regard.
— Non, à personne. Je parlais juste à voix haute.
Il ajoute, en voyant que ça ne semble pas suffire :
— J'étais juste... tout seul. Avant, j'aurais tout donné pour être seul et au calme. Maintenant, ça me fait un peu bizarre. Ça fait des semaines que je n'ai vu personne.
La main d'Aaron ne trouve pas la sienne. En revanche, son épaule se décale légèrement et Spencer peut sentir la chaleur d'une peau à travers leurs pulls. Il n'a même pas besoin de définir « personne », son intonation se suffit à elle-même. Ses doigts se crispent autour du gobelet brûlant.
— Tu ferais mieux de profiter du calme. On t'a déjà dit que les étudiants sont bruyants ?
— Il paraît. Mais je ne vais diriger que des classes de master ou plus. Apparemment, l'université est tellement ravie de m'avoir qu'ils m'ont laissé choisir.
Hotch lui lance un coup d'œil.
— Ils t'ont dit ça quand tu es allé les voir la semaine dernière ?
— Non. Ce matin.
— Tu as... ils t'ont appelé ?
— Oui.
— Et tu as décroché ?
— Incroyable, n'est-ce pas ? Je sais. Je suis content aussi. Je dis pas que je vais aller m'acheter un smartphone, mais je n'ai plus envie de lancer le téléphone fixe du salon par la fenêtre.
Ce qu'il a déjà fait. Trois fois.
— J'ai même lu les mails qu'ils m'ont envoyés sur ton ordinateur. Garcia m'a offert une liseuse pour mon dernier anniversaire, et elle m'a dit qu'elle pouvait me télécharger illégalement n'importe quel article scientifique de mon choix. Elle m'a même trouvé une liste de revues papier mensuelles auxquelles j'ai pu m'abonner. Tu savais que la revue Les Azols a commencé à être publiée en 1906 sous un autre nom et qu'elle a finalement été importée et traduite dans plusieurs pays car elle abordait des thèmes incroyables en allant chercher des professionnels aux quatre coins du monde ? Elle a été mise en pause pendant la guerre et a fini par disparaître dans les années 70, mais ! Mais j'ai découvert qu'elle venait d'être à nouveau publiée sous un autre nom et que tous les numéros étaient inédits. C'est pas incroyable ?
Hotch prend doucement une gorgée de café.
— Si, incroyable. Vraiment.... incroyable.
Son regard est si doux que le sourire de Spencer tombe un peu : il déglutit et rapproche leurs épaules.
— On devrait rentrer, souffle Aaron. J'ai dit à Jessica qu'on récupérait Jack avant le dîner.
Dans le coin de sa vision, la silhouette d'Aaron Hotchner se lève et l'emporte avec lui. Ses jambes sont pleines de fourmis et Spencer marche lentement pour s'éloigner du banc. Une fois au centre de l'esplanade, il ne résiste pas à l'envie d'y jeter un dernier coup d'œil.
Riley n'est pas là. Le banc reste vide.
Dans un dernier soupir, Spencer laisse enfin la mort, prisonnière entre ses bras, s'en aller librement.
_________________________
Des bisous !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top