𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚚𝚞𝚊𝚝𝚘𝚛𝚣𝚎
Bonne lecture !
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Quand Spencer ouvre les yeux, il peine à se rappeler si c'est la troisième ou la quatrième fois.
Son souffle s'accélère, la douleur met quelques secondes à lui parvenir, et un grognement s'échappe de ses lèvres entrouvertes. Relever sa tête le force à utiliser les muscles de son cou qui protestent vivement : il est obligé de s'y reprendre à deux fois simplement pour se redresser et regarder autour de lui.
Vision floue, courbature, douleur à la tête, envie persistante de vomir.
Il grimace et essaye de ne pas penser à ce qui se passera si sa commotion cérébrale n'est pas rapidement prise en charge. Il a envie de vider son estomac sur ses chaussures, essaye de se rappeler la dernière fois qu'il a été aux toilettes, et refuse de regarder les trous bleuis dans le creux de son bras.
Il remarque avec absence que l'un de ses pieds est nu. Il a perdu une chaussette. Ses orteils sont gonflés par les coups.
La pièce est vide : il n'y a que lui. Ses oreilles sifflent tellement qu'il met quelques secondes à comprendre qu'elle est aussi silencieuse. Quand il s'est réveillé pour la première fois, sa peur bouillonnait et les voix hurlaient. Le cimetière est proche, et c'est là qu'ils sont les plus bruyants. Ils sont perdus, effrayés, et tout résonne vers Spencer comme un frappement incessant contre l'arrière d'une casserole.
Il inspire profondément. Son cerveau ressemble à de la gelée, et voir ses souvenirs et la chronologie lui échapper ainsi est terrifiant : quand a-t-il à nouveau perdu connaissance ? Qui a-t-il vu en premier ? Raphaël ? Tobias ? Charles ?
Spencer déglutit, et ses yeux vitreux se posent sur la caméra dans le coin de la pièce. Il ne sait même pas si elle est allumée : tout est flou, ses lentilles sont tombées depuis un moment et il a toujours été myope comme une taupe, même sans drogue dans ses veines. Elle n'a même pas le temps d'être évacuée que déjà Tobias arrive avec ses yeux larmoyants et sa seringue pleine de délivrance.
Il a dit non la première fois. À présent, il compte trois autres trous dans son bras, et Spencer voudrait presque que Tobias arrive pour qu'il s'endorme gentiment. Pour que tout devienne silencieux, pour que ses côtes cassées et la douleur de son corps engourdi disparaissent. Charles cogne très fort. Raphaël le regarde avec des yeux froids.
Tobias a l'air constamment terrorisé.
— Spencer...
Il rouvre les yeux, et ne se souvient pas les avoir fermés. Devant lui, à à peine quelques pas de la chaise sur laquelle il est assis, Riley l'observe. Sa peau brille légèrement, comme toujours, et dans cette pièce obscure qui pue l'humidité et le sang, ça attire le regard de Spencer qui se perd et sent sa tête dodeliner.
— Spencer !
C'est autant un cri qu'un sanglot.
Sur les joues de Riley les larmes sont grosses et roulent sur sa peau jusqu'à goutter de son menton. Spencer les voit s'écraser au sol, et observe avec un regard lointain la terre devenir humide, puis à nouveau sèche. C'est un peu comme les journaux qui disparaissent une fois jetés sur le palier.
Spencer se souvient avoir essayé de parler à ce facteur une fois, étant petit. Il lui a roulé dessus, passant à travers son corps encore vivant.
— Spencer, tu ne peux pas.... tu....
Riley fait du bruit, et ça résonne à l'intérieur de son crâne. Il porte un t-shirt coloré, un t-shirt Doctor Who qui appartient à Spencer (au Spencer enfant) et a coincé le bas de son jean bleu foncé dans des chaussettes dépareillées.
Vivant, Riley trouvait marrant de s'habiller comme lui. Est-il mort ainsi ?
— Je n'ai que toi, renifle-t-il. Spencer, s'il te plaît, je n'ai que...
Il essuie ses joues, mais ça ne change pas grand-chose. La nuque de Spencer est raide et douloureuse, tellement qu'il finit par juste tout lâcher : ses yeux se ferment et sa tête retombe mollement contre le haut de son torse.
Chaque mouvement lui donne l'impression que son cerveau se cogne contre les parois de son crâne.
Les sanglots de Riley remplissent le silence. Il se demande pourquoi lui : pourquoi Riley, et pas les voix du cimetière.
— Ne pleure pas...
Sa voix se brise tellement facilement qu'il sent sa gorge se serrer de honte. Sa joue tuméfiée, son visage douloureux et ses lèvres tellement sèches qu'il est certain de les sentir s'ouvrir. Il ne perçoit pas le goût du sang, car ses dents ont coupé l'intérieur de sa bouche un peu plus tôt.
L'obscurité de ses paupières closes lui donne envie de vraiment s'effacer. Il a l'impression de pouvoir juste lâcher la rambarde et tomber en arrière : la chute est vertigineuse, mais ça serait la dernière.
— Ne pleure pas, Riley....
Il déglutit. L'intérieur de son coude le démange. La sensation d'euphorie a presque complètement disparu.
— ... n'en vaut pas la peine.....
— Spencer....
— 'regarde pas, d'acc.... ? S'il revient, alors regarde pas...
Il voit les images de Riley au parc, Riley qui l'écoute expliquer des stratégies d'échec, Riley qui s'assoit à côté de lui dans le salon pour regarder un documentaire. Spencer ne sait même plus faire la différence entre les souvenirs du Riley mort et du Riley vivant.
— S'il te plaît, Spence... juste une dernière fois...
La porte s'ouvre dans un fracas au moment même où Spencer se laisse aspirer par l'inconscience.
La seconde d'après, une main lui attrape les cheveux et le jette sur le sol.
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Je choisis....Aaron Hotchner.
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« Tu connais la bible ? Exode, chapitre 21, verset 17. »
« Que celui qui aura maudit son père ou sa mère soit privé de vie. »
Spencer a creusé. Il a creusé pendant tellement longtemps : ses mains tremblantes, ses jambes douloureuses, sa tête prête à éclater. Charles lui a dit de prendre une pelle, lui a enlevé ses menottes, et la seconde d'après il se faisait traîner à l'arrière de la petite maison, prêt à creuser sa propre tombe.
Creuser sa tombe. Un goût de sang dans la bouche. Les pensées confuses, pleines de souvenirs (le départ de son père, l'internement de sa mère).
Spencer a creusé jusqu'à ne plus sentir ses bras. Et quelques secondes plus tard, il pointait une arme chargée d'une seule balle sur Charles Hankel, tout en sachant qu'il tuerait à la fois Raphaël. Et Tobias. Le coup est parti tout seul, presque trop facilement : sa gorge tellement serrée et si douloureuse, l'adrénaline l'aidant à se mettre debout, à marcher jusqu'au corps tombé à terre.
Tobias a souri. Il a parlé de sa maman. Il a eu l'air si heureux, pendant l'instant où la vie quittait son corps : Spencer a presque cru regarder dans un miroir.
Il ne sait pas trop comment il a réussi à se relever encore une fois. Des mains ont attrapé son bras, des voix ont résonné autour de lui, et un soupir a fait vibrer tout son corps.
— Je savais que vous comprendriez.
Le sanglot est honnête et douloureux, mais la seule chose à laquelle il peut penser c'est être serré fort. Il entoure ses bras autour des épaules de Hotch tandis que l'homme le remet sur ses pieds, sans même penser à toutes ces germes dont il doit être couvert, et inspire profondément.
Tout a une odeur de sang. Le côté de son visage en est rempli.
L'instant ne dure pas longtemps : une pauvre embrassade, c'est tout ce à quoi il a le droit avant que le froid ne revienne. Spencer trébuche, vacille, n'arrive même pas à faire apparaître un sourire sur ses lèvres en voyant les visages sincèrement soulagés autour de lui.
Il a regardé Gideon. Il lui a menti. Il s'est agenouillé à côté du corps sans vie de Tobias, et a fouillé dans les poches de son manteau à la recherche des flacons encore pleins.
Personne n'a essayé de le retenir et juste comme ça, Spencer s'est senti glisser petit à petit.
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Des bisous !
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