𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚍𝚒𝚡-𝚗𝚎𝚞𝚏
Bonne lecture !
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Juste avant l'affaire, Spencer est allé à une réunion.
Il est resté debout devant des gens inconnus, et leur a dit que cela faisait dix mois qu'il était clean. Dix longs mois où il a cru être débarrassé, libre, jusqu'à récemment, où l'envie est revenue. Ses mains moites, ses mots hésitants, sa bouche pâteuse : la sensation d'être à la fois fier et de ne pas avoir sa place ici. Un homme l'a attrapé à la sortie. Il lui a tendu une pièce, une pièce d'un an de sobriété, et lui a demandé de la lui rendre quand Spencer aura la sienne. Dans deux mois.
Assis sur son canapé, la jambe agitée, Spencer Reid fixe cette pièce un peu sale qui a dû faire plus d'un voyage dans la poche d'un homme qui n'est jamais sorti sans. Un rappel de ce qu'il a fait, de ce qu'il a traversé, de ce qu'il a réussi à faire.
Il s'est senti à l'étroit dans son corps pendant les quelques jours qu'ont duré l'affaire, depuis qu'il est arrivé dans cette petite ville qui a semblé lui cracher au visage. Les regards du shérif, des habitants, tous ces coups d'œil qui lui hurlaient à quel point il était exactement pareil que le gamin qui se baladait avec un fusil d'assaut pour se venger. Intelligent, incompris, père violent ou absent, abus à l'école.
Spencer aurait pu se réveiller un matin et décider de se procurer une arme. Il aurait pu revenir de ce terrain de football, ce soir-là, et enfin craquer. Personne ne l'a aidé, à l'époque. Et aujourd'hui, personne n'a aidé ce garçon.
« Les garçons trouvent toujours une manière de régler leurs problèmes ». Oui, Spencer a déjà entendu des choses comme ça, et en général ça ne veut dire qu'une seule chose : débrouille-toi.
Il fixe cette pièce avec une boule dans la gorge.
Quand quelqu'un frappe à la porte, il sait très bien qui se trouve de l'autre côté pour deux raisons. D'abord, les coups sont secs et bien trop forts, pleins de colère. Ensuite, les voix se taisent d'un coup.
Spencer déglutit. Se lève. Dépose la pièce derrière un mug à côté de la TV, puis inspire un grand coup.
La porte s'ouvre sur le visage d'Aaron Hotchner.
— Hotch, je....
Il n'attend pas un mot de plus pour entrer à l'intérieur. Le claquement qui les enferme dans l'appartement résonne un instant, et Spencer se tord distraitement les doigts. Un coup d'œil lui suffit pour lire le langage corporel de son boss : épaules tendues, regard sombre, sourcils froncés, dos droit, mains tremblantes.
Hotch brûle de rage et essaye de toute évidence de se contenir. Spencer se mord la lèvre.
— Écoute, je...
Au milieu de son salon, l'homme se retourne vers lui. Il ne s'approche pas, et le fusille du regard en le faisant taire sans dire un mot. Sa bouche s'ouvre, il inspire, puis la referme. Ses doigts se perdent dans ses cheveux pour les ramener en arrière.
Spencer se mord la lèvre un peu plus fort.
— Tu aurais pu te faire virer.
— On a déjà parlé de ça.
Son boss, Hotch, lui a parlé dans l'avion : il l'a mis en garde, lui a dit que s'il recommençait quelque chose comme ça, alors il prenait la porte. Il a semblé presque compréhensif. Mais celui devant lui, celui qui l'observe avec les pupilles dilatées et les poings serrés, c'est Aaron.
Et Aaron a l'air hors de lui.
— Tu m'as menti, siffle-t-il en faisant un pas vers Spencer.
— Je...
— Tu savais ! Tu savais et tu m'as tendu ton gilet par balle en me mentant. Tu m'as regardé droit dans les yeux, merde !
Il ne hausse pas la voix, pas vraiment. Hotch n'a jamais besoin de crier : il gronde, et ça fonctionne. Spencer est bien placé pour savoir qu'un homme qui a grandi dans un foyer violent avec un père bruyant n'a aucune envie de hurler sa colère. Ou plutôt, il se refuse à le faire.
— Je voulais juste...
— Tu voulais te prouver à toi-même que tu pouvais aider ce gamin. Tu voulais lui montrer que ça ne se terminerait pas obligatoirement mal.
Spencer fronce les sourcils.
— Si tu sais, alors...
— Tu voulais te prouver que vous n'étiez pas tout à fait pareil. Que tu es plus fort que ça. Tu as testé tes limites. Tu as donné ton arme à Prentiss, tu m'as menti pour m'envoyer loin, et tu t'es rendu devant un meurtrier avec un fusil d'assaut sans gilet pare-balle ! Tu t'es mis précisément sur la trajectoire de mon arme, Reid !
Tout à coup il est devant lui, et ses mains glissent depuis sa nuque jusqu'à ses joues. Aaron Hotchner embrasse parfois délicatement, parfois avec brutalité, mais le premier contact est toujours ainsi : Spencer a l'impression d'être prêt à tomber en morceau.
Il ferme les yeux quand ces grandes mains brûlantes touchent sa peau.
— Je suis désolé, dit-il.
Il l'est, et à la fois il referait exactement la même chose.
— Tu ne... peux pas refaire quelque chose comme ça.
De grands doigts sur ses joues, qui dessinent la forme de ses pommettes. Spencer inspire profondément, sans trop savoir quoi ressentir : son cœur lui fait presque mal, et le silence se mélange à ses battements affolés. Hotch et lui ne sont rien, ou en tout cas rien d'important. Parfois, il reste quelques heures dans l'appartement trop vide de son patron et il repart tranquillement sans faire de vagues. Aaron lui a proposé de rester trois fois, sûrement pour être poli, mais Spencer sait définir les limites.
Il sait quand partir, quand ne pas s'attacher.
Et là, Hotch caresse ses joues car de toute évidence cet homme est tout simplement trop gentil. Il couche avec quelqu'un, et s'y attache. Ça ne veut rien dire, simplement qu'Aaron Hotchner est un homme bien qui traite ses partenaires sexuels comme des humains.
Spencer ne mérite sûrement pas ça.
— Je suis désolé, répète-t-il.
Hotch ne répond même pas. Spencer n'a jamais cru pouvoir réellement lire des émotions dans les yeux de quelqu'un, mais la colère se mêle à autre chose. Les mains se crispent, son souffle se coupe, et l'instant d'après des lèvres sont sur les siennes.
Un baiser un peu dur, un peu brutal, un baiser où Spencer sent une main ferme sur sa nuque, une autre dans ses cheveux. Un baiser qui lui arrache sa respiration, qui le fait plier, qui lui donne envie de fondre.
Aaron Hotchner a un goût de chewing-gum à la menthe, de café, et de réglisse. Spencer sait qu'il en a dans sa voiture.
C'est la dernière chose à laquelle il pense avant de sentir son dos rencontrer un mur. Puis il ne pense plus du tout.
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Des bisous !
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