𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝚍𝚎𝚞𝚡
Bonne lecture !
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Spencer passe la soirée à lire dans sa chambre.
La soirée, puis une bonne partie de la nuit. Il fait ça parfois, quand le sommeil ne veut pas venir et que ses yeux ne sont pas trop fatigués : il souhaite bonne nuit à sa mère qui est vraiment déréglée en ce moment, puis toque trois fois à la porte du bureau de son père. Le reste du chemin se fait dans le silence, jusqu'à ce qu'il la referme dans son dos.
Cette nuit-là, il y a de l'orage.
Spencer a lu plein de choses dessus : la vitesse d'un éclair, le décibel d'un tonnerre, le nombre d'habitations que des accidents enflamment par an. Le plus grand nombre d'éclairs enregistrés pendant un orage. C'est à la fois dangereux et terriblement beau. Il peut juste s'asseoir en silence près de sa fenêtre, un livre posé sur les genoux. Il le lit, puis le termine, et le recommence depuis le début en prenant son temps.
Quand Spencer relève la tête cette nuit-là, le silence règne dans la maison. Il a entendu la porte de la chambre de ses parents se fermer il y a deux heures et trente-trois minutes, et depuis sa mère regarde la TV dans le salon. Elle n'arrive plus trop à lire, avec les médicaments. Ce ne sont pas encore les bons. Spencer commence à se demander s'il y en aura, des bons.
Très lentement et avec des pas silencieux, il repose son lit puis se dirige vers la porte. Ses yeux commencent à devenir lourd alors il sait que le moment arrive, mais il sent également sa gorge sèche commencer à le gratter.
Spencer sort dans le couloir. Quand on reste éveillé plus tard que prévu à l'insu de son père, il vaut mieux ne pas faire de bruit : le sien lui dit toujours qu'il ne devrait pas avoir des cernes à son âge. Qu'il devrait encore faire la sieste. Et ne pas lire des œuvres aussi grosses pendant des heures une fois rentré de l'école.
Pour lui faire plaisir, Spencer a passé deux semaines dans un club de foot pour enfants il y a un an et demi. Il s'est cassé la jambe. Son père l'a désinscrit.
Sur la pointe des pieds, il remonte le couloir sombre en posant sa main sur le mur. Devant la porte du bureau, il entend quelques murmures mais ne tourne même pas la tête : des voix presque éteintes, trop lointaines, qui récitent des fiches de calculs et des statistiques sur les employés sous payés. Elles se taisent de temps en temps, mais la nuit Spencer les écoute râler pendant quelques minutes.
Il tend l'oreille puis continue son chemin en direction de la salle de bain. Un rai de lumière passe depuis le dessous de la porte et Spencer fixe ses orteils visibles dans le noir pendant quelques secondes, presque fasciné, avant de tendre la main pour ouvrir : la porte glisse sur ses gonds sans un bruit.
Le peignoir rose pâle de sa mère traîne par terre, tandis qu'elle verse quelque chose dans les toilettes. En se retournant, son regard coupable tombe sur lui et ses yeux s'ouvrent grands.
— Spencer, chéri...
Les lèvres de Spencer se serrent. La pièce a une petite odeur de vomi. Il voulait juste un verre d'eau.
— Maman, ça va ?
Sa voix est rauque. Il porte une main à sa gorge. Presque aussitôt, les doigts de sa mère sont dans ses cheveux et elle a traversé la moitié de la pièce. Elle écarte délicatement quelques mèches de son front.
— Tu as soif ? Ne bouge pas, poussin.
La lanière qui referme son peignoir est plus longue d'un côté et ça attire l'attention de Spencer. Il serre les poings en inspirant et en relevant la tête. Un gobelet rempli tombe rapidement dans ses mains, et Diana s'agenouille à sa hauteur.
Il boit lentement, comme un bon garçon. Elle le regarde attentivement, sans un mot, jusqu'à ce qu'il ait tout descendu. La lumière de la salle de bain est un peu trop violente, la pièce est étroite, et le genou de Diana devient humide ainsi appuyé contre le tapis mouillé.
— Maman ?
— J'ai commandé un livre, à la librairie de la rue d'en face. Je pense qu'il te plaira. Je viendrai te le lire lorsque je l'aurais récupéré.
Spencer déglutit, puis hoche la tête. Elle n'a pas répondu à sa question. Il ne répond pas toujours aux siennes non plus. Son père le leur reproche souvent.
— Ça serait bien. Ça fait longtemps.
— Je sais, mon chéri. Ça fait longtemps.
Il croit l'entendre renifler, mais quand leurs regards se croisent ses yeux à elle sont secs.
— Tu devrais aller te coucher, non ? Il doit être tard. Tu t'endormiras en cours, demain.
Demain c'est dimanche. Il ne dit rien, et acquiesce. Diana se redresse, et Spencer remarque son pyjama taché et les traces de dentifrice sur le coin de ses lèvres. Il y a une boîte circulaire, orange, transparente, ouverte, et complètement vide sur le côté du lavabo.
Elle n'a pas encore tiré la chasse. Elle va sûrement le faire dès qu'il aura quitté la pièce.
— Maman, est-ce que ça va ?
Ses cheveux tombent sur ses épaules. Il pourrait les lui brosser : attraper un peigne sur le côté, dans un tiroir (troisième tiroir de droite, tout au fond derrière la trousse à pharmacie) et la faire s'asseoir sur le sol pour qu'il puisse atteindre sa tête.
Ses cheveux à elle sont complètement blonds. Les siens ressemblent à de la cendre. Elle sourit timidement.
— Ça va aller. Va te coucher, mon chéri.
Elle fait courir ses doigts le long de sa mâchoire, avant de le lâcher. Spencer attend encore quelques longues secondes avant de hocher la tête.
Il déglutit, et souffle :
— Bonne nuit.
Si son père les surprend, il va encore soupirer et partir plus tôt au matin. Sa mère est toujours un peu plus heureuse quand il prend le temps de déjeuner avec eux. Quand il la laisse mettre la table. Ça arrive moins souvent, ces derniers temps, mais ça va revenir. Ça revient toujours.
Spencer sort de la salle de bain. La porte se referme dans son dos.
Il compte jusqu'à quatre avant d'entendre la chasse d'eau.
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Des bisous !
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