Chapitre 8 : Une bande bien particulière
— Ce n'est pas bizarre, rétorquai-je finalement.
Le rouquin plissa les yeux, attendant avec soin mes prochains mots.
— C'est...
Je réfléchis à vive allure, parce que je n'avais pas vraiment d'adjectifs sur le moment.
—Particulier, finis-je.
— Ok, c'est bizarre ! s'exclama la tempête, tout sourire.
Mieux valait éviter les mots trop recherchés pour lui !
— Tu ne l'entends toujours pas ? poursuivit-il, en reprenant mes lancers de bras.
Une vraie boule d'énergie, en effet, et un sourire très enfantin.
— Non, soufflai-je.
Même si je ne pouvais pas savoir si mon ami tentait de me parler.
— Oh... Trop dommage ! Aiden a pourtant essayé pleins de trucs ! Il t'a même dit...
Thibault se figea soudainement et cela me rappela la situation de la veille. Mes battements de cœur s'emballèrent et je cessai de respirer, les pensant tout proche.
— Navré, s'excusa le blond de tout à l'heure. J'ai arrêté le temps pour Thibault, je ne voulais pas t'angoisser.
Je portais tout juste mon attention sur sa personne, lorsque Cathy, en me poussant vers les canapés, reprit :
— Et donc Minah, je te présente Sean, le second plus vieux.
Personne ne semblait se préoccuper de leur ami et c'était moi l'anormale !
Je me retrouvai devant la télévision, face à leurs regards observateurs. Ils me donnaient l'étrange impression de me sonder et c'était désagréable. J'avais la sensation d'être jugée et leur placement en cercle n'arrangeait pas cette perception de l'instant.
— Bonjour ? me décidai-je à parler.
— Salut, répondirent-ils tous en cœur.
Le visage familier de Paul me rassura quelque peu. Il était assis sur le fauteuil le plus à ma droite et la place libre à côté de lui était sans doute pour Cathy. Cette dernière restait cependant près de moi, les mains sur mes épaules.
— Tu as une question d'après Aiden, reprit Sean.
— Aiden n'a pas...
Son don fonctionnait à l'envers pour moi, c'était vrai. Transmettre le message était-il une façon de s'arrêter de bouder ? Mon regard se posa un instant sur lui. Il n'avait pas pris place parmi ses camarades, restant debout, derrière le canapé trois places. Il était pile en face de moi et de celui que je pensais être le chef de la petite bande. Mon ami semblait refuser porter son attention sur ma personne. Le sol était attrayant, au vu de son regard insistant sur celui-ci.
— Minah voudrait connaitre nos âges, informa Cathy, puisque je ne parlais pas.
J'avais plutôt envie de soupirer, face au comportement de mon Soleil. Il avait perdu son éclat.
— Oh, question fort intéressante, commenta le blond en souriant.
L'instant d'après, Thibault vociféra envers lui. En colère d'avoir été taclé, il sauta sur la droite à Paul. Puis Sean relança ma question et l'enfant fut à nouveau de bonne humeur.
— Ça, c'est pour moi ! s'extasia le gamin. Gabriel est le plus vieux d'entre nous.
— En face de toi, glissa Cathy.
Celui-ci était donc le chef, comme je le pensais. Il me salua de la main avec un sourire carré. Ses pupilles brunes n'avaient plus l'air d'être amicales, sans pour autant paraitre dangereux. Il était difficile d'avoir une opinion sur lui, simplement en le regardant.
— Il compte 334 ans, poursuivit Thibault. Puis vient Sean et ses 300 ans tout pile ! Entre nous, cela ne le rend pas plus intelligent et plus gentil.
Celui-ci haussa simplement les épaules. Il était à côté du chef. Le blond était donc le bras droit ?
— Ensuite, Lucie et ses 288 ans. Elle a succombé très rapidement au regard ténébreux de Gaga.
Ce dernier tiqua au surnom et j'eus la sensation que la maison se mit à trembler. Un geste vers moi, de la part de Sean, fit revenir la situation au calme. Cela me semblait fascinant. Lucie m'adressa un regard attendri et une brise vint caresser mes cheveux. Je supposai qu'elle contrôlait le vent.
— En quatrième place, j'ai nommé Jérôme avec 212 ans.
Thibault sauta finalement sur ses pieds et se stoppa devant ledit Jérôme. Il avait des cheveux et des yeux bruns. Il se contenta d'un petit sourire à mon égard, même si son regard me perturbait. Il donnait l'impression de voir plus loin que ces murs.
— En cinquième position, il y a Camille, avec 190 ans. Malgré cela, elle reste une jolie fleur.
La concernée rit avant de balayer la main tendue de Thibault.
— Ta petite fleur va finir jalouse, commenta-t-elle.
L'enfant leva les yeux au ciel avant de présenter le petit-ami de ladite Camille : Arnaud, 180 ans. Il me salua de la main, en souriant. Puis, le gamin parvint à sa petite fleur et se mit à genou. Il lui prit la main et la baisa tendrement. Il pouvait donc être adulte de temps en temps.
— Mélodie, même si tu as 145 ans et moi seulement 68, les notes que tu fais vibrer en moi n'en tiennent pas compte.
Pas si adulte que cela tout compte fait. Il était relativement jeune, cela expliquait sans doute son énergie à revendre.
Mon regard glissa sur Aiden, qui avait refusé de me donner son âge. Si Thibault en avait soixante-neuf, il était plus jeune non ? Ce n'était peut-être pas une bonne nouvelle. Il lui aurait suffi de quelques années pour craindre les ombres ?
— 101 pour ma part, lança Paul.
Thibault s'était perdu dans le regard bleu métallique de sa chérie et avait oublié sa mission.
— Cathy a été mon cadeau pour mes 100 ans.
A côté de moi, la jeune femme rougit. Eh bien, voilà qui était rare !
— Je ne suis pas un cadeau, bougonna-t-elle en croisant les bras.
Ses joues gonflées étaient loin d'être en harmonie avec un tel comportement. Je souris, avant de poser mon regard sur Aiden. Il était le dernier.
— 50, se contenta-t-il d'affirmer.
Il m'évitait toujours et c'était agaçant. Les enfants, ça ne boudait jamais très longtemps en principe.
—C'est peut-être parce que je n'en suis pas un, que ça ne fonctionne pas, argumenta Aiden.
Ses pupilles bleues se plongeaient enfin dans les miennes et je réagis à peine à l'attention qui lui était soudainement accordée.
« Tu en as l'attitude. » pensai-je. Je n'avais pas osé le dire à voix haute, pour ne pas tomber dans les reproches. J'avais simplement oublié que son don était brouillé me concernant.
—Tu n'es pas beaucoup mieux, répliqua-t-il, piqué à vif.
Il croisa les bras, tandis que je fronçais les sourcils. Est-ce qu'Aiden et moi, on s'était déjà disputé ? J'entendais son rire, je voyais son sourire, je percevais son bras sous le mien. Mais rien de négatif. Pourquoi, jamais auparavant, je ne m'en étais aperçue ?
L'être surnaturel sembla vouloir réagir à mes propos, mais des rires fusèrent et il se tut.
—Excuse-les, s'empressa de demander Cathy. On est habitué à ce qu'il se taise.
Mon ami grogna, sans réfuter. J'aurais voulu être capable de clamer qu'il était empli d'humour débile, mais je me tus. Quelque chose m'avait échappé chez lui, c'était certain.
—Cathy a 17 ans, relança Sean, comme si de rien n'était.
Je décidai d'oublier le comportement de mon ami, parce que je n'avais pas envie d'arriver à une conclusion déplaisante.
— Je suis née il y a 17 ans, comme toi, confirma l'intéressée.
Je posai mon regard sur elle. Toujours à côté de moi, ses yeux bruns me rassurèrent. Ils m'étaient familiers et vrais.
— Et comme je ne fais pas encore officiellement parti de leur groupe, Aiden reste le plus jeune.
— Tu vas vivre aussi longtemps... qu'eux ?
— Une fois mon BAC en poche, je ferai officiellement partie des leurs et Sean arrêtera mon temps.
Pourquoi avait-elle esquivé ce « oui » ?
— Cathy souhaite absolument ce diplôme, débuta Paul. Je n'étais pas très rassuré de la laisser toute seule, alors je me suis inscrit aussi.
— Tu aimes l'école, gloussa Thibault.
Le petit-ami de ma voisine se contenta de sourire.
— Et Cathy ! renchérit Jérôme.
Celui-ci semblait toujours voir plus loin que ces murs et cela me perturbait un brin. Mon mal-être ne passa pas inaperçu aux yeux de mon amie et elle glissa sa main dans la mienne. Elle sourit affectueusement et j'en fis de même. Dans ce monde inconnu, j'avais des repères, des ancres qui étaient impossibles à déplacer.
Sean toussa plusieurs fois et les gloussements s'arrêtèrent. Mon regard se riva sur Gabriel. Il semblait las et n'avoir qu'une idée en tête : quitter la pièce au plus vite.
— Qu'y a-t-il ? questionna Sean.
Je reportai mon attention sur lui et fronçai les sourcils.
— Je n'ai pas pensé à Aiden, plaidai-je.
L'hilarité reprit pour certains et je ne trouvais rien de drôle à ma réaction. Il suffit que le deuxième plus vieux du groupe reprenne la parole pour les faire taire.
— Je ressens les émotions des autres, m'expliqua calmement le blond. Tu es déstabilisée face à Jérôme.
J'ouvris la bouche, tout en me disant que c'était incroyable. Cathy rit, tout autant que Sean et Paul. Aiden sourit. Les autres restaient perdus, ne sachant pas trop comment réagir.
— Pourquoi Jérôme ? s'agaça Thibault. Il est hyper commun, j'trouve ! J'veux dire, moi j'suis rouquin, c'est clairement mieux, non ?
Il me fixait attendant que je confirme. Seulement, son roux ne m'était pas plus frappant que le brun lumineux de son camarade. Moi, c'était le noir profond et le blond étincelant qui m'avaient toujours plu. Comme Aiden et Sean.
— Tu as pensé à Aiden ? s'enquit la petite-amie d'Arnaud, sa tête dans sa paume.
Je ne compris qu'après avoir observé mon ami, comment elle avait pu le deviner. Il avait décroisé les bras. S'il entendait mes pensées, il n'avait compris que son nom et celui de son ami. Rien d'autre. C'était problématique, comme don.
— Moi et Sean, rectifia mon ami.
De toute façon ma réaction le confirmait déjà. Il était donc inutile de mentir. Même si son ton me parut plus sec qu'à la normale. Tiens, moi aussi je me mettais à vouloir sa normalité.
— Merci, lança le second plus vieux.
Je voulus passer une main sur mon bras, mais Cathy ne m'avait pas encore lâché. La situation commençait à devenir gênante.
— Désolé.
Les excuses de Sean n'arrangèrent rien du tout et il se mit à me dévisager.
— Mon don te déstabilise plus que ton lien particulier avec Aiden, analysa-t-il calmement.
Je notai qu'il utilisait mon terme et non celui de Thibault, puis haussai les épaules.
—Aiden est mon ami. Toi...
Je penchai ma tête de côté, tout en y réfléchissant. Il n'était rien pour moi, pourtant, il était venu me sauver.
— Je ne sais pas ce que tu es, confiai-je.
— Un Luma, me répondit-il. Comme Paul, comme Cathy, comme Aiden.
J'avais la désagréable impression qu'il cherchait à répondre par lui-même à des questions qu'il se posait et je n'aimais pas cela. S'il me connaissait comme les petits nains ou comme Aiden, il saurait que je réponds toujours quand on me demande. Il était inutile d'être manipulateur.
Le lycéen aux cheveux noirs posa une main sur l'épaule de celui aux trois cents anniversaires et celui-ci s'excusa, puis revint sur le sujet de départ, à savoir Jérôme.
— Tes yeux sont bizarres, lançai-je alors.
— Quoi ? se vexa Thibault en se levant.
Il semblait énervé et parlait fort. Mes oreilles commençaient à bourdonner.
— En plus de ne pas aimer le roux, tu n'aimes pas les yeux bruns !
Sa voix était perçante, aigue, à la limite de l'insupportable. Je posai une main sur mon oreille gauche, espérant que le son s'en trouverait plus agréable.
— Dans quel monde vit-on de nos jours ! Je...
Il se tut subitement et le bourdonnement s'arrêta sitôt.
— Ce gosse est stupide, soupira Gabriel.
Sa voix grave n'avait rien à avoir avec le Luma de soixante-huit ans. Je faillis rire de ma comparaison. Les deux personnes n'avaient rien à voir l'une envers l'autre, tant physiquement que mentalement. Le chef du groupe en imposait, non seulement par sa carrure et sa prestance, mais aussi par son ton qui ne laissait place à aucune réprobation.
— Tes oreilles vont mieux ? s'informa sa petite-amie.
Je hochai la tête, tandis que Mélodie se tenait face à la boule d'énergie. Le temps s'écoula à nouveau pour Thibault et il n'eut pas le temps de poursuivre que les lèvres de la jeune femme se posaient sur lui. Quelle étrange méthode pour le faire taire ! Etait-il à ce point bavard ?
— Mon regard te semble sûrement bizarre, parce que je vois à travers les murs, m'informa Jérôme.
J'allais acquiescer, lorsqu'une chaise glissa derrière moi et que je tombai dessus. Cet imbécile m'avait effrayée inutilement ! Il n'aurait pas pu tout simplement me dire qu'il était capable de construire des objets ?
— Elle n'apprécie pas vraiment le cadeau, s'esclaffa Sean.
En posant mes yeux sur lui, je distinguais la silhouette d'Aiden et m'aperçut qu'il s'était effacé. Il n'avait ouvert la bouche que pour réagir à mes propos. Je détestai instantanément son attitude, tout autant que j'en fus peinée. Comment pouvait-il passer de Soleil à ombre aussi facilement ?
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