Chapitre 5 : S'il y croyait, j'y croirais encore plus

Aiden soupira, mais une lueur dans son regard me dit qu'il était content que je l'aie reconnu.

— Ce n'est pas le moment. Nathanaël va briser mes défenses.

Je serrai ses mains, le regard bien ancré dans le sien.

— Si tu penses ton espoir vain, pourquoi être toujours là, à te battre ? l'interrogeai-je.

Il était vrai que moi, je n'avais aucun espoir. Aiden n'avait aucune chance face aux six ombres, mais s'il y croyait, moi aussi j'allais y croire. Plus fort, plus intensément. Je misais tout sur lui, car je lui faisais confiance. S'il pressentait, s'il savait, s'il acceptait que notre combat soit perdu d'avance, alors je voulais bien accepter ma mort. Cependant, tant qu'une étincelle d'espoir brillerait en lui, je la laisserais m'atteindre. La mort était certes plus douce, mais la vie était bien plus belle.

— Parce que je ne peux pas t'abandonner. Je veux que tu vives, Minah. Si je laisse tomber, ils t'auront. Je ne peux pas l'accepter.

Etais-je normale de penser que ce qu'il disait était beau ?

— Tu es tellement imprévisible, soupira-t-il pour lui-même.

— Merci, lui répliquai-je touchée.

Il eut un sourire en coin, malgré le fait qu'il se frappe le front avec la paume de sa main.

— Mais si je meurs, sache que je suis touchée par ton acte.

J'étais un peu perdue, à vrai dire. La possibilité que les événements soient irréels ne m'avait pas tout à fait quittée.

— Je vais gagner du temps. Qu'importe ce qu'il se produit, ne fuis pas.

— C'est toi qui es bizarre, rétorquai-je. Tu me dis que je dois vivre, mais tu me conseilles de ne pas m'enfuir.

— Aies confiance.

Je hochai la tête au moment où le feu s'éteignit. Sans plus s'attarder sur mon compte, Aiden leur fit face. Un instant, j'admirai la force et le courage dont il faisait preuve. Un instant seulement. Car l'ami rieur me manquait déjà. J'aimais pouvoir m'évader en sa présence. C'était tout le contraire à ce moment-ci. Aiden m'enfermait dans la réalité.

— Je suis peut-être seul, mais au moins je ne suis pas lâche comme vous, lança-t-il.

Essayait-il de faire diversion en les provoquant ? Je n'aurais pas tenté à sa place. Ils pouvaient faire pire ; je l'avais constaté de mes yeux.

— La lâcheté c'est fuir, nous ne fuyons pas. Nous utilisons tous les moyens à notre disposition, rétorqua Sacha.

— Et ton amie est une proie pour le moins... divertissante, ajouta Martin.

Cela ne m'étonnait pas. Ses dents aiguisées étaient une preuve suffisante à mes yeux. Elles montraient toute l'horreur dont il était capable.

— Vous l'avez marquée pour vous divertir ?

La question aurait pu être curieuse, cependant, Aiden y avait mis tant de haine, que ses intentions étaient limpides : il désirait les tuer. Pour ça. Même si je ne savais pas ce que cela signifiait. Etait-ce lié à leur obsession pour mon cou ?

-— Vous n'y parviendrez pas, les menaça-t-il.

La seconde suivante, Sacha s'élança sur Aiden qui était devant moi. Seulement, j'eus l'impression que le temps s'arrêta brutalement ou du moins qu'il ralentit, hormis pour Aiden. Il se retourna vers moi et me poussa, de sorte à ne plus être sur la trajectoire de l'ennemi. Mon ami atterrit à côté de moi et l'assaillant finit sur le mur. Et six autres personnes nous entourèrent. Je reconnus de suite Paul. Les autres visages me disaient vaguement quelque chose. Etait-ce les amis dont j'avais oublié l'existence ? Cinq d'entre eux firent face à l'ennemi et un seul vint se concentrer sur Aiden et moi.

— Ne t'occupe pas de moi, prévint ce dernier. J'ai connu pire, affirma-t-il avant de se lever et de rejoindre le cercle formé par les nouveaux arrivants.

Le jeune homme face à lui soupira, puis s'approcha de ma personne en souriant amicalement. Ses cheveux blonds et son regard bleu étaient incroyables. Voilà que je me perdais encore dans des futilités, malgré la gravité de la situation.

— Je m'appelle Arnaud, ravi de te rencontrer. Je peux ? interrogea-t-il en approchant sa main de ma joue.

Ouh là que me voulait-il lui ? Il se présentait et il voulait directement poser sa main sur ma joue ? Pas si vite, papillon !

— Ne me touche pas, grognai-je.

D'accord, il connaissait Aiden et Paul, mais pour moi, il était un inconnu. Et les inconnus ne me touchaient pas.

— Eh bien, elle semble avoir oublié la peur, résonna une voix grave qui me ramena dans la réalité.

Ils étaient toujours là. La situation était-elle réellement moins catastrophique ?

— Et vous semblez la découvrir.

Cette voix aussi était grave. Mais elle était d'un ami à Aiden, un étrange personnage avec une coupe de cheveux similaires au chef ennemi. Etait-il lui aussi le leader de ce groupe-ci ? Il me semblait bien plus amical.

Arnaud me quitta des yeux et je jetai un œil à la situation. Devant moi, parfaitement alignés, se tenaient six jeunes hommes. Aiden était tout à droite. Ils faisaient office de barrage et de protection.

— J'espère qu'on évitera le combat, chuchota Arnaud, en se mordant la lèvre.

Il semblait peu ravi de la situation et je fronçai les sourcils. Pourquoi me venir en aide, sans le vouloir ? Aidaient-ils simplement leur ami ?

Je me concentrai sur la ligne ennemie. Le chef avait pris la position centrale et je supposai que leur ordre était stratégique. Les deux camps se connaissaient indéniablement bien. Etais-je un prétexte à l'affrontement ?

— Six contre cinq, c'est largement faisable, sourit le leader.

Mon regard se posa sur Aiden, qui serrait les poings. Visiblement, il était l'un de ceux qu'ils éliminaient d'emblée.

— Nous sommes sept, rectifia mon ami.

Le ton plaisantin qu'il arborait 99% du temps me semblait bien loin de celui-ci. Aiden était encore plus différent que sur le trajet. Où était mon soleil ?

— Arnaud n'est là que pour les soins et toi, tu nous es à tous inférieurs, scanda Sacha.

Encore lui ! Décidément, c'était un passe-temps de l'enfoncer ! Décidément, je m'éloignais encore de la gravité de la situation. Jusqu'à ce qu'elle ne me frappe avec encore plus d'intensité. En un battement de cil, Aiden se retrouva à terre, plaqué au sol par Sacha. Je criai son nom beaucoup trop tard. Mon ami était incapable de se mouvoir.

— Alors on est trop lent, Aiden ? sourit l'ennemi.

— T'en fais pas, me glissa Arnaud.

Je ne l'avais pas vu s'approcher !

— Aiden est parfois trop impulsif, mais on est tous là pour rattraper son manquement.

Il finissait sa phrase lorsque Sacha était propulsé loin de mon Aiden. Et cette fois, ce ne fut pas une douleur mentale qui me saisit, mais bien physique. On me brûlait à nouveau. Cela n'atteignit pas même mes doigts. Face à ma grimace, Arnaud avait simplement posé ses doigts sur mon cou et le bien-être m'avait envahie. Je devais admettre que son don était efficace.

Qu'est-ce que je racontais ? Un don ? Mais personne ne pouvait soigner rien qu'avec ses mains !

— Comment as-tu su ? interrogeai-je, le regard braqué sur les combattants.

Ils se faisaient à nouveau face, dans un silence des plus inquiets. Ils semblaient tous attendre un prétexte pour rompre la tension, d'une façon ou d'une autre.

— Tu n'es pas prête pour l'instant.

En avais-je vraiment besoin ? Je souhaitais des réponses et il était là, à côté de moi. Pourquoi ne pas en profiter ? L'illusion me semblait très bien ficelée.

D'un même mouvement, les deux camps s'élancèrent sur l'autre. Il y eut des éclairs, de la glace, de la terre, du feu. Tout cela colorait la fin d'après-midi de jolies couleurs.

— Comment vous nous avez trouvés ? questionnai-je.

— Aiden ne nous a pas prévenus que tu étais spéciale.

Tout autant que moi, Arnaud était concentré sur le mouvement des combattants. Je suivais particulièrement Paul et Aiden, car ils étaient les seuls que je connaissais. Si Paul ne revenait pas en un seul morceau, Cathy m'égorgerait sans discuter.

— Spéciale ? relançai-je.

Nous discutions sans porter notre attention sur l'autre. Cela ressemblait de plus en plus à un jeu, non ? Si nous en étions capable, c'était que tout était un mirage, non ?

— N'as-tu pas peur de ce que nous faisons ?

Oh, ces petites boules par-ci par-là ? Ces ennemis qui se figent ? Qui grognent ? Ces lances de glace qui tombent du ciel ?

— Je suis terrifiée, avouai-je.

Arnaud rit.

— Et fascinée, complétai-je.

Plus fascinée que terrifiée, d'ailleurs.

— Par notre monde caché ?

— Par lui, répliquai-je avec un mouvement de tête.

Aiden semblait danser parmi les flammes qui l'entouraient. Elles étaient jaunes, rouges, parfois bleues. Rien ne l'arrêtait et c'était magnifique. Il ne paraissait plus être un soleil, il l'était.

— Son feu, il a quelque chose de particulier pour moi.

C'était indéniable, car la foudre, l'eau, le vent et la terre de Paul donnaient un spectacle somptueux, sans que je n'éprouve le même sentiment face au pouvoir d'Aiden.

— Oh, intéressant.

Aiden laissa ses flammes bondir sur Sacha. Celui-ci l'esquiva et lui retourna la même attaque. Deux feux de même intensité, et pourtant ce n'était pas pareil pour moi.

— Il t'ensorcèle ? relança Arnaud.

— Il m'apaise.

La valse que je percevais à travers toutes ces attaques me rassurait. C'était beau.

— Ce ne sont pas les éclairs de Paul qui pourront te réconforter.

C'était certain ! Il aimait les grandes explosions et le fracas. Plus les risques de finir carboniser étaient grands, plus Paul était satisfait de son attaque. Il était frontal, là où Aiden se cachait presque.

Une ombre.

C'était si ironique ! Les ennemis étaient pour moi des ombres. Mais il était vrai que mon ami donnait l'impression d'en être également une. Je distinguais davantage ses flammes, que sa personne.

Tandis que le fracas du combat résonnait et que la nuit tombait, je restais là, à observer les événements. Je ne souhaitais pas m'enfuir. Et pourtant, il y aurait eu de quoi ! Puis, les six silhouettes sombres battirent en retraite. Aucun de mes sauveurs n'en fut pleinement satisfaits. Au contraire, ils semblaient encore plus inquiets. Une boule de nerf parvint encore à me sauter dessus, lorsque la pression retomba d'un seul coup. Mon corps décida alors qu'il était temps pour moi d'avoir une réaction normale. Mes yeux se fermèrent, tandis que je sentais encore le contact doux et apaisant du feu qui m'enveloppait.

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