Chapitre 39 : Acceptation
Aiden me dévisageait avec horreur, tandis que des points dansaient encore devant mes yeux à ce souvenir.
—J'ai détruit votre amitié à Sean et toi ?
Mon Soleil l'avait répété, que Sean et moi, c'était dangereux. Et j'avais passé énormément de temps avec l'être de trois cents ans.
Aiden fronça les sourcils.
—C'est vraiment ce qui t'a frappé dans ce que tu as vu ?
—C'est ce qui m'inquiète en premier, grognai-je en retour.
Je détournai le regard en croisant les bras. Evidemment, il y avait une autre affirmation qui me préoccupait, mais leur entente était une priorité. Je repensai à ma mère et son histoire de triangle amoureux. Elle n'avait pas totalement tapé à côté !
—Sean et moi, ça n'a pas changé. Il a été maladroit, mais rien d'irréparable. Est-ce que tu pourrais arrêter de bouder ? Je n'aime pas parler aux murs.
J'abdiquai en pivotant vers lui et, sans être moi-même préparée, je lâchai :
—Aiden, tu es amoureux de moi ?
Il parut un instant décontenancé, avant de sourire gêné. C'était incroyable, mais aucun doute n'était possible. Les mots qu'il avait lus et ceux de son feu étaient les mêmes. Aime-moi, car je n'aimerai que toi.
Je n'étais toujours pas prête, pourtant, le Luma se lança dans les explications.
—A la fête foraine, tu t'es fait la remarque que la rencontre des couples avait été les meilleurs souvenirs et que les célibataires avaient esquivé plus ou moins la question.
Parfaitement. Sean et Aiden s'étaient renvoyés la balle et Jérôme avait cité leur groupe, comme meilleur souvenir.
Son regard bleu était perdu, ne trouvant pas le moyen de me faire comprendre ce secret. Je tentai une petite diversion.
—Tu m'as aussi promis de me montrer des souvenirs, lui rappelai-je.
—J'ai dit peut-être.
—C'était une promesse.
—Tu me reprochais d'être un enfant, mais tu n'es pas mieux.
—Je n'ai jamais prétendu le contraire, souris-je.
« C'est tellement simple, et pourtant si compliqué. »
Je m'interrogeai un instant sur l'affirmation. Il avait tenu des propos similaires dans son souvenir, en précisant que ma condition d'humaine en était responsable.
Désespéré, mon interlocuteur soupira, puis, décidé, ne me quitta plus une seule secondes des yeux.
—Dans la vie d'un Luma, il n'y a qu'un amour possible. Sean a trouvé sa moitié, il y a cent cinquante ans et jamais il ne pourra aimer à nouveau. Il aurait dû mourir avec Déliane, mais il a survécu. Depuis, il s'évertue de protéger les âmes-sœur. C'est pour ça, qu'il y a vingt-cinq ans, Gabriel me suivait. Tout le monde pensait que Rose était la Luma qui m'était destinée. J'en étais aussi persuadé, parce que j'ai détruit un immeuble pour elle. Mike lui-même en était convaincu. Mais on s'est tous trompé.
Il me souriait tendrement à présent et ses paumes prirent les miennes.
—Les Lumas espèrent tous être liés à un autre Luma, parce que tout est beaucoup simple. Les mêmes règles, le même monde, les mêmes pouvoirs. Il y a quelques exceptions, comme Paul et Cathy, qui n'ont pas de dons en communs. Mais ça ne change rien au fait qu'ils ne peuvent plus se quitter, une fois trouvé.
—Les humains ? bégayai-je.
Je ne parvenais plus à soutenir son regard. Je m'adressais donc plus au mur qu'à lui.
—Tout est différent. Un Luma n'aime qu'une fois, pas vous. Un Luma ne connait que son âme-sœur, il meurt sans lui. Pas vous.
Il soupira en me lâchant les poignets et je reportai mon attention sur lui. Ses paupières étaient closes.
« Aime-moi, car je n'aimerais que toi. »
Je vacillai, mais il ne le vit pas.
—« Si je n'avais pas déjà aimé, j'aurais pu tomber amoureux de toi. » J'ai détesté Sean pendant cet instant, parce qu'il avait oublié que toi, tu pouvais tomber amoureuse de lui. Je me suis senti blessé, parce que ça me confirmait ce que je pensais déjà.
Il rouvrit brusquement ses yeux et la détermination qui y luisait me fit chanceler une seconde fois.
—J'ai cru que tu l'aimais et j'en ai souffert.
Définitivement, mes jambes me lâchèrent. Au même moment, la voix d'Aiden résonna dans mon esprit.
« Jérôme, une chaise. »
Des points dansaient sur le visage d'Aiden. Je n'étais pas prête, je l'avais dit pourtant !
—Si je ne t'aime pas... tu vas mourir ?
J'étais au bord des larmes, je ne distinguais toujours pas clairement ses cheveux noirs et l'éclat bleu de ses iris.
—Pourquoi c'est ta première question... bougonna-t-il.
Accroupi devant moi, il était tout juste à ma hauteur. Complètement déboussolée, je posai une main sur ses joues et réitérai ma question.
—Non, je ne vais pas mourir.
—Si je finis par aimer quelqu'un d'autre, tu mourras ?
—Tu n'as même pas encore clarifié la situation présente, le futur peut attendre.
Je secouai la tête. Non, l'avenir ne pouvait pas attendre.
—Je ne mourrai pas non plus pour ça.
—« 3 septembre 2023, le jour où mon cœur a cessé d'en souffrir » Tu as compris ce jour-là ?
Il se contenta d'un mouvement de la tête pour réponse. Le contraste entre ce geste et l'intensité de son regard me troubla.
—Alors, je suis ton âme-sœur ? C'est pour moi que tu as brûlé Mike, pas pour Rose ?
Cela me semblait irréaliste. Il avait dédié un journal à leur histoire, des centaines de pages pour crier sa souffrance. Et pourtant, il était en train d'affirmer que j'étais liée à lui, plus que Rose ne l'avait jamais été.
—Pour toi, oui. Comme c'est pour toi que je suis entré dans ce lycée, je n'y étais pas inscrit, j'accompagnais Jimin et Cathy. C'est pour toi que je me suis entrainé, que je me suis éloigné. Tu n'avais pas peur d'eux, mais moi si.
Lentement, les prunelles bleues se mirent à s'embrumer.
—Mes pouvoirs en sont devenus capricieux, j'avais peur de te blesser, sans le faire exprès. Tu ne t'es pas rendue compte, à quel point j'étais terrifié de te perdre. A quel point j'en étais désordonné et imprévisible. Plus je me suis éloigné, plus tes pensées me faisaient mal. Je ne savais pas comment revenir, parce que je ne pouvais plus rire, ni même sourire.
Les larmes se déversèrent lentement. Aiden avait tant gardé en lui !
—J'avais peur que tu me détestes. Tu n'avais pas vu le Luma et le sang sur mes mains. Puis, ils t'ont kidnappée et tu m'as montré à quel point tu avais confiance en moi.
« Je ne veux plus jamais le revivre. »
—Ce lien, il t'a sauvé la vie et je m'en souviendrais pour nous deux pour l'éternité.
—Je n'ai pas l'éternité, confiai-je en me décidant à sécher ses larmes.
Le Luma eut le souffle coupé à mon contact. Pourtant, rien ne changeait vraiment. J'étais toujours Minah et lui, Aiden. Puis, il se ressaisit.
—Gabriel ne t'a jamais aimée, parce que pour moi il espérait une Luma aux mêmes dons. Mais si tu veux l'éternité, il autorisera Sean à te la donner.
—On ne rigole pas avec les âmes-sœurs, chez vous.
Je n'avais rien trouvé de plus intelligent à dire.
—Non, confirma-t-il dans un sourire.
« Je déteste te voir pleurer. J'aime ton rire. Je déteste ton absence. J'aime tes mots. Je déteste te savoir en danger. J'aime qui tu es. Est-ce que ça veut dire que tu es mon âme-sœur aussi ? » questionnai-je mentalement.
—Non, pas forcément. Surtout que je ne comprends pas ta façon de penser. Mais... tu as à plusieurs reprises été perdue par rapport à tes émotions, non ?
Je hochai la tête.
—Ce n'étaient pas les tiennes, mais les miennes.
J'ouvris la bouche, prête à hurler que c'était géniale comme truc, mais Aiden poursuivit, alors je patientai.
—Tu as vu mes flammes devenir moi, parmi tes Bisounours. Je ne crois pas qu'elles aient une âme, je crois qu'elles sont mon âme. Et...
Il pinça les lèvres, indécis sur la suite.
—Tu m'entends, n'est-ce pas ? Tes pensées ont parfois été incohérentes durant mon explication. C'est parce que les miennes t'étaient perceptibles, non ?
—Est-ce que si c'est vrai, ça fait de toi mon âme-sœur cette fois ?
Mon cœur s'emballait étrangement, même si je n'étais toujours sûre de rien.
—Oui.
—Aiden, débutai-je en chuchotant.
Il parut décontenancé, avant de s'approcher plus près de moi.
—Si nous sommes des âmes-sœurs, ni Arnaud, ni Camille, ni personne d'autre ne pourra me faire oublier ta voix, ton visage et ton amour, n'est-ce pas ?
C'était le principe qu'évoquait les livres et celui en lequel croyait mon père. Je n'avais jamais vraiment adhéré à l'idée, parce qu'elle m'avait toujours paru effrayante.
—Est-ce que cette question méritait vraiment tant de mystère ?
—Je voulais juste que tu sois plus près.
« Pourquoi, alors qu'elle m'agace parfois tellement, je souhaite être encore plus proche ? »
—Parce que tu m'aimes ? soufflai-je.
Ce n'était pas une très bonne idée, avec ces quelques centimètres qui nous séparaient. Aiden déglutit, sans rien dire. Je pense que c'était inutile.
—Aiden...
—Quoi ?
—Tu pourrais arrêter de fixer mes lèvres et plutôt m'embrasser à la place ?
Son regard ahuri et ses joues roses me satisfirent énormément. Lui qui parlait de liens forts depuis le début, lui qui avait cinquante ans, rougissait pour une simple demande comme celle-ci ! C'était hilarant !
—Ce n'est pas drôle, plaida-t-il.
—Pourquoi tu hésites, alors que tu l'espères depuis si longtemps ?
Il voulut reculer, mais j'avais anticipé et mes bras passés autour de son cou l'empêchaient de s'enfuir.
« J'ai peur que tout ne soit qu'une illusion. »
—Je suis bien réelle et tu le saurais, si tu le faisais.
—Tu es sûre de toi ?
—Hé, c'est censé être mon premier baiser, pas le tien ! me moquai-je.
Il avait été drôle, naïf, enfantin. Je ne pouvais pas l'imaginer comme petit-ami, pour ça. Je l'avais enfoui au plus profond de mon cœur, tentant d'oublier tout ce qui pourrait me dévier de ma décision. J'avais effacé tous les gestes, tous les comportements, toutes les pensées, qui auraient pu trahir ces sentiments impossibles. Parce qu'il ne correspondait pas à mon idéal, parce qu'il n'était pas ce que j'imaginais, j'avais fait barrage à mes sentiments. Mais j'ai vu ses faiblesses, ses défauts, ses peurs et ses angoisses. Et plus que tout, j'ai ressenti son amour, éternel envers ma personne, tandis que son cœur était proche de l'arrêt cardiaque. Tandis qu'il redevenait un adolescent. Tandis qu'Aiden posait ses lèvres sur les miennes.
Le monde autour de moi pouvait bien mourir, je n'en avais rien à faire.
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