Chapitre 38 : Confession masquée

Aiden riait lorsque mes paupières se relevèrent. Ma perte de connaissance n'avait duré qu'une seconde, le temps d'un battement de cœur. C'était largement suffisant ! Face à moi, il y avait toujours le miroir et mon reflet me faisait peur. Je donnais l'impression de ne pas avoir dormi depuis des siècles. C'était inquiétant. J'avisai ensuite les bras d'Aiden, qui me soutenaient et bondis immédiatement sur mes pieds.

—Ce n'est pas drôle, imbécile !

Dans mon intelligence suprême, j'avais accompagné les mots d'un geste. Je n'avais même pas encore atteint son torse avec mes petits poings, qu'il me stoppait.

—Tu nous as harcelé durant des mois pour ce secret et maintenant, tu te défiles ?

Je voulus reculer, mais mes poignets étaient fermement emprisonnés. Alors, je me contentai de tourner la tête et de gonfler mes joues. Pourtant, lorsque je sentis qu'il me lâchait, je revins instantanément à lui. Je connaissais déjà une partie de ce secret, mais la mine préoccupée d'Aiden et ses flammes agitées me permirent de conclure qu'il y avait plus. Son anxiété déteignit sur moi et je me surpris à lui serrer la main, pour le rassurer.

Qu'est-ce que je fichais ?

—Ça fonctionne pour moi, remarqua le Luma.

« Elle n'y pense jamais. »

J'allais demander de quoi il parlait, lorsque je m'aperçus qu'il n'avait pas prononcé cette dernière phrase.

—Je t'écoute, répliquai-je à la place.

J'étais parfaitement concentrée et nerveuse. Ou pas. Une tâche sombre se dessinait sur le t-shirt de mon Soleil. J'hurlai à la mort tout en tâtant le tissu.

—Je ne suis pas en sucre, mais n'abuse pas s'il te plait.

Je plaquai mes bras contre moi, tout en le dévisageant. Puis, me ressaisissant, je déclarai chercher Arnaud ou Camille. Il était hors de question de le laisser comme ça. Je n'étais pas encore à la porte que le feu me faisait office de barrage.

Je fusillai le Luma en croisant mes bras. Employait-il réellement ses flammes contre moi ?

—J'ai brulé la plaie pour éviter de perdre trop de sang.

—Tu as fait quoi ? répétai-je à deux doigts de m'évanouir.

Il m'expliquait calmement que sous cette auréole rouge se trouvait une brûlure.

—Arnaud me soignera plus tard. Tu vas prendre ce prétexte pour t'enfuir, sinon.

Très justement, même si j'étais réellement inquiète de sa blessure. Même neutralisée en surface, elle le faisait souffrir de l'intérieur.

Et je craquai.

Je n'étais pas faite pour les ascenseurs émotionnels. Il me fallait de la stabilité et des faits pour parvenir à rester droite.

—Pourquoi pleures-tu ? m'interrogea Aiden.

Son regard juste devant le mien, j'eus l'impression de m'y noyer. Son bleu ressemblait au ciel et j'avais grandement besoin d'évasion à cet instant.

—J'attends ton réveil depuis... je n'en sais rien et Cathy me stressait avec ses visions et tu as mal et je ne sais pas ce qu'il se passe. J'ai très envie de pleurer.

« C'est moi. »

Mes larmes furent effacées grâce à ses doigts glissant sur mes joues. La douce chaleur de son feu m'envahit et le réconfort me gagna instantanément. Concentrée sur sa personne, j'avais oublié son collier et je le saisis, comme pour me rattraper.

« Je veux l'embrasser. »

La phrase résonna alors que mon Soleil s'éloignait de ma personne.

—Est-ce que tout le monde va bien ?

Je ris mentalement à ma propre question. J'interrogeai le Luma qui avait sans doute dormi plusieurs heures et qui n'avait vu personne, hormis moi, depuis son réveil. De nous deux, c'était moi qui aurais dû savoir si tout le monde allait bien.

—Oui, me répondit pourtant mon Soleil. Aucun de nous n'a été grièvement blessé et tu détournes encore le sujet de la conversation, grogna-t-il.

Le terrain était toujours glissant !

En réponse à mon sourire maladroit, le Luma effleura ma joue et le monde tangua avant de disparaitre. J'étais à nouveau lui.

La feuille, si légère, si simple, est face à moi. Il y a maintenant deux mois que je l'ai écrite, mais elle n'a jamais quitté mon bureau. Les lettres commencent à s'imprimer dans ma mémoire, même si je ressens souvent le besoin de la relire. Ainsi, tout en passant mes doigts sur mes mots, je le fais pour la nième fois.

« Reviens-moi. Relève-toi. Bats-toi. Crois-en moi. Regarde-moi enfin. »

Je n'ose pas te le dire. Les mots sont là, dans mon esprit. Ils sonnent beaux, ils sonnent vrais. Ils sonnent authentiques. Pourtant, je ne parviens pas à les prononcer. Il y a ce sourire que tu affiches en me regardant et ces mots qui dansent dans mon esprit. « Aiden est mon ami, mon soleil. » Combien de fois le penses-tu ? J'ai cessé de compter. Je souffre, mais ta joie m'empêche de sombrer. Je ne suis pas rien à tes yeux, je suis quelqu'un que tu apprécies. Je m'y accroche, à cette idée. Mais j'aimerais tant que tu me regardes enfin. Que tu t'aperçoives qu'à travers mes rires, qu'à travers mes blagues, je ne suis rien de ce que je parais. Je suis sombre et froid, blessé et blessant. Pourras-tu y survivre ? Je regrette tant de t'avoir faire croire en cet Aiden rieur et blagueur.

« Analyse-moi. Lis en moi. Soutiens-moi. Aide-moi. Souris-moi, comme tu ne souriras jamais à personne. »

Par-delà ce personnage que j'ai créé, par-delà ce lycéen, je suis un homme meurtri. J'ai tant souffert par le passé. J'ai encore mal, en me rappelant son corps, dans cette boite. Et ces quelques mots griffonnés à la hâte. « Joyeux anniversaire, Aiden. ». Ce n'était pas ce jour-là, mais la veille. Pourtant, je n'ai jamais pu oublier. Jusqu'à ta venue. Tu es mon phare, dans les vagues qui semblent vouloir m'emporter. Je me sens mieux, quand je te vois. Plus que de me soutenir, tu m'aides à aller mieux. Tu apaises cette mort d'autrefois et j'ai parfois l'impression qu'elle n'a jamais existé. Mais tu me souris, comme à un ami. Tu penses à moi, comme à un ami. Si tu savais ! Je prie chaque jour que ton sourire devienne unique à mon égard.

« Suis-moi. Approche-moi. Enlace-moi. Comprends-moi. Aime-moi, car je n'aimerais que toi. »

Pourras-tu un jour franchir ce pas ? Franchir cette ligne que tu t'es tracée, celle de l'amitié ? Je le désire tant. Je souhaiterais que tu me suives, comme j'ai envie de le faire, juste pour m'assurer que tu ne te perdras pas dans tes pensées, concernant ma blague du jour. Je souhaiterais que tu m'approches, comme moi je me rapproche de ta personne. Tu ne me repousses jamais, mais tu n'en es pour autant pas l'initiatrice. Pourtant, j'aimerais que tu m'enlaces, comme si ta vie en dépendait. Moi, sois certain que c'est ainsi que je l'imagine. Tu es mon ancre, tu me fais tenir debout, malgré les tempêtes de la vie. J'ai besoin de toi, de tes mots, de ta tendresse et plus que tout, j'ai besoin de ta compréhension. Le monde pourrait s'arrêter de tourner, si toi, tu me comprends, je n'aurais besoin de rien d'autre.

Parce que tu m'es essentielle. Parce que tu es unique. Parce que tu es mon monde, Minah.

Aime-moi, car je n'aimerais que toi.

Tout est encore si vrai. Toutes ces pensées tournent souvent dans mon esprit. J'ai souhaité froisser ce morceau de papier autant de fois que je l'ai eu entre mes mains. Je ne pourrais sans doute jamais le lui tendre. Je suis son Soleil, pas sa moitié. Je l'entends, mais elle reste sourde à mes « je t'aime », lancés si souvent.

—Encore à la relire ?

Je sursaute à la question de Sean, dans l'embrasure de la porte.

—J'ai senti ton hésitation et Jérôme m'a confirmé te voir assis là.

Je soupire en faisant à nouveau face à l'encre noir. De tous les Lumas de notre groupe, Sean est celui avec qui je m'entends le mieux. D'une certaine façon, il comprend mon désarroi face à la situation.

—Tu la connais par cœur, maintenant, non ?

Mon visiteur imprévu s'approche de mon bureau et s'y appuie, juste à côté de moi. Il croise ses bras et me fixe. Même si c'est à lui que je me confie le plus, j'espère qu'il ne rencontrera jamais Minah. Il a beau avoir des yeux bruns communs, ses cheveux blonds sont magnifiques. Elle les adorerait et je détesterais ça.

—Non, pas encore.

—Tu ne comptes pas la lui remettre.

Ce n'est pas une question, parce que je le pense sincèrement. Ce bout de papier est aux antipodes de qui je parais devant elle. Comment prendrait-elle le fait que son ami rieur et blagueur soit un mordu des lettres ? Et mon âge ? Tout est trop compliqué avec une humaine.

—Elle pense sans cesse que je suis un excellent ami.

—Elle t'appelle son Soleil.

—Et ami, réitéré-je.

Il secoue la tête sans rien ajouter. Je sais ce qu'il pense, qu'en rencontrant Minah, il pourrait en savoir davantage. Il a déjà pensé la rencontre, pour que cela n'attire pas l'attention. Cependant, j'ai refusé et je refuserai toujours. Sean et Minah est synonyme de danger.

—Tes mensonges ne t'aideront pas à prendre la bonne décision, Aiden.

—Je suis obligé de m'y enliser, il est trop tard.

—Il sera trop tard le jour où elle poussera son dernier soupir.

Sean pense à Déliane, la Luma morte dans ses bras, il y a près de cent cinquante ans à présent. Il vit avec les images et je l'admire pour cette raison.

—Comment as-tu su pour Déliane ?

Un voile sombre traverse son regard. Il n'aime pas en parler et je le comprends.

—Exactement de la même façon que toi tu l'as su. Je n'ai pas eu le temps de la connaitre, c'est peut-être ce qui m'a sauvé la vie, finalement. Tu as peur de te tromper une seconde fois ?

—J'étais aussi persuadé à l'époque....

Même si Rose ne cesse de devenir toujours plus flou dans mon esprit, je ne parviens pas à m'y accrocher. Minah ne mérite pas d'être trompé.

—Je peux te certifier que ce que tu ressens aujourd'hui n'a rien à voir avec ce que tu ressentais pour Rose. Tu désirais une vie d'humain et tu t'y accrochais. Tu n'es plus le même et moi non plus, j'ai perfectionné mon don.

Une main sur mon épaule, il utilise son pouvoir afin que je me sente mieux. Mais je ne sais toujours pas comment parvenir à le lui dire. Notre monde est bien trop anormal pour elle. Comment pourrait-elle y survivre ?

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