Chapitre 35 : La crainte du vide
Un boum résonna et je relevai les yeux pour découvrir Aiden, sur le point d'être transpercé par une lance de glace. J'avais frôlé l'arrêt cardiaque, avant de constater qu'entre lui et l'arme, quelque chose se brisait, lui permettant de se défendre.
« Je suis désolée. Je suis désolée. »
Bien sûr que cette inattention était due à mes pensées chaotiques. Plus j'essayais de me taire, plus je parlais. C'était agaçant.
— C'est à ça que je sers, informa Cathy.
Je m'attardai sur Paul, qui affrontait Martin. Il s'aidait de la terre pour parer les coups puissants de son adversaire.
— Pardon ?
— Les erreurs, ma barrière s'en charge. Si j'ai besoin de me concentrer sur eux, et pas sur moi, Mélodie et Lucie sont là. Si je commets une erreur, ce sont elles qui rattrapent. Je n'ai pas eu de mal à m'inclure dans leur stratégie de groupe.
— C'est sexiste comme plan.
Les yeux ronds, on me fixait. Puis ils s'esclaffèrent.
— Ce sont les membres masculins qui s'occupent véritablement des plus forts et les membres féminins sont relégués à la position de défense. Lucie bat toujours Jérôme avec une facilité déconcertante et laisser Mélodie et Taehyung combattre ensemble permettrait d'augmenter leur puissance. Gabriel est compétent, mais il a 300 ans et reléguer les femmes au second plan doit être une vieille habitude coriace.
Les yeux ronds, on me fixait. Plus aucun d'entre eux n'avait envie de rire.
— La meilleure stratégie, c'est de laisser les combattants à distance, à distance et les autres face à l'ennemi. C'est le plus logique, non ?
Je fixai Cathy, parce qu'elle était la plus jeune, elle n'avait pas les mêmes mœurs que les autres. Elle avait grandi dans un temps où l'émancipation de la femme était plus grande, même si rien n'était encore acquis.
Son regard se perdit dans le vide, avant qu'elle ne revienne sur Terre. Enfin, c'était l'impression qu'elle me donnait.
— Préviens Aiden, on change de plan, sourit mon amie.
— Moi ? questionnai-je.
Je me focalisai un instant sur lui qui faisait reculer Mike. Je souris, contente que ce dernier reçoive quelques brûlures bien méritées.
— C'est facile, non ?
Un peu perdue, j'acquiesçai et réexpliquai mon raisonnement à Aiden. L'espace d'une seconde, je crus que rien ne se passerait, puis le combat se suspendit et l'échange fut fait. Mélodie et Lucie rejoignirent leur moitié -Gabriel me lança un regard noir au passage- et Sean prit leur place.
— Et s'ils brisent la barrière ? s'inquiéta-t-il.
— Tu es capable de stopper le temps et je ne pense pas qu'avec cette répartition, ils peuvent faire quelque chose.
Sean siffla, puis me complimenta sur le fait que, finalement, je pouvais avoir des réactions normales et logiques. Je ne savais pas trop si c'était un compliment ou pas. Je préférai donc ne pas relever et reporter mon attention sur le combat. C'était étrange de constater à quel point mon regard était systématiquement happé par Aiden. J'essayais vraiment de ne pas me laisser distraire par son feu, mais il rayonnait tant ! J'avais cette impression qu'il m'appelait sans cesse.
Purée, c'était devenu vraiment étrange.
— Pourquoi tu es contrariée ? questionna Sean.
Il ne me regardait pas, se concentrant sur le combat, sans doute usait-t-il de ses pouvoirs de loin.
— Je suis arrivée à une conclusion que j'ai dû mal à accepter...
Un autre fracas retentit et, sans même le voir, je sus qu'Aiden avait une fois de plus était en difficulté.
— Il n'a pas l'air d'aimer non plus, rit le plus âgé.
Ce n'était absolument pas drôle. Aiden frôlait la mort par ma faute !
— D'accord, d'accord, ce n'est pas drôle.
Une main sur mon épaule, mon voisin tentait de m'apaiser. C'était vain, je le sentais. Aucune magie ne pouvait me détendre, face aux déferlements de pouvoirs face à moi, ni à cette pensée qui s'ancrait de plus en plus dans ma tête.
Je décidai de fermer les yeux, me concentrant sur la chaleur tout autour de moi. J'espérai y trouver cette sensation d'être ailleurs, mais bien vivante. Cela fonctionna. Il n'y avait qu'elle et ce sentiment de sérénité. Puis, tout disparut d'un seul coup et je rouvris brutalement les yeux, alarmée.
— Aiden ! hurlai-je.
Mon pouls s'accéléra, devant le vide qui me gagnait rapidement. Je le cherchai parmi les combattants, mais aucune trace de lui n'était visible. J'avais ce sentiment que mon ami allait être détruit, que le danger était tout proche de lui, trop proche. J'avais peur, et cette peur était irrationnelle. Sa vie avait été en jeu depuis le début, alors pourquoi la panique me saisissait-elle à ce point ? Mes mains commençaient à trembler et l'envie de pleurer me saisissait fortement. Je ne percevais plus les bienfaits du Luma de trois cent ans à mes côtés et la main de Cathy dans la mienne me semblait lointaine.
Puis, mon voisin se décala sur la droite et un choc résonna. Cathy retira sa main avant même que je ne me retourne. Je découvris Aiden dos à Sean, au sol, en même temps que le feu reprenait sa place près de moi. Sans trop réfléchir, je me précipitai à ses côtés. Il grimaçait en se décalant, pour permettre à Sean de se relever.
Toujours au sol, je tâtai chaque recoin de son visage, pour vérifier qu'il allait bien. Mes larmes coulaient, sans que je ne sanglote pour autant. J'étais soulagée de constater que la vie battait toujours en lui. Il se laissa faire, trop décontenancé pour réagir. Il me fixa longuement ahuri, puis il se saisit de mes mains, afin de me stopper. Je tentai alors de reprendre une respiration normale.
— Il ne peut pas m'arriver ce qu'il t'est arrivé. Fais-moi confiance.
Je hochai la tête, sans trop réussir à croire. Comment peut-on croire ce qui nous échappe ?
— C'est dans ce vide, qu'ils m'ont emmenée ? questionnai-je la voix blanche.
— Oui et tu n'y retourneras pas.
Je fermai en instant les yeux en avalant ma salive. Se calmer, raisonner de façon logique.
Nous finîmes par nous lever, mais je ne parvenais pas à lâcher ses mains. La mort semblait toujours rôder autour de moi, de lui, de nous. J'avais l'impression que si je m'éloignais, elle m'emporterait avec elle.
— Pourquoi faut-il que tu aies une réaction normale quand je l'attends le moins ?
Aiden souriait et son ton chaleureux était réconfortant. Sa légèreté aussi. Il était là, tandis que ses amis se battaient.
— C'est pour te confirmer que je ne suis pas normale, d'après ta définition.
Camille s'avança discrètement vers nous et posa sa main sur l'épaule à Aiden. Je supposais qu'elle en profitait pour le soigner. C'était une bonne chose.
— Il ne t'arrivera rien.
Je me laissai bercer par les flammes, je me laissai berner par sa confiance. Puis, je serrai brièvement ses mains, acquiesçai et repris mes membres vers moi.
— Et pour ton affirmation, on en discute après leur mort, d'accord ?
Sa gêne me fit doucement rire, mais je m'écartai de son chemin et il reprit place parmi les siens. C'était sa famille, son avenir, sa vie. Il n'allait pas tout abandonner, comme ça, du jour au lendemain. Pourtant, je le souhaitai ardemment, là, devant leurs silhouettes sombres et leur sourire mauvais. Je ne souhaitais pas que le Luma se blesse.
Soudain, Cathy s'alarma et me saisit le poignet.
— Préviens Aiden, toi et moi, on doit partir. Tout de suite.
— Pour...
— Préviens-le.
Son beau regard brun était effrayé. Alors, j'obéis et, après qu'elle eut obtenu confirmation à ce propos, elle se mit à courir loin du combat, comme si elle fuyait. Je ne comprenais pas, Paul était là-bas. Sa moitié se battait. Pourquoi s'éloigner ? Pourquoi briser sa barrière à un moment pareil ?
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