Chapitre 33 : Son feu

Leur regard braquait sur moi, ils se délectaient de ma peur. Je tentai de me rassurer, Aiden et Sean étaient entre eux et moi. Pourtant, je ne parvenais pas tout à fait à me calmer. Bien réveillée, je profitais du pouvoir d'Aiden pour paraitre sereine, le plus possible. C'était bien difficile.

Aucun des deux n'avait bougé et aucun des deux ne broncha lorsque je me redressai péniblement en position assise.

— Je n'ai rien fait. C'est elle, expliquait le plus vieux.

Arrivé en pleins milieu d'une conversation, c'était pas génial. Je n'avais pas le début, ni le milieu et la fin était des plus floues.

Je comptais m'approcher d'eux, lorsqu'Aiden m'ordonna froidement de rester à ma place. Son ton contrastait avec ce que ses flammes racontaient. Avais-je rêvé leurs mots ? Leur attente ? Pourquoi y avais-je répondu de cette façon, d'ailleurs ? Rien n'avait de rapport.

— Mais j'ai repris le contrôle du temps et de l'espace pour elle.

Mon sauveur hocha la tête.

— Et ses émotions sont beaucoup plus calmes, enchaina le plus vieux. Je suppose que c'est toi ?

« Tu supposes bien, je pense. » lui répondis-je. J'avais voulu parler, mais ma bouche était restée fermée. Visiblement, je n'étais pas encore au top de ma forme.

— Elle nous a quittés totalement paniquée et elle nous revient totalement elle-même. C'est incroyable.

Sean avait dû mal à y croire. A sa place, je me serais plutôt inquiétée de l'immobilité des Obscurs. En ligne, ils attendaient, le sourire aux lèvres. Ils ne bougeaient pas d'un pouce.

Ils sont très actifs, ne t'y trompe pas, lança Aiden.

— Comme pour moi, il y a des pouvoirs qui ne se voient pas.

— Oh.

Brillante réponse ! Mais je n'avais pas beaucoup moins sur l'instant. Parfaitement docile, je ne m'impliquais plus. J'étais assise et me contentais de cette position inconfortable. A y regarder de plus près, il me semblait que quelque chose ondulait entre eux et nous. Je me fis la réflexion que ce devait être Sean qui modifiait le temps et l'espace et Aiden confirma. Je me demandai pourquoi nos amis n'étaient pas encore là et Aiden me lança que les secondes étaient ralenties ailleurs. Je m'interrogeai sur ce qu'il se produisait réellement et Aiden s'énerva.

— Minah, arrête avec tes questions.

Son ton abrupt me fit déglutir. Je m'étais laissée berner par son apparence concentrée, sans m'apercevoir qu'il était nerveux. Doutait-il de pouvoir les vaincre ? Moi, je croyais en ses capacités. Mike et sa bande de guignols n'avaient qu'à bien se tenir !

— S'il te plait.

Je retins un instant ma respiration, en demandant pardon. Je ne savais pas comment arrêter de penser, c'était plus fort que moi.

Puis, tandis que rien n'avait bougé, je vis une ombre noire arrivée sur Aiden. Sans réfléchir, je me levai et lui hurlai de faire attention. En même temps, je m'élançai sur lui et le fis tomber en avant. Quelque chose dans l'air sembla vaciller. En levant les yeux, je me rendis compte que j'avais agi comme ils le souhaitaient.

— Ce n'était pas réel, m'informa Aiden.

Je me redressai alors en paniquant. Je jurais que cela semblait des plus concrets !

Avant même qu'il ne soit à nouveau debout, Sean était avec nous et le feu nous entourait. Il me souriait, essayant de me rassurer. Ce n'était pas une grosse bêtise.

— Je pense que je ne parviendrais pas à les empêcher de troubler ses sens, débuta le plus âgé, car leur emprise est plus grande avec la marque.

Mon ami plus lointain pinça sa lèvre tout en réfléchissant à un plan d'attaque. Sean ne pouvait pas m'aider et lui non plus. Quant à moi, je ne pouvais pas lutter contre leur sort, parce qu'il m'était impossible de distinguer le vrai du faux. Tout ce qu'ils ne pouvaient pas imiter, c'étaient les flammes. Elles étaient bien trop particulières pour moi.

— Pour une fois que tu es pessimiste, tu vises juste, me complimenta Aiden.

Je le regardai interloquée et Sean n'était pas beaucoup moins loti.

Ils peuvent te faire croire à une attaque, à un sifflement, à un toucher, à une odeur, à un goût. Pas à la protection de mon feu.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? l'interrogea Sean.

C'était rassurant de constater que je n'étais pas seule à être perdue.

— Tu dois t'obliger à ne plus bouger, à garder les yeux fermés et à ne te fier qu'à une chose : mes flammes.

Placer ma confiance en son pouvoir était un jeu d'enfant, je le faisais déjà. Ne plus bouger ? C'était plus difficile. Si j'entendais des cris, comment pourrais-je rester immobile ? Pour réponse, Aiden fit danser son don autour de moi et subitement, il abaissa sa barrière. Sitôt, je revis cette ombre se diriger vers nous. Mon ami également, puisqu'il s'était placé à côté de moi. Pourtant, l'atmosphère que je percevais était toujours calme et détendu. Alors, je ne bougeai pas.

La masse noire traversa Aiden, sans aucune difficulté et le mur orange revint.

— Fascinant, commenta le troisième membre de notre trio.

— Il te suffit de l'appliquer, maintenant.

Je hochai la tête, puis à peine retournée, je l'interrogeai :

— Comment je saurai que je n'ai plus besoin de me convaincre ?

— Tu le sauras, me répondit-il.

Je haussai les épaules, sans protester contre son indication des plus bancals. Nous reprîmes nos positions et si dans un premier temps, je restai simplement assise, très vite, je m'aperçus que c'était une mauvaise idée. Ainsi, j'étais trop attentive à mon environnement. Je guettais le moment où il me faudrait intervenir, alors que je ne devais surtout pas bouger, même par réflexe.

En rouvrant brièvement les yeux, je frôlai un arrêt cardiaque. Une tête de clown au visage en sang me regardait. Cela acheva de me convaincre qu'il valait mieux que je me tienne loin de tout. Pour cela, je ne trouvai qu'une seule idée : me rouler en boule sur moi-même. Peut-être que ça me poussait à me lamenter, à me souvenir de cette première nuit, mais au moins, je n'avais aucune envie de me mouvoir. Au contraire, je désirais disparaitre de ce lieu et m'évader vers un endroit où les Bisounours m'accueilleraient.

Il y avait des hurlements dans ma tête, ils déchiraient le chant de ces petits nounours si adorables, mais ils ne parvenaient pas à briser mes barrières. J'étais plus forte qu'eux, plus maligne.

Il y avait des impressions d'être tâtée, elles faisaient vaciller mon environnement imaginaire, mais elles ne parvenaient pas à le détruire. J'étais plus forte qu'elles, plus maligne.

Il y avait des odeurs de sang, elles blessaient mon nez, mais elles ne provoquaient pas de vomissements. J'étais plus forte qu'elles, plus maligne.

Et puis, il y avait cette danse autour de moi, ce ballet orange, rouge, bleu. Elle parait le ciel de jolie couleur, carillonnait dans le pré si verdoyant, emplissait mon être d'un sentiment de joie incroyable. Aiden était partout, et je crois bien que le monde aurait pu disparaitre, que je n'aurais rien remarqué.

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