Chapitre 24 : Demi-vérité
Je cherchais ce feu doux, cet apaisement, cette consolation, mais je ne trouvais rien de concluant. Une main chaleureuse semblait tenir la mienne, mais ce n'était pas cela. Il manquait quelque chose, cette chose qui faisait la différence. Alors je patientais. J'attendais un signe, un indice, une étincelle.
L'endroit était joli, quelques fleurs, de l'herbe, du soleil, un magnifique ciel dégagé. Pourtant, j'avais l'impression d'être dans une illusion. De ne pas y avoir ma place. Je n'avais pas envie de courir vers cet horizon, promesse de joie et d'exaltation. Je n'avais pas envie de me perdre dans ce bleu si pur. Je n'avais envie de rien. Sauf de pleurer. Il y avait ce truc, là, dans mon cœur. Ce sentiment d'être mal, pourtant entourée d'un décor somptueux. Il y avait un élément qui n'était pas cohérent, et cette incohérence me poussait à bouder.
Assise, là, toute seule, mes joues étaient gonflées, mes bras croisés. J'espérais vainement que quelqu'un m'expliquerait mon mal être. Sans succès. Puis je me rendis compte du silence qui régnait. Rien, pas même un oiseau ne passait par cet endroit. C'était impossible. La vie regorge de bruits, de mouvements. Je décidai alors de me lever. Une bourrasque de vent passa. Je ne ressentis rien. Ce fut alors que je compris : je rêvais. Un rêve irréel, illusoire, incongru. Je le sentais là, dans ce petit organe si vivant. Je n'avais pas envie de paillettes et de mensonges. Des images terribles me hantaient. Machinalement, je posai une main sur mon cou. Il n'y avait rien et ce n'était pas normal.
J'ouvris les yeux.
Le visage de Cathy se tenait face à moi. Les paupières closes, le souffle régulier, elle dormait. Son front plissé démontrait qu'elle s'inquiétait au pays des songes. Sa main serrant la mienne en attestait également.
Je sentis le moelleux du matelas.
Cathy était assise à même le sol. Elle devait être à mon chevet depuis des heures. Moi, j'étais simplement allongée, sans qu'aucune douleur ne me traverse.
Je me rappelai.
Superposé au visage de Cathy, je distinguai les traits de Mike. Ceux de Rose, avant sa mort. Un frisson me parcourut et je voulus pleurer, sans y parvenir.
Des yeux bruns apparurent soudain. Il ne fallut qu'une seconde à la jeune fille pour bondir sur place, le regard aux aguets. Les larmes semblaient poindre le bout de leur nez.
— Minah...
Ce seul souffle la fit éclater en sanglots.
— Cathy, tentai-je en souriant.
Même si je ne pourrais duper personne, je pouvais au moins faire comprendre que je ne me laisserais pas abattre. C'était terrible, mais j'avais survécu. J'étais ici, dans cette chambre d'ami aux couleurs noirs. Mon cœur battait. C'était le plus important.
— Je suis désolée...
Je ne sus pas quoi lui répondre, bien que ses remords étaient des plus grotesques. Mes sauveurs m'avaient retrouvée, ils avaient fait le maximum pour, j'en étais certaine. Rien d'autre n'importait.
Je ne trouvais pas la force de me redresser, alors je restai sur le flanc, observant avec minutie mon amie. Elle semblait en un seul morceau, Arnaud et Camille devaient avoir aidés.
La lycéenne se reprit, s'efforçant d'inspirer et d'expirer calmement. La voir ainsi me réchauffa le cœur. Elle était comme avant. Je pinçai mes lèvres, me disant que cet avant me semblait si lointain. Alors qu'il était tout proche.
— Comment tu te sens ? parvint-elle à formuler.
— Mal.
Mon murmure me semblait être un cri. Cathy serra les poings, incapables de me consoler. Puis, aussi rapidement qu'elle avait bondi, elle s'effondra sur ses genoux.
— J'ai eu tellement peur...
Sa voix tremblait, tout autant que les membres de son corps. Je voulais la serrer contre moi, mais je me sentais toujours incapable de me mouvoir. Elle sembla le comprendre, puisqu'elle se rapprocha de moi et m'aida à me maintenir en position assise. Alors je l'étreignis, aussi fort que je le pouvais, aussi tendrement que je le souhaitais. Ce n'avait rien à voir avec ce feu doux, mais ce geste m'apaisa tout de même.
Soudain, j'entendis un « boum » et mon cœur stoppa un instant sa course. Jetant un œil à la porte entrouverte, je distinguai plusieurs masses qui s'y agglutinaient, ne comprenant pas trop ce qui leur arriver.
— C'est moi, expliqua mon amie en se reculant.
Un éphémère sourire vint se peindre sur ses traits et durant cet instant, j'eus envie de lui pincer les joues, comme auparavant.
— Je voulais pouvoir parler avec toi, sans qu'aucune oreille ne puisse nous entendre.
Je hochai la tête, puis leur jetai un œil.
— Ils nous voient ?
— Oui.
Un léger rire lui échappa, tandis qu'elle se levait pour ouvrir davantage la porte. Les têtes la foudroyèrent du regard, certains la réprimandèrent. Elle se contenta de hausser les épaules. Finalement, les regards convergèrent vers moi et je sus que Cathy souhaitait m'épargner leur pitié.
Avec toutes les peines du monde, je levai un pouce et m'efforçai de sourire. Thibault tapa frénétiquement dans ses mains, les yeux émerveillés et surtout rassuré. La plupart des autres ne se laissèrent cependant pas duper. La porte se referma alors et Cathy revint vers moi.
— Où est Aiden ? questionnai-je la gorge serrée.
C'était le seul que je n'avais pas aperçu. Mon amie soupira en se pinçant une lèvre.
— Est-ce qu'on peut aborder ce sujet à la fin ?
J'acquiesçai, sans être certaine de parvenir à me concentrer dans ces conditions.
La lycéenne se saisit de mes mains et se força à paraitre confiante.
— Ne pense pas à la mort, souffla-t-elle.
La gravité de ses propos contrastait avec son expression. A quoi jouait-elle ?
— Ils sont la mort, Cathy...
— Ne pense plus jamais à la mort, reformula-t-elle. Ta vie, tu atteindras sa fin de façon naturelle. Personne ne l'ôtera. N'y pense plus de cette façon. Ce qu'ils t'ont fait, il n'y a pas de mots. Mais n'abandonne pas, s'il te plait. Tu es quelqu'un d'extraordinaire, tu mérites le bonheur. D'accord ?
Je hochai la tête, tandis que son regard se perdait dans le vide. Elle revint rapidement à elle et sourit un peu.
— Bien. Est-ce que physiquement, tu as des problèmes ?
Je secouai la tête de façon énergique.
— Nous n'avons pas fait disparaitre la brûlure de la marque. J'ai pensé que tu souhaitais d'abord l'apercevoir, parce qu'elle a causé pas mal d'interrogation de ta part.
Ma main glissa sur ses prétendus contours. Puis, sur la peau rougie. Une nouvelle fois, je me sentis sur le point de fondre en larmes, n'y parvins pas.
— Oui. Cette marque, c'est la preuve qu'ils sont réels. Que tout est réel.
— Arnaud peut rendre tout cela irréel. Il peut effacer tes souvenirs de ta capture.
A sa voix incertaine, je sus qu'elle espérait un « oui ».
— Oublierais-je l'après également ? Ce moment que nous partageons ?
— Oui.
La tête ensanglantée de Rose me revint et je fermai les yeux. Aiden m'apparut à la place, je les rouvris.
— Je suis d'accord, mais...
— Tu veux voir Aiden avant, c'est ça ?
J'approuvai, tandis qu'elle souriait tendrement. Il m'était inconcevable de rayer ces quelques heures de ma vie, sans lui adresser quelques mots.
— Ma barrière ne l'empêche pas d'entendre tes pensées, il doit donc déjà savoir que tu es revenue parmi nous.
Cathy grimaça de façon incontrôlable.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
— Aiden n'est pas au meilleur de sa forme et...
Elle se stoppa. Je lui pris donc une main, afin de l'inciter à poursuivre.
— Est-ce que tu es certaine d'accepter d'oublier ? Tu ne voulais pas pour le rêve...
Le songe avait été angoissant, pas terrifiant.
— Vasti Rose est morte devant mes yeux. Ce sont des images que je veux oublier, qu'importe que je perde d'autres moments plus beaux. Je ne pourrais plus me lever le matin, ni dormir la nuit, avec ces souvenirs dans ma tête.
— En tant que Luma, je vivrais avec ces horreurs.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Je savais que Mike réussirait à t'attraper, qu'importe nos actions et j'ai vu. Quand tu te tenais là-bas, sur cette chaise, j'ai vu tes futurs possibles. Je suis désolée, je n'en ai trouvé aucun qui t'épargne cette épreuve...
Ses pleurs reprenaient de plus belle, tandis que j'étais incapable du moindre mouvement. Si les Lumas avaient toujours un coup d'avance, c'était grâce à elle. Combien d'avenirs percevait-elle ? Combien de fois avait-elle déjà transformé ma vie ?
—Si tu m'as demandé de ne pas penser à la Mort, c'est parce que...
—Oui, me coupa-t-elle. Tu oublieras chaque mot, chaque réaction, mais dans ta tête, tu garderas des sensations, des convictions. S'il te plait, grave en toi que je t'ai toujours aidée.
A travers les larmes, elle souriait, alors je promis d'essayer.
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