Chapitre 19 : Bientôt

— Qu'est-ce que tu me veux ? questionnai-je maladroitement.

Le visage de l'Obscur aux pouvoirs déstabilisants était toujours proche du mien. L'impitoyabilité que j'y percevais me faisait vaciller. Ma bouche devenait toujours plus sèche et mes yeux commençaient à me piquer.

— Un peu plus loquace que l'autre jour, commenta Bastien.

L'Obscur avait croisé les bras, mais je me souvenais qu'il se battait souvent ainsi et que la terre tremblait à son passage.

— Je sens son pouvoir. Pourtant, c'est comme s'il était absent. Aiden a bien progressé, conclut Sacha.

Toujours trop proche de moi, je ne parvenais pas à me calmer.

Soudain, des flammes entourèrent l'Obscur face à moi. Leur chaleur se mélangeait à celle du feu d'Aiden, mais je distinguais sans peine les deux. C'est sans doute ce qui ne me fit pas baisser le regard, malgré le brasier qu'étaient devenues les prunelles de mon ennemi. Il resta ainsi de longues secondes, puis secoua la tête, dépité. Il se saisit alors brusquement de mon bras. Si je sentais son contact, je percevais tout aussi bien celui, plus subtil, de mon Soleil.

— Hé pas mal le vilain petit canard, siffla Sacha avant de rejoindre son chef.

Je posai une main sur mon bras, en me demandant ce qui venait de se produire. Je ne savais pas. Ensuite, j'expirai longuement, apaisée par la distance qui me séparait à nouveau de leur personne.

— Elle n'a pas peur de mon don et Aiden la protège de mon feu.

Mike soupira d'agacement.

— Il aurait été si plaisant d'admirer ces marques sur ton corps.

Même si l'Obscur ne possédait pas ce don, de ce que j'en savais, il semblait être attiré par les brasiers. Etait-il si fasciné par la destruction ?

— Je peux alors ? s'enquit Martin.

Il fixait le chef, avide. Un simple hochement de tête et il s'avança à son tour. Leur entente était bien différente de celle des Lumas. Ils n'avaient pas de cohésion de groupe, c'était un chacun pour soi. Chacun à tour de rôle.

Je voulus m'enfuir, contourner cet arbre, mais une flèche se planta à côté de ma tête et je me tétanisai. Pendant un instant, j'avais oublié que Martin était celui qui avait planté la lame dans le corps du pauvre homme. Il pouvait faire apparaitre n'importe quoi et j'étais sa cible.

— Laisse-en pour les autres ! siffla Nathanaël.

L'Obscur se contenta de lever les yeux au ciel. Les flammes d'Aiden vacillèrent et leur réconfort s'en retrouva réduit. La détresse qui perçait était intense.

« Aiden, si tu paniques, je n'arriverais pas à garder mon calme. »

Son feu s'ébranla une nouvelle fois, sans doute parce que ma réaction lui semblait encore anormale. Néanmoins, il était un peu plus confiant. Aussi sûrement que j'étais en danger, son soutien m'aidait.

Une autre flèche se planta de l'autre côté de ma tête et je retins ma respiration. Ne pas paniquer. Je répète, ne pas paniquer.

— Est-ce que je suis dans votre rêve ? questionnai-je.

Martin se stoppa, l'hilarité le saisissant.

— C'est bien ton songe, petite, confirma Mike.

Je regrettais d'être spéciale pour le don d'Aiden. S'il avait pu communiquer avec moi, comme avec les autres, j'aurais pu savoir comment agir. Est-ce que je pouvais avoir un certain contrôle sur cet endroit, puisqu'il m'appartenait à l'origine ? Je n'avais jamais réussi à le faire, la nuit, mais les circonstances n'étaient pas les mêmes. On me forçait à rêver.

« Est-ce que tu crois que je peux vous faire gagner du temps ? »

Les flammes se firent plus fortes, comme mue par une confiance certaine. Cela me suffit, car s'il y croyait, j'y croirais encore plus.

Je fermai les yeux. Si cet endroit était bien à moi, je pouvais avoir un certain contrôle dessus, a priori. J'aurais aimé que l'un d'eux soit avec moi, pour me guider, mais je n'avais que la présence à Aiden. J'allais faire avec.

Je reposai mon attention sur l'Obscur et imaginai le sol se dérober sous lui. C'était mon espace, mon champ, mes fleurs. Je n'avais que très peu fait de rêves lucides, mais je me persuadais que c'était similaire.

Bien que la terre resta solide sous ses pieds, entre Martin et moi se trouvait désormais un fossé. L'arbre derrière moi vacilla également, en même temps que les fleurs. Je compris qu'en essayant de changer l'espace, j'aidais Arnaud et Camille à entrer dans mon songe.

— Pas mauvais, pour une humaine, commenta Olivier.
— Dommage qu'elle soit destinée à mourir, ricana Bastien.

Son rire était abominable. Rauque, il sonnait d'autant plus faux. Aucun d'eux n'était capable de compassion.

— Tu es plus assurée, petite.
— J'ai des amis sur qui compter.

J'essayais de ne pas m'horrifier du fait que le trou se refermait doucement. Je jetai un œil aux autres éléments présent autour de moi. Il fallait que je me concentre sur quelque chose de plus important.

L'arbre disparut définitivement et je tombai en arrière. Je passai très vite outre la douleur qui me saisissait dans le dos. Le ciel était déchiré. S'il s'effondrait, est-ce que je retournerais parmi les autres ?

Tandis que je m'efforçais de concevoir sa destruction en petites briques, le sol sous moi se mit à trembler.

— Je crois que nous n'allons pas tarder à tirer notre révérence, susurra Mike.

Je tombais dans le vide et le ciel s'égrenait lorsqu'il ajouta :

— Petite, j'ai bien hâte de te trouver en chair et en os, et de faire de toi mon second cadeau pour Aiden.

Je me redressai le souffle court, les battements de mon organe vital trop rapide et le visage en larmes. J'avais machinalement porté une main sur mon cœur, en me demandant si j'étais réellement sorti de ce sordide endroit. Le silence ne m'aidait pas à y croire.

Prenant une profonde inspiration tout en fermant les yeux, je m'exultai au calme. Je cherchai par automatisme à me rassurer par le biais de la douce chaleur et, en m'apercevant qu'elle était plus présente que la normale, j'eus un hoquet de surprise.

L'instant d'après, j'avisai les onze têtes tournées vers moi et hésitai à les qualifier de soulagées. Gabriel me toisait en grimaçant. Je fronçai les sourcils avant de comprendre la raison de leur scepticisme. Je tenais la main d'Aiden. Je m'empressais de la lâcher, mais le chef des Lumas ne changea pas d'expression. Je n'avais vraiment pas fait exprès !

— Gabriel a l'air de plus t'effrayer qu'eux, me reprocha Aiden.

Cela acheva de me convaincre être bien de retour. Les sourcils froncés et pourtant le regard si brillant, il me fixait. Son bras était encore tendu vers moi, comme s'il se préparait à une rechute.

Ils te visent toi, annonçai-je la voix tremblante.

La nouvelle réveilla autant le leader que mon ami. Le premier décroisa les bras et sa jambe s'avança. La prise de Lucie le maintint à sa place.

— Avant de te préoccuper de lui, comment tu te sens, Minah ? questionna Sean.

Il se tenait à côté de Cathy et Paul, prêt à user de son pouvoir pour me faire sentir mieux. Je n'en avais pas besoin, estimai-je.

— Olivier a...
— Arrête de penser aux faits, penses à toi, me coupa Aiden.

La peau de son front semblait se tendre toujours plus.

— La transition rêve-réalité a été brusque, mais je vais bien.
— Vraiment ? insista mon Soleil, tout en arquant un sourcil.

Les autres Lumas avaient la même réaction. Pourquoi fallait-il toujours qu'ils doutent de mes propos ?

J'allais me plaindre, lorsque Cathy s'effondra soudain au sol, en larmes. Elle semblait anéantie, plus que rassurée. Son regard était rivé sur ma personne et son corps était parsemé de tremblements. L'instant d'après je me retrouvais dans la chambre aux murs blancs et j'avais la nausée. Arnaud posa sa main sur mon front et cela disparut sitôt.

Seuls lui, Sean et Aiden étaient avec moi. Les deux premiers étaient debout, tandis que le troisième était assis au bord du lit, sur lequel je me trouvais.

Que venait-il de se passer ?

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