Chapitre 17 : De l'aide
Marchant aux côtés de Cathy, je ne cessais de vouloir soupirer, très loin de ce qu'elle me racontait. Sa voix me semblait lointaine parmi toutes les pensées que j'avais.
A force de passer du temps avec eux, la vie réelle m'échappait doucement. Je m'enfermais dans leur monde, en oubliant que mon BAC ne se produirait qu'une seule fois pour moi. J'enchainais les ratés scolaires et je ne savais pas comment y remédier. Si ce n'étaient pas les Lumas qui occupaient mon esprit, les ombres prenaient leur place. J'étais dans une impasse.
— Qu'est-ce qu'il y a, Minah ?
Cathy avait passé un bras sous le mien et avait gardé le silence un long moment. Elle était fidèle à elle-même : prudente.
— J'ai raté mon contrôle.
Au lieu de penser à la Seconde Guerre Mondiale, je pensais à la guerre silencieuse qui se déroulait entre les Lumas et les Obscurs. Au lieu de me remémorer la date de l'Armistice, je me remémorais les dates clés de cette année. Tout me ramenait à leur monde.
— Il y a en aura d'autres, t'en fais pas !
Je soupirai pour la énième fois.
— Il y en a tellement que j'ai raté, avouai-je en me mordant la lèvre. Depuis qu'ils sont apparus, mes notes ne font que chuter. Mes parents se sont disputés à cause de ça. Mon père me fait confiance et ma mère essaie de lui faire comprendre que c'est une mauvaise idée. Elle voulait me priver de sortie, mais mon père s'y est opposé.
De toute façon l'idée était mauvaise. Je sortais très peu et mes allers et venus dans la maison aux proportions énormes pouvaient être couverts sans difficulté majeure. Je n'aimais pour autant pas mentir de cette façon.
— Il te comprend mieux qu'elle, je pense. Il s'est toujours concentré sur les études, non ?
Je confirmai d'un hochement de tête. Mon père n'avait jamais séché les cours, n'avait jamais participé à des soirées et n'avait eu que de rares amis. Il s'était donné corps et âmes à son avenir d'avocat. Il me disait souvent qu'il regrettait certains choix, parce qu'une fois passé l'âge, difficile de vivre certains événements. Il n'avait jamais été plus explicite, mais j'avais conclu que si une deuxième chance lui était donnée, il aurait été plus sociable et aurait pris la vie de façon plus légère, avant de devenir adulte.
— Je pense qu'il veut t'éviter d'avoir les mêmes regrets que lui.
— Sans doute.
Cathy darda ses yeux bruns sur moi, l'air de me gronder. Elle détestait quand je n'allais pas au bout de mon idée, parce que je le montrais trop explicitement à son goût, que je n'avais pas terminé.
— C'est ma mère qui a raison. Les études, c'est devenu trop important pour les négliger et je suis responsable de mon avenir. On a qu'une seule chance.
— Tu n'es pas obligée de faire cinq années d'études pour trouver un métier qui te plait, Minah. Tu as le droit à l'erreur et à l'attente. Tu devrais plutôt te concentrer sur ce que tu aimerais être plus tard, plutôt que sur la chute de tes notes qui remonteront de toute façon.
— Tu es toujours pleine de bon sens, Cathy ! m'exclamai-je.
Elle rit tandis que je souriais. Puis, je sentis une sorte d'instabilité et faillis tomber. Aiden et Paul avaient disparu de mon champ de vision et seule l'absence d'inquiétude de ma meilleure amie me permit de ne pas paniquer. Pourquoi nous avoir enfermées dans sa barrière, sans eux ?
— Tu as parlé à Aiden de ça ?
Immobile, la brune semblait anxieuse. Il n'y avait pourtant rien d'alarmant dans ce que j'avais raconté. Il ne s'agissait que d'événements de la vie ordinaire d'une lycéenne.
— Non.
— Ne lui en parle pas.
— Pourquoi ?
— Parce qu'il n'osera plus te demander de l'aide si tu le fais.
De l'aide ? Aiden avait besoin d'aide ?
— Il a un problème ?
Ses traits se détendirent.
— Ne stresse pas tout de suite ! se moqua Cathy. Aiden va bien, il a juste quelque chose à te demander et il hésite.
— Pourquoi ?
— Notre monde ne t'intéresse pas, mais dès que l'un des nous est cité, ta langue se délie ! s'esclaffa mon amie.
— Je tiens juste à vous, boudai-je.
— Relance Aiden sur ce qu'il voulait te dire à la sonnerie, tu auras sans doute tes réponses comme ça.
Je hochai la tête, me retenant de le rattraper sans plus tarder. Mais Cathy s'accrocha à mon bras tout en retirant sa barrière et m'emporta avec elle dans sa marche. Elle ne laissa pas le loisir à Aiden de me parler, jusqu'à l'entrée dans la maison. Elle suivit naturellement son petit nain dans l'escalier menant aux salles d'entrainement.
Je secouai la tête avant de prendre le même chemin. Les interminables marches me paraissaient toujours dangereuses et je fus contente d'en voir le bout. Je ne me lassais pas de ce champ de fleur au bout et de cette impression de liberté qui s'en dégageait.
Je fronçai les sourcils à la vue de la silhouette stoppée en son centre. Le regard rivé vers le lointain, à l'opposé des salles d'entrainements, Aiden se tenait. Son nom résonna dans mon esprit et il se retourna vers moi. Il ne bougea pas, je commençai alors à le rejoindre, m'éloignant à mon tour des baies vitrées. Sean m'attendrait un peu, ce n'était pas grave.
— Qu'est-ce que...
Je perdis mes mots, alors qu'Aiden, qui était encore à quelques mètres, se retrouva devant moi. J'avais l'habitude de son feu, beaucoup moins de ses autres dons.
— Désolé. Tu marchais trop doucement.
Je souris, parce qu'il essayait d'être drôle et que cela fonctionnait pour moi.
— Je ne suis pas aussi grande que toi, je penserais à manger de la soupe, ne t'en fais pas !
Il était aussi amusé que moi de notre échange. C'était bon de le revoir.
— Qu'est-ce que tu fais ici ?
— Tu vas rejoindre Sean ?
Ce n'était pas la réponse que j'attendais, mais il me parut si déterminé que je ravalai mes mots.
— Comme tous les jours, plaidai-je.
— Bon entrainement, me souhaita-t-il simplement.
Il souriait, mais pas ses yeux. Cathy avait donc raison : le Luma avait quelque chose à me dire. Mais je ne pouvais pas le forcer ! J'attendis alors en silence, espérant qu'il relancerait la conversation. Il ne fit rien.
— Toi aussi, lui retournai-je, avant de faire demi-tour.
J'avais déjà parcouru une sacrée distance, quand les mots de Cathy me revinrent. Je pivotai dans la direction que j'avais quittée, mais Aiden s'était envolé. J'avais déjà déduit qu'il s'était perdu dans le champ, lorsque son rire résonna derrière moi. Je sursautai avant de lui faire face.
— Je ne m'attendais pas à ce qu'on réagisse en même temps, se justifia mon Soleil.
Dans l'étendu de la verdure et malgré ses vêtements sombres, je le trouvais encore plus rayonnant que d'habitude. Etait-ce parce que la lumière s'abattait directement sur lui à présent ? Ses mèches de cheveux brillaient et son regard bleu étincelait.
— Je réfléchissais.
— Et à quoi ? questionnai-je.
— Comment s'est passé ton examen ?
— J'ai toujours détesté la Seconde Guerre Mondiale, grognai-je.
Ce n'était pas un « oui », ni un « non » ! Et Cathy m'avait conseillé de ne pas lui parler de mes inquiétudes. Cela me semblait plus difficile que prévu.
— Je t'aiderai la prochaine fois, si tu veux.
Je le lorgnai sceptique. M'aider ? vraiment ?
— Tu t'y connais ?
— J'ai toujours aimé ça, même si j'ai préféré étudier les roches après le lycée.
Je n'étais pas très sûre de pouvoir lui faire confiance ! Le lycée, c'était il y a plus de vingt ans pour lui !
— Je croyais que tu me faisais confiance, bougonna-t-il en me faisant une pichenette.
S'il y croyait, j'y croirais encore plus. Je n'avais pas oublié mes propos de ce soir-là, même si je l'avais pensé avant d'y réfléchir réellement. Visiblement, Aiden m'avait entendue et n'avait pas rangé ce fait dans la case Stress. Il avait bien raison !
— Minah, tu veux bien m'aider ? changea-t-il de sujet.
— Oui.
— Tu ne sais même pas ce que je voudrais, rit-il.
— Tu as posé une question fermée, c'est ta faute !
Je le frappai à l'épaule, en souriant. Pour une fois que je ne le bombardais pas de suite, il s'en plaignait ! Il grimaça faussement avant de lâcher :
— Oublie Sean et aide-moi à m'entrainer.
Oublier Sean ? C'était une idée bien étrange. Pas autant que participer à ses entrainements. Il n'allait certainement pas utiliser son feu contre moi ; il ne parvenait pas à me persuader de quoi que ce soit, son pouvoir était détraqué concernant les pensées. Il ne restait que la vitesse. Mais en quoi pouvais-je aider ? J'étais un escargot !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top