Chapitre 15 : Ils ont détruit mon image
Les membres endoloris, je m'assis sur le bord du lit. Ma tête me faisait mal, mes jambes me faisaient mal, mon corps me faisait mal. J'avais l'impression d'être passée sous un camion.
— Arnaud va pouvoir te soigner, maintenant.
Dans l'encadrement de la porte, Sean se tenait. Il souriait tristement en me regardant.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? questionnai-je.
Il soupira avant de venir s'asseoir à côté de moi. Naturellement, il se mit en tailleur et je l'imitai péniblement.
— Ils ont essayé de briser la barrière à Cathy, à travers ta marque. La toucher revenait à leur donner un accès à nous.
Ce qui expliquait l'inaction du groupe et les larmes qui avaient été versées. L'impuissance était un terrible sentiment. Aiden me vint alors en mémoire et, si j'avais été seule dans la pièce, j'aurais sauté sur mes pieds pour le trouver. Une seconde dispute, suivie sitôt par une attaque. Comment encaissait-il les événements ?
Sean posa une main sur la mienne en me souriant, encourageant.
— Tu es perdue, énonça-t-il.
J'étais bien plus perdue que paniquée. Plus les jours avançaient, moins je comprenais ce que le destin attendait de moi. Devais-je me laisser attraper ? Devais-je lutter ? Aiden et moi devions-nous nous éloigner l'un de l'autre, comme il semblait le vouloir ? Qu'étais-je censée faire ?
— Je ne comprends pas Aiden.
Mon ami soupira, tandis que je cherchais à sonder son regard. Il était triste, comme souvent, lorsque j'évoquais mon ancien Soleil.
— Tu lui en veux ?
— Non, soufflai-je. Sa logique me dépasse complètement, mais je sais qu'il agit pour une raison précise.
Je m'en convainquais chaque jour qui passait.
— Tu n'y penses plus, n'est-ce pas ? m'interrogea le Luma.
Je clignai des yeux, encore plus perdue. Qu'avais-je oublié de si évident ? De si important ?
— Je perçois tes émotions lorsque tu penses à Aiden, mais lui, il les entend.
Une main sur ma bouche, je retins un cri de stupeur. J'étais stupide, si stupide. Bien sûr qu'Aiden avait des raisons d'être furieux ! Je l'avais traité de détestable ! de meurtrier !
— Il est blessé, mais il s'en remettra.
— Je suis désolée, chuchotai-je. Je suis vraiment désolée. C'est si abstrait pour moi ! Je ne me posais plus de questions. Je suis tellement désolée... Je n'ai pensé qu'à moi, jamais à lui. J'ai été égoïste. Où est-il ? Il faut que je le voie, que je lui demande...
Le rire de Sean s'éleva soudain et je me stoppai. Etais-je hilarante ? Le regard attendri, il m'observait en souriant. Ses fossettes étaient mignonnes, malgré ces trois cents ans et je me surpris à sourire en retour. Je ne comprenais toujours rien, mais il semblait content.
— Si je n'avais pas déjà aimé, j'aurais pu tomber amoureux de toi.
La bouche grande ouverte, je ne sus pas de quelle manière réagir. Sa main sur la mienne avait soudainement un autre sens, tout autant que nos moments ensemble. Puis Sean perçut quelque chose qui m'échappait et se leva rapidement, le visage horrifié. Un nom franchit ses lèvres et je bondis à mon tour. Je ne savais pas ce qui se passait avec Aiden, mais il me fallait le découvrir aussi.
Flageolante, je quittai le lit, manquant de finir sur le mur. Je me tins une seconde à l'embrasure de la porte et découvris Thibault, dans le couloir. Il fixait le bout de celui-ci, ahuri. Nul doute que lui aussi avait entendu son ainé.
— Aiden ? le questionnai-je.
Thibault leva son bras en pointant ce que son regard observait. Je hochai la tête, puis me précipitai vers les escaliers. Presque parvenue à l'étage du dessous, je manquai une marche et m'étalai. Mon bras m'élança et je grimaçai. C'était bien le moment de se casser quelque chose !
Je me relevais lorsque Cathy apparut et m'aida. Elle hocha la tête dans ma direction, puis m'indiqua la salle d'entrainement. Je la remerciai, bien qu'elle avait tapé dans le mille de façon surprenante. Sur le moment, je ne m'y attardai pas.
Une fois l'autre série d'escaliers franchie, je m'élançai vers les vitres. Evidemment, Aiden n'avait pas choisi la plus proche et je dus atteindre la dernière avant de l'apercevoir. Sean était face à lui, mon ami gardait son visage fermé et têtu. Puis les deux garçons perçurent ma présence et se tournèrent de façon unanime vers moi. Ma venue ne les ravissait pas.
— Minah, tu dois te reposer ! me réprimanda Sean.
Mais ses mots me semblaient lointains, vides de sens. Mes prunelles plongeaient dans ceux d'Aiden et j'en étais déstabilisée. Sa tristesse trouvait un écho dans la mienne, de façon incompréhensible. Puis, comme il le faisait depuis des semaines, mon Soleil s'évapora de ma vue et je sentis un courant d'air passer à côté de moi. Tout en me tournant vers le couloir, je pensai son nom. Ayant l'impression d'avoir été bercée d'illusion, je pleurais, à genou au sol. Avais-je imaginé cette douleur, ce regret dans son regard ? Avais-je imaginé qu'il tenait à moi ? Pourquoi s'enfuyait-il sans cesse ? Pourquoi ne souhaitait-il plus me parler ?
— Je suis désolé.
Son souffle emplit l'espace et je relevai le regard. Pas bien loin, car Aiden s'était accroupi pour être à ma hauteur. Je le fixais, sans savoir si m'exprimer était une bonne chose. Mon ami prendrait-il à nouveau ses jambes à son cou ?
— Je suis désolé, répéta-t-il.
« Moi aussi. » pensai-je. Aiden pinça les lèvres et ferma un instant les yeux. Lui aussi commença à pleurer.
— Je ne parle pas seulement d'hier.
Je sentis ce feu doux brassait l'air, cherchant une voie à emprunter. J'étais si touchée que je ne pensais pas à rebondir sur ses propos.
— Je voulais être quelqu'un que tu apprécies. Tu n'aimais pas le caractère si strict de Paul. Je me suis dit que l'humour, c'était parfait. A l'intérieur du lycée, ça m'a toujours été facile. C'est ma bulle d'oxygène, l'endroit où les années de ma vie d'antan me pèsent le moins. J'étais comme ça, avant. Et...
Son poing se serra et je retins un sanglot. Le réel Aiden se tenait devant moi. Enfin, il cessait de se cacher.
— Ils ont détruit mon image. Je suis désolé. Je ne peux plus être celui que tu veux que je sois. Cet ami rieur et blagueur est trop angoissé. Ils m'ont déjà pris quelqu'un, je ne veux pas que tu sois la prochaine.
Je ne sais pas si ce sont ses larmes, ses mots ou bien son regard si doux qui m'ont conduite à lui prendre la main. Quoi qu'il en soit, ce fut ma réaction à ses propos et à cette douleur qui perçait dans sa voix. Celle-ci m'étreignait comme si elle était la mienne.
— Et puis, il y a Sean. Tu arrives si facilement à lui parler. A sourire, à rire avec lui. Il n'est pas drôle, il est calme et attentif. Mais tu lui accordes ta confiance. Je ne sais plus très bien qui je devrais être à tes yeux.
J'exerçai une pression plus intense sur sa paume. Même s'il entendait mes pensées le concernant, Aiden ne comprenait pas ce que je ressentais.
— Plus les jours passent, plus ce lien, que je ne comprends pas, grandit. Plus je m'éloigne, plus il s'intensifie. Je ne veux pas que tu puisses devenir un moyen de m'atteindre. Ils ont déjà bien d'autres façons de... J'ai peur, Minah. Je suis désolé d'être si irrationnel. J'ai l'impression de ne plus rien contrôler depuis ce soir-là.
Son regard inondé de larmes me serrait le cœur. Tandis qu'il me fixait, j'eus la sensation que cette irrationalité n'était pas seulement liée à la peur. D'autres sentiments se bousculaient en lui.
Sans réfléchir, je m'approchai davantage de lui. Sans le consulter, je le pris dans mes bras. Sans le prévenir, je lui soufflai :
— Sois toi-même, Aiden. Ne cherche pas à me convenir, ni à imiter ceux que j'apprécie. Si je les aime, c'est parce qu'ils sont uniques. J'aimais tes blagues et ton ironie, parce qu'elles étaient qui tu étais. Je n'ai qu'un seul souhait : connaitre le véritable toi.
Je sentis les flammes nous entourer, tandis que mon ami enfouissait un peu plus sa tête dans mon cou. C'était étrange de le voir si fragile, alors que j'avais si longtemps vu son sourire.
— Je suis plus noir que tu ne l'imagines.
— Ton cœur souffre, rectifiai-je. Mais tu ne finiras pas comme eux, Aiden. Tes flammes, elles sont emplies de tendresse, pas de haine, pas de souffrance.
Mon ami se perdit dans ses larmes, tout en serrant mon t-shirt dans ses mains. Je ne sais pas ce qui l'a conduit à agir de la sorte ce jour-là, mes mots ou leur véracité ? Ma compréhension ou sa peur ? En revanche, je sais que ce jour-là, Aiden a renaquit de ses cendres.
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