Séparation
Assis sur le bord du lit, je contemple les murs qui m'entourent. Plus les secondes s'écoulent, plus j'ai la sensation qu'ils se referment sur moi. Les premiers symptômes devraient apparaître dans les douze à vingt-quatre heures. Le temps m'est compté. Dans le pire des cas, la mort survient au bout de quarante-huit heures. Je suis jeune et en bonne santé... Je dois me raccrocher à cet espoir. Je fixe le pansement sur le bout de mon doigt. J'ai été tellement stupide. Vu mon état d'angoisse, je n'aurais jamais dû sortir ses fioles de leur écrin sécurisé.
— Suppasit !
La voix stridente de Mr Maleenon me tire de mes sombres pensées. Je me lève, avec la sensation d'avoir un poids énorme sur la poitrine.
— Monsieur...
Il m'observe de son regard glacial à travers la vitre qui nous sépare.
— Signez ça !
Il dépose dans le caisson de communication une feuille et un stylo et enclenche le système de désinfection. Le mince espoir qu'il soit venu pour me soutenir disparaît quand je découvre le contenu du document. C'est une attestation sur l'honneur qui décharge KlaxoSmithGlare Vaccines de toute responsabilité en cas de complications ou de décès. Je le regarde, horrifié.
— Vous avez conscience que vous avez commis une faute grave, n'est-ce pas ? s'égosille-t-il, le visage contracté par le dédain.
Je ne peux pas le blâmer. J'ai une grosse part de responsabilité dans cet incident et je risque de le payer au prix de ma vie. Je baisse les yeux et m'empare du stylo pour signer la décharge et la replacer dans le sas.
— Estimez-vous heureux que je ne vous vire pas, Suppasit !
Il récupère le feuillet et se retourne, sans un regard, pour se diriger vers la porte.
La main sur la poignée, il s'immobilise et tourne la tête vers moi.
— Enfin, si vous survivez, aboie-t-il avant de quitter la pièce.
Je m'assois, effaré. Cet homme est un monstre. Il n'y a aucune once de compassion en lui. Et pourtant, il est l'un de ceux à avoir la vie de millions d'êtres humains entre les mains. La mienne y compris. Les heures s'écoulent. Je tourne en rond comme un lion en cage. Un mal de tête me vrille les tempes. Il est bien trop tôt pour mettre ça sur le compte du virus. Bien trop tôt...
Quatre heures après mon exposition au virus, un de mes collègues vient me faire un test salivaire. Il est équipé d'un scaphandre hermétique et entre dans la petite pièce les mains tremblantes. Nous sommes des laborantins, pas des médecins. Nous ne sommes jamais en contact avec les patients contaminés. Mais je suis trop inquiet pour tenter de le rassurer.
Tout ce que je veux c'est avoir des nouvelles de Run et surtout de Gulf.
Malheureusement, il n'a aucune information. Que se passe-t-il ? Pourquoi n'ont-ils pas encore été relâchés ? L'angoisse me comprime la poitrine, rendant ma respiration difficile. Je m'essuie les mains moites sur mon pantalon.
— Je repasse dans trente minutes pour te donner le résultat, m'annonce mon collège, avant de passer la porte de ma cellule et de la verrouiller.
Il prend le temps d'enlever son scaphandre dans la salle d'observation, me jette un dernier regard bienveillant et me laisse à nouveau seul avec mon désespoir. Trente minutes peuvent paraître aussi rapides qu'un claquement de doigt ou aussi longues qu'une éternité. Allongé sur le lit, je tente de respirer profondément pour dénouer le nœud qui me serre la gorge. Mon mal de tête ne fait qu'empirer. La porte de la salle d'observation s'ouvre. C'est l'heure du verdict. Mon cœur s'emballe, mon corps frissonne. Je n'ose même pas bouger, les yeux fixés au plafond.
— Je te laisse cinq minutes et voilà où je te retrouve.
Cette voix... C'est Gulf ! Je bondis hors du lit et plaque mes mains sur la vitre qui nous sépare. Il est là, face à moi, avec son merveilleux regard pétillant. Le soulagement me fait monter les larmes aux yeux.
— Gulf... Enfin tu es là, murmuré-je, la voix tremblante.
Il s'approche lentement et pose sa main au même endroit que la mienne, ses yeux plongés dans les miens.
— Je suis là et tout va bien.
Je hoche la tête de gauche à droite. Les larmes coulent sur mes joues. Non, tout ne va pas bien.
— Je suis contaminé. Tout est de ma faute.
— Mew... c'était un accident, tu n'es responsable de rien.
— Si ! J'ai été stupide ! Je n'aurais pas dû sortir les éprouvettes.
Ma voix se brise. Je pose mon front sur la vitre, le corps parcouru de sanglots.
— Regarde-moi... m'implore-t-il d'une voix douce.
Je relève la tête, la vision floutée par les larmes. Aussitôt, je suis happé par son regard.
— Je te promets que tu vas t'en sortir. C'est impossible que notre relation se termine comme ça, alors que je n'ai même pas pu te toucher réellement.
Ces mots agissent comme un baume sur mon cœur malmené. Je sais qu'il ne peut rien faire, mais il est là, près de moi et c'est tout ce qui compte à cet instant.
— Regarde, je t'ai même amené une potion magique. Cent pour cent de réussite sur tous les maux de l'univers.
Il brandit fièrement un café fumant. Je m'esclaffe. Il arrive même à me faire rire dans une situation pareille. Cet homme est merveilleux. Il replace le couvercle sur le gobelet et l'insère dans le sas de désinfection. Une fois nettoyé, je récupère la boisson brûlante et hume avec délice son parfum.
— Merci...
Jamais de ma vie, recevoir un simple café ne m'avait ému à ce point.
— Bois-le vite, avant qu'il ne refroidisse.
À petites gorgées, je savoure ce breuvage amer, qui me réchauffe le corps et m'éclaircit l'esprit.
— Comment s'est passé l'interrogatoire ? lui demandé-je.
— Bien. Je te l'ai dit, je n'ai rien à cacher.
Je reste stupéfait qu'il s'en soit sorti aussi facilement. Mais il est là, face à moi, c'est le plus important.
— Et Run ?
Son visage se ferme, ses yeux se détournent.
— Il a été arrêté...
— Quoi ? C'est impossible ! Run n'aurait jamais...
Je recule, chancelant, pour m'asseoir sur le lit.
— Des preuves ont été trouvées. Il a revendu, à plusieurs reprises, des informations confidentielles à nos concurrents.
Mes oreilles sifflent, j'entends ce qu'il dit, mais je ne comprends pas. Run... Avec ses masques grotesques d'animaux. Son humeur toujours joyeuse et ses blagues débiles. C'est impensable.
— Je suis désolé, Mew. Je sais que c'est ton ami.
Je secoue la tête, affligé.
— Non, il ne l'était pas. Je n'ai pas d'amis. Et c'est tant mieux comme ça. Personne ne me pleurera...
Je me prends la tête entre les mains. Je suis en train de perdre la dernière parcelle de joie de vivre qui m'habitait. Gulf frappe violemment la vitre, me faisant sursauter.
— Je t'interdis de dire ça ! crie-t-il d'un ton enragé. Tu ne vas pas mourir. Je t'interdis de baisser les bras !
Il me fixe de son regard farouche et obstiné.
— Je suis là, Mew, reprend-il d'une voix plus douce. Je suis là avec toi.
L'émotion me gagne à nouveau. Mon cœur se gonfle de gratitude et de tendresse pour cet homme incroyable. Les larmes envahissent à nouveau mes joues.
— J'ai cinquante pour cent de risque de mourir, articulé-je d'une voix tremblante. J'ai tellement peur.
— Non, chuchota-t-il, en se collant contre la paroi, son regard brillant plongeant dans le mien, tu as cinquante pour cent de chance de survivre...
Lentement, je me lève et m'approche de celui qui me redonne de l'espoir.
Je pose mes doigts sur la surface froide et dessine les contours de son visage.
— J'aimerais tellement pouvoir te toucher, murmuré-je en le dévorant des yeux.
Mes doigts courent sur le verre, retraçant le galbe de ses lèvres pleines que je devine sous son masque, caressant la courbe de sa mâchoire. Un désir puissant et impérieux me saisit et allume un brasier dans mes reins. La peur et l'angoisse ne font qu'attiser le feu qui brûle en moi. La flamme que je vois danser dans ses prunelles me confirme qu'il ressent la même chose.
— Déshabille-toi... soufflé-je, en commençant à déboutonner ma chemise.
Je ne sais pas trop ce que je fais, j'ai besoin de le voir. Je ne peux pas le toucher, mais je peux au moins le savourer avec mon regard. Il n'hésite pas une seconde. Il se retourne prestement pour verrouiller la porte qui donne sur le couloir et revient vers moi en faisant glisser sa blouse sur ses épaules et en arrachant son masque. Rien que sa démarche chaloupée et ses yeux de braise m'électrisent. Je ne peux contenir un gémissement d'impatience.
Avec une lenteur diabolique, il ouvre un à un les boutons de sa chemise, me laissant deviner la peau tendre de son cou, puis le galbe de ses pectoraux. Sa peau est plus dorée que la mienne. Elle me fait penser à une friandise au chocolat et j'en salive rien qu'en imaginant son goût délicieux.
— Tu es le seul à profiter du spectacle ou je peux aussi y avoir droit ?
Ses mots me tirent de ma contemplation, hypnotisé par sa peau qui se découvre, je suis resté figé sur le second bouton de ma chemise. Alors, pour le satisfaire, j'enlève mon masque et ouvre, peu à peu, les pans de ma chemise. Je sais que je suis bel homme, mais son regard intense qui me dévore, me donne la sensation d'être le plus sexy sur terre.
Nos gestes s'accordent et nous finissons d'enlever nos chemises d'un même mouvement.
Une cloison nous sépare et pourtant je n'ai jamais été aussi excité de toute ma vie.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine, ma respiration est haletante.
Il est magnifique face à moi.
Mon regard glisse sur sa peau. Je caresse des yeux sa clavicule, ses épaules. J'apprécie la rondeur de ses pectoraux, où se détachent ses tétons plus sombres. Je me mords la lèvre d'envie quand je découvre ses abdominaux et plus bas encore, la force de son désir qui déforme son pantalon. Je sens qu'il m'observe avec autant d'avidité. Des frissons parcourent ma peau, comme s'il me touchait.
Je m'approche de la vitre et y pose les mains, l'invitant du regard à m'en montrer plus. Je veux tout voir, tout découvrir. Je veux que le corps de Gulf soit la dernière image gravée dans ma mémoire avant que la mort ne m'emporte. Je n'ai même pas à prononcer un mot. Il se déchausse et déboutonne son pantalon. Ses doigts glissent sous la ceinture et lentement, il fait glisser ses vêtements le long de ses jambes fuselées. Mon souffle se coupe quand son sexe est libéré de sa prison de tissu. Je serre les poings, tellement mon envie de caresser sa peau est immense. Il est à couper le souffle, nu et offert à mon regard.
— À ton tour... susurre-t-il.
Je brûle de le satisfaire et de lui offrir mon corps tout entier. Avec impatience, je me déleste de mes derniers vêtements. Il ne me quitte pas du regard, détaillant chacun de mes faits et gestes.
Il gémit quand je me redresse, le sexe palpitant de désir pour lui.
— Tu es éblouissant, Mew.
Il s'approche de la paroi. Nos mains se rejoignent, en miroir. Je colle un peu plus mon corps contre la vitre, comme si cela pouvait diminuer l'espace qui nous sépare. Je me délecte de son image, de ses courbes, du grain de sa peau. Mes doigts parcourent frénétiquement la silhouette de Gulf sur le mur de verre. Il empoigne fermement son membre tendu et du pouce commence à stimuler son extrémité. Je ne peux détourner mes yeux de son sexe enfermé dans son poing.
— Touches-toi pour moi, Mew... me supplie-t-il dans un gémissement.
Mon regard remonte avec lenteur vers son visage. Je remarque la rougeur qui envahit sa poitrine, son cou et ses oreilles. Ses paupières mi-closes dévoilent à peine ses pupilles complètement dilatées. Il est l'incarnation de la luxure et de la sensualité.
Mû par un désir ardent, je lui obéis sans hésiter. Mes mains glissent sur mon torse, effleurent mes tétons. Il se met en mouvement, lui aussi, imprimant de longs va-et-vient sur sa hampe dure. Mes doigts descendent toujours plus bas, passant sur mes abdominaux contractés. Sa cadence accélère quand je frôle mon membre viril, sur toute la longueur, jusqu'à mon gland. Pantelant, il s'appuie d'une main sur la paroi, pendant que l'autre s'active de plus en plus rapidement.
— Mew... gémit-il pour m'inviter à le rejoindre dans l'extase.
Une fois encore, tel un esclave répondant à son maître, je m'exécute. Mes doigts se referment sur ma hampe. Dès le premier mouvement, des décharges de plaisir me traversent. Je m'oblige à garder les yeux ouverts, malgré les vagues de volupté. Je veux le voir, le contempler, m'offrir son intimité, ses gestes, ses soupirs, chaque réaction de son corps fiévreux.
C'est la plus belle vision au monde : Gulf se donnant du plaisir pour moi. Le rythme devient frénétique. Je ne peux pas ralentir, lui non plus. Nous avons franchi le point de non-retour. Nos mains vont et viennent de plus en plus vite. L'espace sonore est empli de nos suppliques. Ce ne sont plus mes doigts qui m'amènent vers l'extase, mais ce sont les siens. Ce n'est pas une vitre froide et sans vie que je caresse, mais c'est son corps. Il est contre moi, il me touche enfin...
L'orgasme explose en moi, emportant tout sur son passage : l'angoisse et la peur, la frustration et la peine. Plus rien n'existe à part l'homme face à moi, si beau et sauvage dans la jouissance.
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