Mew


Le cœur battant, j'entre dans la pièce. Un pas. Puis un autre. Je retiens mon souffle. Il est là, immobile, allongé sur le lit.

— Mew... ?

Je l'appelle, mais il ne réagit pas... Pourquoi il ne réagit pas... ? Mon sang se glace, je ne veux pas faire face à ce que j'ai devant les yeux. Aussi vite que mon corps affaibli me le permet, je m'approche de la vitre qui nous sépare. Mon poing se lève et percute la cloison.

Mew !

Je crie. Le désespoir, lentement, s'insinue en moi, comme un serpent. Je frappe à nouveau la vitre et hurle à m'en arracher les cordes vocales :

Mew ! Réponds-moi !

Puifai s'approche et doucement pose une main sur mon épaule. Je ne veux pas de sa compassion, je me dégage d'un geste brusque et me dirige vers la porte pour le rejoindre. Je déverrouille la porte et m'apprête à entrer dans la pièce quand elle me retient fermement. Je me tourne vers elle, pour lui ordonner de me laisser.

— Attends ! Regarde...

Elle m'indique Mew d'un signe de tête, le visage soudain tendu. Je reporte mon attention sur le corps immobile. Et c'est là que je le remarque... Il respire... Il est vivant ! Un soulagement intense me parcourt. Il est vivant... Je m'empresse de franchir l'espace qui nous sépare, mais une nouvelle fois ma partenaire m'en empêche.

— Ne t'approche pas ! Siffle-t-elle, en resserrant sa poigne sur mon bras.

Je suis trop faible pour me dégager. Je fixe l'homme que j'aime, espérant son réveil, ne comprenant pas pourquoi elle m'empêche de l'approcher. Et c'est là que je réalise que quelque chose ne va pas. Il respire, mais à peine. Sa peau est diaphane et moite.

— Non...

Il est malade.

— Il est contaminé... et vu son état, il est en phase critique. Tu ne dois surtout pas l'approcher.

Les mots de Puifai sont comme autant de poignards qui me transpercent le cœur. Il a disparu il y a à peine quarante-huit heures... Je sais pourtant que le traitement qui l'a protégé, il y a quelques jours, ne pouvait empêcher une nouvelle contamination.

— Nous devons l'amener au plus vite à ta mère, elle seule pourra le sauver, continue Puifai. Je vais chercher une combinaison étanche et un brancard pour le déplacer.

Je l'entends, mais mon regard ne quitte pas Mew qui semble entre la vie et la mort. Elle me secoue le bras, m'obligeant à la regarder.

— Ne t'approche sous aucun prétexte ! Vu ton état, tu ne dois pas prendre de risque !

Je sais tout ça. Je sais que si j'attrape le virus, je n'y survivrais pas, mon corps étant déjà trop affaibli et si ma mère décide de me donner le traitement, les effets secondaires risquent aussi de me tuer. Je sais tout ça... Je serre les poings, furieux et terrifié. Je ne peux même pas le soulager par ma présence à son chevet. Doucement, elle me tire loin de lui.

— Je fais vite, dit-elle, avant de sortir précipitamment dans le couloir.

Je me poste devant la vitre. À l'agonie de le voir dans cet état, je pose le front et les mains sur la surface glacée, les yeux rivés sur Mew. J'ai tellement peur pour lui. Il a l'air si vulnérable et fragile. La culpabilité me comprime la gorge. Tout ça, c'est de ma faute. Si je n'étais pas entré dans sa vie, si je ne l'avais pas choisi pour cible. C'était mon combat, pas le sien. Et pourtant... Et pourtant, je ne peux regretter ma rencontre avec Mew. Il a bouleversé ma vie. L'espoir va renaître. Tout va changer, dans quelques heures. Il doit survivre, il ne peut pas me quitter comme ça, alors que notre avenir s'ouvre enfin devant nous.

— Reste avec moi, Mew... murmuré-je.

— Que c'est touchant !

Cette voix tranchante et froide me fait violemment sursauter. Je me tourne et me retrouve face au supérieur de Mew, Mr Maleenon. Il pointe une arme vers moi et un sourire dédaigneux déforme son visage sous son masque.

— Quelle ne fût pas ma surprise quand on m'a amené Mr Suppasit en pleine forme, sans aucune trace du virus. Il fallait bien que je rectifie les choses... Même si je ne pouvais plus rien faire pour arrêter la divulgation de la vérité, je pouvais, au moins, avoir la satisfaction de le voir mourir à petit feu. Je me doutais bien que quelqu'un viendrait tôt ou tard pour récupérer cette vermine. Et vous voilà... Je vais enfin me venger des salauds qui ont détruit une vie de travail !

Mon sang ne fait qu'un tour. Comment ose-t-il ? Je fais un pas dans sa direction, oubliant une seconde mes plaies et ma souffrance, prêt à lui faire avaler son sourire ignoble. Il m'arrête d'un haussement des sourcils, en relevant son arme dans ma direction.

— Pas bougé ! Vous ne méritez même pas de respirer ! Estimez-vous chanceux que je vous enferme ensemble pour vous laisser croupir tous les deux ! Avez-vous seulement conscience de ce que vous avez provoqué ?

La rage me fait serrer les poings, je calcule rapidement mes chances de me ruer sur lui pour le désarmer. Elles sont minces...

— Combien ? me crache-t-il au visage, son teint prenant une teinte cramoisie qui me soulève le cœur. Combien avez-vous touché pour récupérer ses données ?

— Rien du tout, sale ordure ! !

Il me regarde, éberlué, les yeux injectés de sang.

— Vous êtes encore plus fou que je ne l'imaginais, souffle-t-il. Tout détruire... juste pour la gloire... Vous êtes fou à lier !

— C'est ceux qui ont créé ce virus et qui l'ont lâché sur la population qui sont fous ! Vous avez tué des millions de personnes ! Comment pouvez-vous vivre avec ça sur la conscience !

Je suis haletant, la colère se déverse dans mes veines, me donnant la certitude que je pourrais lui sauter dessus et le frapper, encore et encore.

— Vous ne comprenez rien ! Ce virus a permis à l'humanité de se débarrasser des plus faibles, des déchets de la société ! L'argent que nous aurions pu récolter aurait permis des avancées majeures dans la médecine, pour ceux qui en valent vraiment la peine !

La nausée qui me tord le ventre s'accentue. Il parle de ses pauvres victimes comme si elles n'étaient rien de plus que des petits cailloux sur son chemin. Je suis dégoûté.

— Évidemment, nous n'avions pas prévu que le virus mute de cette manière. Mais finalement, cela aurait été une réelle réussite si vous n'étiez pas intervenu. Avez-vous conscience que vous sauvez les gens du C119, mais vous privez de traitement des milliers d'autres quand les usines fermeront. Qui aidera les diabétiques, les cardiaques, les cancéreux ? Sans traitement, comment survivront-ils ? Tout ce potentiel perdu ! Par votre faute !

Cet homme est fou ! Je rêve de lui arracher la langue et de le faire taire. L'arme qu'il pointe sur moi est parcourue de tremblements, c'est ma chance. Je m'élance, mais je ne suis pas assez rapide, mon corps me trahit. Il tire. Je me fige. Il éclate d'un rire de dément. La balle m'a frôlé pour traverser la paroi vitrée derrière moi.

— La prochaine sera la bonne...

Il arme son pistolet et le pointe vers moi. Je vois très clairement son index lentement appuyer sur la détente. Un mouvement dans la périphérie de mon champ de vision me fait brusquement tourner la tête. Dans un mouvement désespéré, je tente d'intercepter Mew qui se précipite vers son supérieur. Le vieil homme, les yeux écarquillés d'horreur, a un mouvement de recul en réalisant que le malade va le heurter de plein fouet. Mew se jette avec violence sur l'homme armé qui hurle en étant projeté au sol. Entre eux débute une lutte acharnée, Mew essayant de le désarmer avec l'énergie du désespoir et Mr Maleenon, complètement paniqué, tentant de se débarrasser du malade. Mew se retrouve plaqué au sol, sous l'homme imposant qui se cambre de toutes ses forces pour se libérer. Je reste prostré quelques secondes, avant de retrouver mes esprits et de me ruer sur eux pour les séparer. Mais je n'ai pas le temps s'esquisser un geste qu'une détonation retentit et semble résonner à l'infini dans les couloirs vides.

Les yeux exorbités de Mew se posent sur moi une dernière fois, avant de lentement se fermer. Les deux hommes s'effondrent, inanimés, sur le sol. Je sens mon cœur s'arrêter de battre dans ma poitrine. Mon dieu... pitié... Je n'ose m'approcher. Aucun des deux hommes ne semble respirer. Puifai arrive en courant, essoufflée.

— Merde ! lance-t-elle en agrippant fermement le vieil homme inanimé et de le pousser sans ménagement pour accéder à Mew.

— Ne t'approche pas ! ordonne-t-elle en se penchant sur lui, sans un regard pour moi.

Je suis à deux doigts de défaillir, mes jambes tremblent furieusement, une sueur glacée me coule le long du cou. Pourquoi ne dit-elle rien ? Du sang... Il y a du sang partout sur lui. Des points noirs dansent devant mes yeux, la pièce commence lentement à tourner. Je la vois approcher son oreille de la bouche de Mew, puis elle se redresse et cherche son pouls de sa main gantée. Les secondes semblent durer des heures. Mon corps ne va plus supporter cette attente plus longtemps. Je vacille, me retenant de justesse contre la paroi. S'il meurt, autant que je meure avec lui...

— Gulf !

Puifai m'appelle, mais sa voix me paraît soudain très lointaine.

— Gulf !

Je ne réagis pas, me laissant lentement sombrer dans le néant. La gifle me réveille instantanément.

— Reprend-toi, putain ! Il est vivant ! Il faut vite le ramener à ta mère !

Le soulagement me stimule autant que le cocktail de ma mère. Je me détache du mur et tente de m'approcher de lui.

— Si tu t'approches encore, je t'enferme dans cette cellule !

Je m'arrête à un mètre de Mew. Il est vivant, il m'a sauvé la vie. Les larmes s'accumulent sous mes paupières. J'aime tellement cet homme. Je ne le laisserai pas mourir, je m'en fais la promesse. Je regarde, impuissant, Puifai lui enfiler une combinaison étanche.

Elle le hisse péniblement sur une civière, et sans m'attendre, la pousse pour prendre l'ascenseur. Une fois à la voiture, elle arrive à faire entrer Mew inconscient sur la banquette arrière. Elle abandonne la civière sur le trottoir, se met au volant et se tourne vers moi.

— Appelle ta mère, qu'elle se prépare.

Je m'empare de mon téléphone, pendant qu'elle démarre sur les chapeaux de roues. Ma mère décroche au bout de la deuxième sonnerie.

— Maman, tu es mon dernier espoir...

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